La mère de Paul Bérenger est décédée à l’âge de 93 ans.
Le leader de l’opposition et ses proches lors des funérailles mardi.
C’est mardi dernier que les funérailles de la mère de Paul Bérenger ont eu lieu. Figure connue de la scène politique, elle a marqué plus d’un de par sa personnalité. Celles qui ont eu l’occasion de la côtoyer témoignent…
«Elle incarnait la femme dans toute sa splendeur…» C’est ainsi que Bilkiss Peermamode, 62 ans, décrit Geneviève Bérenger «affectueusement connue, depuis toujours, comme Marraine» et qui a, cette semaine, tiré sa révérence à l’âge de 93 ans – ses funérailles ont eu lieu mardi dernier. «Pour moi, dit-elle, elle incarnait la femme debout qui adorait être une maman, mais qui avait aussi ses convictions, les mêmes celles de son fils Paul d’ailleurs.» Et si à la nouvelle de sa mort, Bilkiss a d’abord était affligée car «c’est toujours triste de voir partir quelqu’un qu’on a connu», elle s’est, par la suite, projetée dans ses souvenirs.
Elle est ainsi remontée à l’année de ses 17 ans, lorsqu’elle a croisé, pour la première fois, la mère de Paul Bérenger, en qui elle croyait énormément de par son idéologie, mais aussi pour son investissement dans le combat de l’égalité homme-femme. «C’est lorsque j’ai rejoint le MMM, mais aussi lorsque je suis devenue secrétaire administrative de plusieurs mouvements syndicaux où Paul se donnait corps et âme, que j’ai été amenée à rencontrer marraine, cette dame élégante, distinguée, douce et forte à la fois», raconte Bilkiss Peermamode.
Une rencontre qui, dit-elle, est arrivée au bon moment, dans la mouvance de l’émancipation de la femme, à laquelle le MMM contribuait. Et selon elle, marraine, «toujours calme», incarnait tout à fait la femme battante : «J’ai tout de suite vu ce fort lien qu’elle avait avec son fils Paulo, comme elle l’appelait elle-même. Elle le soutenait dans tout et cela, même si elle avait quelques fois peur des batailles que ce dernier menait.» Elle poursuit : «Elle respectait toujours ses décisions et ses prises de position. Elle a toujours été à ses côtés durant les années de braise de. Elle était un peu comme son pilier.»
Lorsqu’elle se souvient de marraine, elle se revoit la côtoyant avec d’autres femmes – Vidula Nababsing, Nadège Augustave, Marie-Claire Lagesse ou encore Brigitte Masson – chez elle, dans sa maison à Quatre-Bornes, à côté de l’église Notre Dame du Rosaire : «Elle était une grande couturière et malgré ses occupations, elle ne ratait jamais une réunion et elle n’a jamais hésité avant de prendre la route. Car à l’époque, les femmes du MMM sillonnaient l’île et participaient aux rencontres du parti. C’est sa motivation, sa force de caractère et la grande confiance qu’elle avait en son fils qui nous soudaient tous. Elle était toujours aux petits soins lorsqu’on avait des réunions dans sa salle à manger.»
Forçant son admiration, Bilkiss dit aussi estimer Geneviève Bérenger pour son courage : «Pendant les grèves de 1971 et lorsque son fils avait été arrêté, elle est restée digne et n’a jamais montré des signes de faiblesse, même si je sais que cela devait être très pénible pour elle. Mais pour son fils, elle tenait bon.» Bilkiss ne peut que compatir avec son leader dans ces moments difficiles surtout, dit-elle, parce qu’elle a été témoin de l’amour incommensurable que vouait Geneviève Bérenger à son fils. Ce dernier a hérité des qualités de sa mère, dit-elle. Car lui aussi a une grande affection pour ses enfants : «Il est proche d’eux.»
Bilkiss se souvient d’une de ses dernières conversations avec Geneviève Bérenger, cette «grande dame» : «Elle m’a dit ‘‘ne quitte jamais mon Paulo, reste toujours avec lui…’’» Et depuis 43 ans, elle est fidèle au poste.
Une autre «fidèle» de Paul Bérenger, Nadège Augustave, 86 ans, a aussi été touchée par la disparition de Geneviève Bérenger : «Elle était la marraine de la famille militante. Et je me souviens surtout d’elle comme la femme qui se laissait guider par son cœur de mère. D’ailleurs, c’est cette fibre maternelle qui transpirait lorsqu’elle parlait avec les femmes, avec qui elle menait aussi la lutte, mais aussi avec les autres, comme mon fils Jean-Claude qu’elle aimait beaucoup.»
Selon elle, comme Paul Bérenger, Marraine était une passionnée : «Une passionnée de politique» qui faisait tout pour être «parfaite» dans le plus grand rôle de sa vie : celui
de maman…
Elle s’était confiée à 5-Plus…
C’était dans notre édition du 18 septembre 1994. À Gilbert Lam-Hing, Geneviève Bérenger s’était confiée pour raconter son fils Paulo, sa relation avec la politique et comment elle a toujours été présente dans les grands moments de sa vie. «J’ai toujours peur pour lui. Vous savez, en 69-70, on habitait encore à Quatre-Bornes. Quand il sortait le matin, de ma fenêtre qui donnait sur la cour, chaque jour, je le regardais s’en aller jusqu’à ce qu’il disparaisse, car je ne savais pas si j’allais le revoir vivant. La nuit, je restais éveillée jusqu’à ce qu’il rentre à 2 heures ou 3 heures du matin et cela, il ne le sait pas», disait-elle.
«Vous savez, on ne peut pas trembler pour un enfant sans cesse, sans que cela ne laisse des traces. Cependant, je ne crois pas qu’on pouvait dissuader Paul. Il ne se décourageait jamais. Chaque jour, à quatre heures du matin, il partait pour rencontrer les dockers. On organisait des réunions du syndicat à la maison ; il y en avait une dans mon salon, une autre dans la salle à manger et une troisième au garage.» C’est en ouvrant son cœur qu’elle avait alors confié des anecdotes de ces moments difficiles pour elle, mais qu’elle surmontait toujours : «Une fois, je me rappelle, le téléphone a sonné. Quelqu’un s’est présenté comme un sergent de police et nous a dit que si nous voulions voir Paul vivant pour la dernière fois, nous devions nous précipiter à l’hôpital Civil. Angoissée, je me suis donc rendue à l’hôpital ; j’ai vu passer un cadavre sur un trolley, j’ai soulevé le drap, ce n’était pas Paul, je fus soulagée. Une autre fois, le téléphone a sonné ; Arline, l’épouse de Paul, a pris le récepteur, elle a entendu une voix sanglotante au bout du fil lui dire ‘‘madame, zot finn gagn li, zot inn touy li’’. Arline était atterrée, mais lorsque j’ai levé la tête pour regarder par la fenêtre donnant sur la cour, qui est-ce que j’ai vu ? Paul.»
Des témoignages qui démontrent tout l’amour, mais aussi l’admiration qu’elle avait pour son Paulo.