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Ėmilie Duval, psychologue : «La reprise demandera de faire preuve de bienveillance envers nous-mêmes et les autres»

«Nous allons tâtonner pour sortir du confinement, tout comme nous y sommes entrés. Il s’agira de réinventer la suite, de trouver un équilibre, un juste milieu entre le monde d’avant et celui d’après, dont les contours tardent à se dessiner…» C’est ce que confie la psychologue Emilie Duval qui nous parle, dans l’entretien qui suit, de l’après-confinement.

À la fin du confinement, les Mauriciens pourront-ils reprendre le cours de leur vie là où ils l’avaient laissé le 19 mars ?

 

Après des semaines de confinement, il va falloir graduellement réapprendre à vivre quand il y aura le déconfinement. Cela implique de sortir de chez soi, de retrouver les autres, d'affronter l’incertitude de la crise économique, d'utiliser les transports en commun, etc. Tant de questions qui nous habitent. Souvent, après une crise, on peut vivre une forme de déni, de refoulement, on peut penser qu’on retrouve notre vie d’avant, que cette crise est terminée. Le déconfinement ne veut pas dire retour à la normale, ni prétendre revenir à notre vie d’avant le 19 mars. Alors comment se projeter dans l’après quand il existe tant d’incertitudes, de questions auxquelles nous n’avons pas de réponses ? Tant au niveau de la crise économique, de la reprise du travail/des institutions scolaires que de nos relations sociales. Comment vivre avec ce sentiment de peur et d’angoisse que beaucoup ressentent et vont continuer à ressentir au cours des prochains mois ?

 

Comment s’annoncent donc les jours d’après ?

 

Nous allons tâtonner pour sortir du confinement, tout comme nous y sommes entrés. Il s’agirait de réinventer la suite, de trouver un équilibre, un juste milieu entre deux mondes, celui d’avant et celui d’après, dont les contours tardent à se dessiner. Accepter de quitter notre vie d’avant et d’être un moment dans l’inconfort de notre vie d’après, le temps que les choses se posent peu à peu. Cela implique de mettre en place de nouvelles manières d’être avec les autres, de travailler, d’enseigner, de protéger la santé, de consommer, etc.

 

Quelles sont les capacités d’adaptation à mettre en place pour pouvoir affronter l’après-confinement ?

 

Accepter que nous vivons des moments de grandes incertitudes, que toutes ces questions qui nous habitent ne vont pas disparaître avant plusieurs mois. Le défi est de pouvoir accepter qu’il n’existe pas de réponses toutes faites aux nombreuses questions que nous nous posons, tant individuellement que collectivement. Et prendre le temps d’accueillir, de reconnaître et de gérer comment nous nous sentons dans cette situation, ainsi que les pensées et comportements qui y sont associés. Exemple : la peur de repartir travailler/de se retrouver au chômage/de ne pas avoir suffisamment de revenus pour nourrir sa famille, etc. Nous vivons une certaine forme de vulnérabilité tous ensemble. La meilleure manière de s’adapter serait de considérer qu’il y a peut-être plus de «normalité» et que cette pandémie nous demande de retrouver un nouvel équilibre, une nouvelle façon de vivre, en laissant derrière nous notre vie d’avant pour mieux tenter de vivre celle d’aujourd’hui. La reprise demandera, comme ces dernières semaines, de faire preuve de bienveillance envers nous-mêmes et les autres, de patience, de persévérance et d’humilité.

 

Et les enfants dans tout ça ? Quels genres de conversations les parents doivent-ils avoir avec leurs petits ?

 

Mettre des mots sur ce que nous vivons, ressentons, pensons en tant qu’adultes, c'est déjà un premier pas important pour pouvoir ensuite parler à nos enfants, en leur partageant certains de nos ressentis, questions, doutes, etc. Prendre le temps aussi d’écouter ce que nos enfants vivent, pensent et ressentent. Par exemple, des sentiments de peur, de tristesse - sans rien minimiser, nier ou banaliser. Leur dire que c’est normal de ressentir divers sentiments, d’avoir plein de questions, de doutes et que même si nous n’avons pas toutes les réponses, l’important est de pouvoir en parler ensemble. Avoir une écoute de qualité permet de se sentir soulagé et moins seul. On peut aussi prendre un temps en famille pour faire un petit bilan de comment les membres de la famille ont vécu ce temps de confinement : qu’a-t-on appris/découvert de chaque membre de notre famille pendant cette période de confinement ? Qu’est-ce qui a été positif ? Qu'est-ce qui est difficile ?

