Entendons-nous : n’importe quel Mauricien, qu’il soit de la communauté X, Y ou Z crierait à l’injustice si d’aventure on jette des innocents en prison. Entendons-nous : si la police ne fait pas correctement son travail et laisse planer des doutes dans ses enquêtes, ce sont tous les citoyens du pays qui en seraient outrés. Entendons-nous : si les condamnés de l’affaire Amicale sont victimes d’une erreur judiciaire, ce n’est pas la communauté musulmane qui sera révoltée. Mais tous les Mauriciens d’une manière indistincte, Monsieur Ganoo. Car l’indignation n’est pas sélective. Et ne peut appartenir uniquement à la communauté de ceux concernés par l’injustice commise.
Alors, non, l’on ne comprend pas les propos tenus par le leader de l’opposition à la ‘Sunni Razvi Academy’. D’abord, on a du mal à faire le lien entre la fête Eid et l’affaire Amicale. Ensuite en demandant aux autorités d’avoir le discernement afin que justice soit faite aux condamnés de l’Amicale, Alan Ganoo semble nous faire comprendre qu’il y a une injustice commise. Or, faut-il rappeler que ceux qui ont été jugés l’ont été par une cour de justice. Faut-il rappeler que si des doutes subsistent sur la condamnation, il y a des instances auxquelles on peut demander réparation. Faut-il surtout rappeler que ce dossier-là est actuellement devant la Commission de pourvoi en grâce qui délibérera et conclura si effectivement il y a eu injustice… ou pas.
En voulant à tout prix faire du populisme auprès de la communauté musulmane pour engranger des dividendes politiques, Ganoo échoue sur deux tableaux : (i) il nous enferme, une nouvelle fois, dans le tiroir conservateur où la politique est indissociable du communautarisme, sinon du communalisme (ii) il bafoue nos institutions : judiciaire, Commission de pourvoi en grâce. À sa décharge, l’on comprend bien qu’au fond, il ne fait que ce que font tous les politiciens de Maurice : s’adapter à son auditoire, jouant sur la sensible corde ethnique. Un certain langage chez les Marathis et un autre à Plaine-Verte.
Mais ici, l’affaire est grave. Sept personnes ont été tuées. Des hommes et des femmes arrachés subitement à leurs familles. Sept vies fracassées dont deux enfants en bas âge et un bébé presque arrivé à terme dans le ventre de sa jeune maman. Ceux qui étaient aux abords de l’amicale en ce douloureux soir du 23 mai 1999, n’oublieront jamais l’émotion des pompiers qui faisaient face à une insoutenable image : dans un ultime geste, l’une des victimes, mère des deux enfants, tous brulés vifs, avait voulu protéger ses petits en regardant s’approcher la mort. C’est dans cette posture qu’elle fut découverte sur la scène du sinistre.
Peut-on donc espérer un peu de respect pour ces morts-là ? Pour ceux-là qui ont connu une fin injuste. Ces victimes méritent justice. Car si depuis quelque temps, il est beaucoup question de la réouverture du dossier de l’affaire Amicale, ayant pour but de juger à nouveau les accusés dans le sillage du rapport «Wrongly Convicted» de Rama Valayden suivi de l’adoption d’une «criminal Appeal Act», (une loi qui, selon certains, pourrait être en faveur des condamnés), il ne faudrait pas pour autant oublier les sept personnes qui ont péri. Ayons une pensée pour les victimes…