Économie - Manisha Dookhony, économiste : prioritiser, diversifier et gérer
Qui est-elle ? Elle est cofondatrice de Women in Finance and Investment Association of Mauritius, diplômée en économie et en administration publique.
Pouvoir d’achat et piliers économiques. «Il y a deux priorités absolues. D’abord, il est urgent de gérer les prix et de les réduire parce que les choses sont devenues extrêmement chères et que ça augmente encore. Ensuite, il est essentiel de développer de nouvelles bases économiques afin d’étendre notre Produit intérieur brut. Il est possible de consolider les secteurs existants. Mais il faut être dans l’expansion.»
Fiscalité. «Revoir la fiscalité est aussi important car nous sommes une Financial Services Entity et que ces derniers temps, ce secteur est, un peu, parti en vrille. Réévaluer, restructurer tout en gardant en tête qu’on ne peut pas trop augmenter – ou qu'on ne peut pas augmenter tout court – le corporate income tax.»
Se poser les bonnes questions. «Le prochain gouvernement doit garder cette interrogation en tête : est-ce qu’on va pouvoir générer assez de revenus pour faire face à toutes les annonces (qui équivalent à des dépenses proposées ?»
Justement, les dépenses. «Le rapport de l’Audit rappelle, année après année, qu’il y a tout un travail à faire par rapport à la gestion des dépenses.»
Pension-nément. «Au niveau de la pension et des fonds de pension, nous ne savons pas trop où on en est ! Combien d’argent restera-t-il au moment de la retraite de ceux.celles qui travaillent ?»
Chagos : sans ingérence. «S’il y a effectivement une somme qui est reçue suite au deal avec la Grande-Bretagne concernant la souveraineté sur les Chagos et le lease sur Diego Garcia, il faut qu’elle soit bien gérée, sans ingérence politique. Il faut penser à un Sovereign Fund (un state-owned investment fund).»
Ki zot pe propoze ?
La relance et la diversification économique ; it’s the big deal ! Les thèmes communs ? La diversification économique (économie bleu, numérique et verte), la sécurité alimentaire ou encore pour le Changement et Linion Reform, une politique monétaire pour stopper la dépréciation de la roupie.
L’alliance Lepep. Accent mis sur l’agriculture et la sécurité alimentaire : plans de soutien pour les planteurs et éleveurs, et réflexion autour du développement de nouveaux modèles de production, entre autres. Mais aussi sur le tourisme pour faire de Maurice «une des destinations de vacances les plus exquises au monde» avec téléphériques, theme parks, festivals culturels, tourisme culturel et ouverture de l’accès aérien. Des mesures ont également été prévues pour le secteur manufacturier. Et l’économie numérique : technologie spatiale, développement de jeux vidéo et partenariats stratégiques avec des pôles d’innovation mondiaux. Important intérêt pour l’économie bleue (sans réellement parler de développement stratégique). Question approvisionnement, l’Alliance Lepep mise sur la Stratégie Afrique et la diversification des sources d’importations.
L’alliance du Changement. Elle parle de relancer l’économie afin de réduire le coût de la vie. Mesures pour enrayer les augmentations : la création d’un fond pour stabiliser les prix des produits de base mais aussi la stabilisation de la roupie et un freight rebate scheme pour l’importation des produits alimentaires. Plus largement, il s’agit de s’appuyer sur un nouveau modèle économique avec une politique «crédible et transparente» : green growth, high tech, high value added. Agriculture (gestion de l’usage des pesticides, terrains mis à disposition des planteurs…), sécurité alimentaire, économie océanique avec un projet Ocean Economy et les nouvelles technologies ; le programme du Changement en parle. L’économie verte également : la création de secteurs de service avec de l’énergie renouvelable, le développement de l’écotourisme, le souhait d’être une destination sustainable.
Linion Reform. Moins d’importation, plus d’exportation, c’est le challenge de Linion Reform. Pour cela, plusieurs mesures pour la production et la réindustrialisation multi-secteurs. Mais aussi une attention toute particulière aux PME, «l’épine dorsale de la richesse nationale». Faire de l’île, celle qui produit, celle qui crée, celle qui innove. C’est le souhait de cette coalition. Question pouvoir d’achat, il est question de muscler la roupie grâce à une politique monétaire et de stabilisation des prix.
