L’indignation populaire exprimée sur les ondes de Radio One hier matin, dans l’émission Polémique suite aux propos du ministre Abu Kasenally sur les Rodriguais, traduit la grossière erreur commise par le ministre des Terres et du Logement.
Il est réjouissant que Rodriguais et Mauriciens soient montés au créneau pour dénoncer ces paroles qui ont profondément blessé et offensé. Car il est, en effet, inadmissible qu’un ministre de la République, payé des fonds publics, nous dise que ce n’est pas son problème ni celui du gouvernement si les Rodriguais, squatters de Cité-La-Cure qui, selon lui, détiennent un bail/maison à Rodrigues, viennent vivre ici.
Bien sûr, on ne peut encourager le squatting des terres, qu’elles appartiennent à l’État ou à des particuliers. Mais au-delà de ces dizaines de familles de Cité-La-Cure, au-delà de ceux qui débarquent de plus en plus nombreux à chaque arrivée du Mauritius Pride actuellement, c’est tout le problème social des Rodriguais qui nous explose en pleine figure : chômage qui gangrène l’île, absence d’un énergique secteur privé, développement trop lent, coût de la vie plus élevé qu’à Maurice…
D’où l’inacceptable déclaration d’Abu Kasenally payé pour gouverner, et qui, au lieu de trouver une solution avec ses collègues du Cabinet en faveur d’une migration circulaire, toise de haut les Rodriguais, les méprise et les considère en somme comme les Roms de l’océan Indien.
Et alors qu’on se serait plutôt attendu à des paroles rassurantes de Suren Dayal, voilà que le ministre de l’Intégration sociale (oui pas n’importe lequel !) soutient les propos de son collègue, et ce, au mépris du difficile quotidien que vivent ces Rodriguais qui n’atterrissent pas chez nous de gaieté de cœur. Loin de là. Si la position des deux ministres semble déplacée, c’est aussi parce que d’un côté, le gouvernement du PTr justifie l’accaparement d’une partie de notre plage publique tout aussi bien par les grands groupes hôteliers que par le ti dimounn qu’est le pandit Sungkur, de l’autre, ces ministres ne prennent pas la réelle mesure des difficultés qu’éprouvent ces Rodriguais dont le problème va au-delà du squatting des terres à Maurice.
Faut-il ajouter que tous ceux qui reviennent d’un séjour à Rodrigues ces jours-ci ont le cœur lourd pour nos frères et sœurs : le chômage est une dure réalité, le secteur touristique reste dans une zone de turbulences avec la fermeture de l’hôtel Pointe Venus et le licenciement de plusieurs employés de l’hôtel Les Cocotiers, la menace de fermeture pèse sur certaines firmes privées, l’appauvrissement devient une réalité au point où des photos circulaient sur le réseau Facebook montrant des Rodriguais en quête de nourriture dans un dépotoir. Pour toutes ces raisons, nos compatriotes n’ont d’autre alternative que de venir en masse à Maurice. Et il est triste d’entendre de la part d’un ministre que cela n’est ni son problème ni celui de son gouvernement. Car en ce faisant, il justifie le sentiment qu’éprouvent souvent les Rodriguais : qu’ils sont des citoyens de seconde zone.
Or, Rodrigues fait partie du corps de la République de Maurice. C’est une partie de nous-mêmes. Qu’on ne peut négliger. Ne regardons pas cette île uniquement comme terre d’accueil de nos vacances, ne savourons pas seulement ces bons piments confits et toutes ces saveurs particulières qui font tant plaisir. Pensons à ces hommes et à ces femmes qui méritent d’être regardés avec dignité, avec humanité. Ne les blessons pas, ne les offensons pas !