 

Comment les Mauriciens peuvent-ils se préparer à affronter cette nouvelle étape qui se dessine ?

 

Une première étape essentielle pour faire face à cette crise est d’accepter qu’on ne la maîtrise pas et qu’il faut avancer pas à pas, aussi tranquillement que possible, vers l’après. Accepter que l’ampleur de cette pandémie et le contexte incertain de ce post-confinement peuvent provoquer divers sentiments en nous. La meilleure façon de pouvoir vivre avec ces sentiments de peur, d’angoisse, d’incertitude, est de reconnaître que nous les avons, prendre le temps de les accueillir et leur faire une place en nous. C’est une occasion de laisser nos émotions «être», de se relier à elles quand ça arrive. Cela nous permet de nous connecter avec nous-mêmes. Ensuite, essayer de prendre conscience dans quelle partie de notre corps nous ressentons ces émotions et essayer de nommer les pensées et actions qui les accompagnent. Pouvoir mettre des mots précis sur les expériences que nous vivons permet d'y voir un peu plus clair pour ne pas se laisser emporter par tout ce qui peut remonter en nous. «Si on se met à penser, on peut soit créer des merveilles et inventer une autre manière de vivre, soit créer des boucs émissaires, et là on ajoute du malheur au malheur.» (Cyrulnik, 2020 - https://www.rtbf.be/lapremiere/emissions/detail_et-dieu-dans-tout-ca/accueil/article_confinement-comment-la-philosophie-peut-nous-aider-a-bien-vivre?id=10464941&programId=180)

 

Bio express : Emilie Duval est docteure en psychologie clinique de l’Université de Sydney, en Australie. Elle est la directrice de projet dans le domaine de la psychologie au SeDEC et responsable de l’équipe de discipline en psychologie à l’ICJM. Elle est aussi formatrice en discipline positive des parents et personne ressource en discipline positive dans l’établissement et dans la classe. Elle est, en outre, membre du Kolektif Drwa Zanfan Morisien et membre de la Societé des Professionnels en Psychologie de l’île.

 


 

Quand déconfinement rime avec consignes

 

«Notre priorité est la santé de la population», a souligné le Premier ministre Pravind Jugnauth en parlant de la stratégie de levée du confinement sur laquelle travaille son gouvernement. Comme le fait ressortir la psychologue Emilie Duval, c’est un moment qui inquiète beaucoup les Mauriciens. Vous êtes dans le flou, vous ne savez pas à quoi vous attendre en vue du déconfinement ? Pas de stress ! Vous pouvez trouver des repères en suivant la situation sur le plan international. Lire et se renseigner peuvent aider à diminuer l’inquiétude et à éliminer certains doutes. Il y a certes les interrogations et les craintes de se retrouver à nouveau parmi d’autres personnes mais ceux qui le vivent déjà le disent : pour que le déconfinement se passe bien, il faut maintenir la vigilance et appliquer les consignes de sécurité. Il n’y a pas de formule magique ou d’autres moyens secrets. Le mot d’ordre est responsabilité. Si chacun fait sa part des choses, tout devrait bien se passer.

 

Depuis le lundi 27 avril, c’est le cas pour les Suisses. Certains commerces ont rouvert leurs portes sous réserve de respecter les mesures barrières. La Suisse vit ainsi la première étape de son déconfinement : des crèches reprennent leurs activités et les hôpitaux peuvent à nouveau pratiquer toutes les interventions chirurgicales. Mais comme tous les pays qui passent par la reprise, tout se fait par étapes et les habitants sont appelés à être prudents et à ne pas croire qu’ils peuvent recommencer à vivre comme avant. En se basant sur la façon dont cela se passe ailleurs, chacun peut avoir quelques idées sur comment envisager le déconfinement. Pour les services dont certains attendent avec impatience qu’ils reprennent leurs activités, comme les salons de coiffure (voir photo), la distanciation sociale est de rigueur et des normes d’hygiène sont respectées. Julie Aubry, jeune femme d'origine mauricienne qui vit à Genève, confie : «Le déconfinement n’est pas encore total. La première étape commence cette semaine. Si tout va bien, les écoles et les autres commerces pourront rouvrir le 11 mai. De manière générale, les gens respectent bien les consignes d'hygiène. La Suisse est un pays où les gens sont assez libres et les politiques ont décidé de leur faire confiance... C’était la responsabilité de chacun de faire bien attention lors des sorties.»