Environnement - Krisha Pentayah : à la recherche d’une vision pour changements en profondeurs
Qui est-il ? Fondateur et président de l’organisation Sov Lanatir, ingénieur mécanique et chercheur à l’Université de Maurice.
Une réflexion capitale. «Il est crucial que le prochain gouvernement prenne conscience des défis environnementaux présents tant au niveau local qu’au niveau géopolitique. Dans les prochaines années, Maurice fera face à un littoral menacé par l’érosion et la hausse du niveau de la mer. La protection des zones côtières et marines est une priorité.»
Un changement systémique. «Il ne faut pas de changements légers, lao-lao ! Ils doivent être systémiques. Nous travaillons dans un système qui est encore colonisé.»
Se tourner vers les scientifiques. «Travailler sur notre résilience climatique est aussi important. Comment faisons-nous en tant que nation insulaire par rapport aux cyclones et aux climats imprévisibles. Il est essentiel que les décideurs soient à l’écoute des scientifiques pour éviter les traumatismes, comme ceux vécus récemment. Je suis un scientifique et je sais que nous parlons dans un jargon technique. Néanmoins, les décideurs se doivent d’écouter pour relayer les informations à la population. Idem pour la transition vers l’énergie renouvelable, il y a beaucoup d’amélioration à apporter et les scientifiques locaux ont beaucoup de bonnes idées. Mais est-ce qu’il y a une political will ?»
Et les déchets ? «La gestion durable des déchets est un sujet incontournable. Nous savons tous que Mare-Chicose est un vrai problème. Il y a des pays qui sont en avance sur ce sujet ; suivons-les. »
Blue Economy. «Autre sujet crucial à aborder : l’économie bleue et la valorisation des ressources marines ; c’est essentiel que les dirigeants y investissent. Notre zone économique exclusive est tellement grande que nous sommes un big ocean state. Alors, c’est le moment d’œuvrer afin de développer un autre pilier économique, mais de façon soutenable, afin d’être self-sufficient, self-propelling.
«Climate Justice, social justice». «Les Chagos ont une des plus grandes marine protected areas dans le monde. C’est une responsabilité de conservation et de protection nationale, mais aussi mondiale. Il faut prendre cela en considération. Mais aussi les intérêts de ceux.celles qui habiteront ces îles. Climate justice n’est pas possible s’il n’y a pas de social justice. Si on n’a pas de liberté d’expression, comment allons-nous pouvoir nous exprimer ? Comment aider la nature si les droits humains ne sont pas respectés ?»
Une vision. «Avoir une vision pour notre pays le temps d’un mandant, ça ne suffit pas. Quand on hérite de notre pays pour le diriger, il faut voir plus grand, plus loin. Dans 100 ans, comment sera notre île ? C’est ainsi que le pays avance vers la lumière, vers une étape d’illumination par rapport à sa société, ses sciences et son art, entre autres.»
Clin d’œil d’un auteur - Chetan Gukhool : à petits pas
Qui est-il ? Citoyen engagé pour la protection de l’environnement, penseur et auteur (https://chetangukhool.wordpress.com/) il partage ici sa vision.
Make it simple ! «Je ne parlerai pas de développement durable parce que c’est juste un terme sexy que certains politiciens s’amusent à insérer dans de grands discours. Faisons d’abord ces quelques changements simples, puis voyons si nous pouvons tackle the big whale. Pun intended !»
Un peu de vert à la fois. «Green patch mandate, not a garden party ! Imaginez si chaque foyer devait conserver un espace vert ; non, pas un jardin à l’anglaise ! Juste un petit coin pour les fines herbes ou peut-être un peu d’aquaponie. Et qui sait, vous pourriez vous retrouver avec des tomates sur votre pelouse et résoudre également la crise alimentaire !»
