Le mardi 3 septembre la grève des employés de Real Garments a pris une autre tournure.
Des incidents. Des revendications. Des travailleurs étrangers déportés. Cette semaine a été mouvementée à Real Garments. Les syndicalistes, eux, déplorent la façon de faire des autorités.
Le combat ne s’arrête pas là. Mais il sera plus difficile. «Le reste des employés bangladeshis va souffrir en silence», estime le syndicaliste Fayzal Ally Beegun, président de la Textile Manufacturers and Allied Workers Union. Néanmoins, il ne compte pas demeurer tranquille, «même si on me traite d’antipatriotique» et a décidé de ne pas se taire face à «l’injustice» : «Je trouve abjecte la façon dont les employés de Real Garments ont été traités.» Suite aux événements de cette semaine, 14 d’entre eux ont été déportés et 78 autres ont décidé de rentrer dans leur pays. «Ils se battaient pour leurs droits, c’est tout.»
Fayzal Ally Beegun compte alerter la communauté internationale : «La presse, les organisations… Et je vais aussi me mettre en contact avec les clients de Real Garments pour que ces derniers rappellent à l’ordre l’entreprise.» Il comprend totalement la «révolte» de ces employés étrangers, qui a défrayé la chronique cette semaine. Des ouvriers bangladais de Real Garments ont décidé de faire grève, à la fin de la semaine dernière, pour protester contre leur diminution de salaire (50 % en moins car ils n’avaient pas travaillé deux jours, le mois dernier, pour protester contre la mauvaise qualité de la nourriture), mais aussi contre l’état insalubre des dortoirs.
Toutefois, le mardi 3 septembre, les choses ont pris une tournure un peu plus violente : la Special Supporting Unit a même dû intervenir pour calmer les esprits. Après des négociations, la situation était plus ou moins rentrée dans l’ordre. Mais les 14 «leaders» de ce mouvement de protestation ont été déportés (arrêtés, traduits en cour, et leurs work permits ont été résiliés). De plus, 78 autres ouvriers ont décidé de rentrer chez eux de leur propre gré, a précisé le ministre du Travail, Shakeel Mohamed. Fayzal Ally Beegun, lui, n’en est pas persuadé : «Certains ont pleuré avec moi. Ils ne voulaient pas partir.»
À chacun sa version ! Ce qui est sûr, c’est que le traitement reçu par ceux qui étaient déportés n’a pas laissé indifférent. Sur les radios privées, dans les forums ou encore sur Facebook, le sujet a été diversement commenté.
Le syndicaliste, lui, ne peut oublier l’image de ces travailleurs expulsés «de la pire des manières», sous forte escorte policière : «Sans aucun respect.» Certains n’ont même pas eu le temps de ramasser leurs vêtements, se rappelle-t-il. Entassés dans des bus, ils ont dû dire «au revoir» à un pays dans lequel ils avaient placé leurs espoirs : «Ils s’endettent pour venir ici. Ils sont là parce que chez eux, ils n’arrivent pas à nourrir leur famille. Ils vivent des drames.»
Il estime qu’il s’agit là «d’esclavagisme moderne» : «Il ne faudrait pas oublier d’où nous venons. Nos ancêtres ont souffert. Et, aujourd’hui, notre pays fait souffrir les ouvriers étrangers. Les autorités doivent désormais se poser une question : qui sont les colons de nos jours ?» Remonté, l’homme qui œuvre aux côtés des travailleurs étrangers depuis 14 ans, déclare que le gouvernement mauricien est «sans pitié».
Reaz Chuttoo estime, lui, que la manière de faire des autorités ne fait pas honneur au pays : «C’est une façon barbare de gérer la situation.» Il se demande pourquoi il n’y a pas eu de réelles discussions et pourparlers pour trouver une solution, «comme ça a été le cas pour les employés de la CNT».
Ces derniers, explique-t-il, n’ont eu aucune sanction. Fayzal Ally Beegun partage le même avis : «Pourquoi eux ? Parce que ce sont des Bangladais ? N’ont-ils pas droit aux mêmes considérations ?» Les deux hommes montrent du doigt les conditions de vie de ces travailleurs qui essayent de se construire un avenir meilleur : «Ils méritent le respect. Ils ne peuvent pas dormir dans ces cages qui leur servent de dortoirs. La nourriture n’est pas correcte. S’ils ne bossent pas deux jours, ils perdent 50 % de leur salaire. C’est normal de se révolter.» Et le syndicaliste appelle les dirigeants de Real Garments à ouvrir les portes des dortoirs et des cuisines : «Comme ils disent que tout va bien, qu’ils laissent les gens juger.»
Pour ces syndicalistes, et d’autres encore qui ont commenté les récents événements, le combat ne s’arrête pas là. Et c’est le devoir de tout travailleur de s’indigner…
Le ministre du Travail gèle le recrutement
Le secteur de la construction ne peut plus employer des travailleurs étrangers jusqu’au 15 octobre. C’est ce qu’a annoncé le ministre du Travail, Shakeel Mohamed, lors d’un point de presse, ce mercredi 4 septembre. Cette décision s’appliquera, par la suite, aux autres secteurs. Le ministre a justifié cette mesure en ces termes : «Nous voulons ‘mauricianiser’ les ressources humaines dans le secteur de la construction. À partir de ce mercredi 4 septembre, nous gelons les demandes de permis de travail dans ce secteur. Celles faites avant seront considérées selon les normes et guidelines établies par un comité. Nous n’allons pas accepter d’autres demandes jusqu’au 15 octobre.»
Le Remake 2000 dénonce la position «répressive»
L’affaire des Bangladais a vite été politisée. Lors d’un point de presse ce samedi 7 septembre, sir Anerood Jugnauth, le leader du Remake 2000, a dénoncé la position «répressive» du ministre du Travail, Shakeel Mohamed. Paul Bérenger a, lui, estimé que ce dernier n’avait pas fait les choses correctement : «Selon la loi, il faut, au préalable, passer devant le magistrat avant de déporter des étrangers. Mais pour contourner la loi, le ministre a préféré utiliser le terme repatriate.»