À l’eau ! «Water, Water Everywhere? Let’s Desalinate! Soit, nous avons trop de pluie, soit nous n’en avons pas du tout. Solution? Une gestion adéquate de l’eau, des usines de dessalement : une étape petite mais puissante. Et ajoutez la récupération de l’eau de pluie au mélange. De petites actions maintenant, moins de sécheresse plus tard. »
Vive le sewage. «Pour le tout-à-l’égout ; moins de parfum, plus de traitements. Nos zones côtières méritent mieux que des eaux "naturelles" chargées d’eaux usées. Appliquons les lois existantes – oui, elles existent. Une politique d’inspection claire, des amendes sévères et, soudain, tout le monde se souciera des récifs coralliens.»
Des inspecteurs ? «Inspector Green : keeping every district honest! Et si nous avions des inspecteurs au niveau du district ou… Mais, une minute ; nous avons une police de l’Environnement, si je ne me trompe pas. Donc, ces inspecteurs s’assureraient que les familles plantent leurs espaces verts, utilisent moins d’eau et gèrent les déchets de manière responsable. Pas des espions, mais des champions de l’éco-justice locale.»
Ki zot pe propoze ?
Le volet environnemental est un des gros morceaux des manifestes électoraux. Avec l’économie. Et les deux thématiques semblent s’entremêler quand il s’agit d’économies bleue et verte.
Chez l’Alliance Lepep, on évoque l’importance de la formation aux métiers de l’écologie et de l’économie circulaire, mais aussi celle des nouveaux modèles de production plus verts. La question de l’enfouissement des déchets et, donc, de Mare-Chicose est au cœur des préoccupation avec la proposition d’un projet de waste-to-energy. Au niveau des énergies renouvelables, il est question de donner un coup d’accélérateur pour les investissements. Engagement, également, vers les voitures électriques, vers le recyclage, le upcycling (et le tri dans toute l’île).
À l’Alliance du Changement, on s’engage à «mettre un terme à la dégradation environnementale». Des citoyens gardiens du patrimoine naturel, le tri des déchets pour réduire l’enfouissement, des mesures pour protéger les zones inondables. Il est aussi question de transition énergétique avec des engagements annoncés concernant le financement et les opportunités, mais aussi la gestion de l’eau et des eaux usées.
Linion Reform évoque une prise de conscience sur le changement climatique. Et concernant la diversité et les caractéristiques écologiques qui font notre île. À partir de là, des mesures devront être prises pour protéger et sauvegarder. Un accent tout particulier est attribué aux zones côtières. La protection de la ZEE de l’île contre la pêche illégale et le déversement des eaux usées et déchet par les bateaux étrangers est aussi une priorité.
Education - Olivier Précieux, éducateur : préserver, repenser et… inclure
Qui est-il ? Enseignant de carrière, diplômé en sociologie et auteur.
Avoir des priorités. «Il est essentiel de se concentrer sur ces enfants qui souffrent le plus dans le système actuel, ceux.celles qui ont des "problèmes" pendant leur scolarité et qui n’arrivent pas à s’adapter, à s’épanouir, à progresser. Je les appelle les plus pauvres ; ce n’est pas, forcément, les plus pauvres en termes matériels et financiers, mais surtout en ce qu’il s’agit de la capacité de travailler, de s’adapter et, au bout du compte, de réussir d’un point de vue académique.»
Réfléchir, repenser, se remettre en question. «Il faut se donner les moyens d’imaginer une éducation qui soit inclusive. Pour cela, il faut revoir le système pour pouvoir s’adapter aux enfants en difficultés, mais pas uniquement. Notre système est déphasé ! Il suffit de consulter les observations de pédagogues, les recherches entreprises à l’étranger pour le comprendre. Nous sommes très loin des normes internationales. Il faut changer et s’adapter. Et pourquoi ne pas s’inspirer du système européen ? Sans glorifier l’Europe, bien sûr !»
Mais ne pas oublier les bases. «J’estime que les trois credits pour une entrée en Lower 6, c’est un principe dont il ne faut pas s’éloigner. Dans un des programmes électoraux, on parle de Foundation Course pour ceux.celles qui voudront accéder aux universités ; c’est un peu ambigu, je préfère la clarté, sachant que les universités d’ici et d’ailleurs demandent, en général, deux mains en HSC. Il est aussi important de maintenir les examens de SC et de HSC via Cambridge ; ça permet aux collégiens.nnes d’avoir plus d’opportunités.»
Ki zot pe propose ?
L’Alliance Lepep. Un Pupil Equity Fund pour les élèves de milieux défavorisés – La promotion des mathématiques et des sciences – Formation continues des enseignants (méthodes pédagogiques inclusives + gestion de classes hétérogènes) – Moins d’élèves dans les classes – Introduction de la méthode d’évaluation différenciée – Remodelage de l’Extended Programme (approche orientée vers la formation professionnelle) – Une Foundation Course gratuite pour ceux.celles qui veulent poursuivre leurs études universitaires – Introduction des Chambres des Métiers pour le développement des filières techniques.
L’alliance du Changement. Pour un système plus équitable – Retour des 3 credits pour l’admission en Lower Six – Programme scolaire pour l’accompagnement des élèves en difficulté – Création d’un Centre de Recherche, de Développement et d’Innovation – Formation et outillage pour l’enseignement en ligne – Programme national pour réhabilitation des établissements scolaires publics et subventionnés – Early Childhood Care : programme alimentaire – Moins d’élèves par classe – Détection de difficultés d’apprentissage + classe de rattrapage – Remplacement de l’Extended Programme par un cursus alternatif – Fourniture de tablettes et de livres électroniques – Consultation et réforme des programmes.
Linion Reform. Refonte pédagogique du secteur éducatif – Formation continue et permanente – 1 000 lauréats (pas qu’académique) + garantie d’emploi – Création d’une école des arts et métiers – Institut international pour la recherche et l’innovation – Organisation des Assises de l’éducation.
Emploi - Adilla Diouman-Mosafeer, spécialiste du recrutement : pour une approche plus large
Qui est-elle ? La Managing Director et fondatrice de Talent Lab, une boîte qui se spécialise dans le HR Management et le recrutement.
Un peu dans le flou. «Nous n’avons pas une politique de l’emploi bien définie. Nous avons plutôt agi en style de crisis management, trouvant des solutions de fortune à chaque obstacle rencontré. Il est vrai que la Covid a perturbé pas mal de choses, mais n’empêche, je n’ai pas vu, avant ou après, une stratégie soutenable. Mais peut-on espérer une stratégie pour l’emploi en l’absence d’une stratégie cohérente et définie pour le développement économique dans son ensemble ?»
Secteurs prioritaires. «Il faut commencer par établir les secteurs prioritaires que l’on veut développer. Nous ne pouvons pas considérer l’emploi comme une stratégie sans que nous ayons adressé la création d’emplois, et donc, la création des entreprises.»
Masterplan économique. «Sur un mandant de cinq années, le prochain régime au pouvoir doit traiter l’ensemble des secteurs économiques qui pourraient absorber l’emploi. La politique entourant l’emploi ne peut être pérenne si elle est basée uniquement sur l’employé. Il est temps que nous dégagions un masterplan économique ; ce qui nous permettrait de traiter tous les maillons de la chaîne.»
Ki zot pe propoze ?
L’alliance Lepep mise sur l’emploi des femmes et des jeunes «en mettant en œuvre des politiques ciblées de développement des compétences, adaptées aux besoins du marché». Il est question d’un «Chèque Emploi Jeune», d’encouragement aux entreprises pour recruter les femmes, d’incitations fiscales pour la sous-traitance aux femmes cheffes d’entreprise et aux jeunes entrepreneurs. Pour les femmes, encore, ce sera flexi-time et accès à la garde d’enfants.
Du côté de l’Alliance du Changement, tout un volet est consacré aux droits des travailleurs. Au niveau de la création d’emploi, elle mise sur le redressement économique, la création de nouveaux pôles de développement et l’aide aux PME pour que cela soit effectif. D’autres mesures sont à retenir : 40 heures de travail pour les secteurs non essentiels, salaire égal= travail égal, work-from-home et flexi-time après le congé de maternité.
À Linion Reform, on mise sur une réindustrialisation massive afin de créer 10 000 emplois additionnels. L’idée du travail égal = salaire égal se retrouve également dans leur manifeste. Autre proposition : création d’une banque pour les jeunes et les PMEs (lien emploi-employeur).