Lors de l’ouverture de la conférence «Ocean Economy» en début de semaine, le Premier ministre, Navin Ramgoolam, a souligné «l’importance de puiser de nos ressources pour faire de l’océan un pilier important de notre économie». Stephan Gua, membre de Rezistans ek Alternativ, nous donne son avis sur le sujet.
Pourquoi est-ce que la coalition regroupant des gens de la mer et plusieurs associations n’a pas été d’accord avec la tenue de la conférence Ocean Economy à Maurice ?
Il est important de préciser que cette coalition est une initiative de Rezistans ek Alternativ et des associations de pêcheurs, de marins et d’écologistes, et que notre désaccord concerant la tenue de cette conférence comporte plusieurs volets. La coalition s’est déjà fait entendre, dans le passé, concernant sa désapprobation envers l’accord de pêche entre Maurice et l’Union européenne.
Ce désaccord est basé sur le fait que le gouvernement ne travaille pas dans la transparence et use de pratiques non démocratiques en engageant l’État mauricien et les ressources de notre pays lors d’accords commerciaux. Aussi, nous constatons, à travers plusieurs pratiques de ce gouvernement, notamment dans le cas des accords de pêche, qu’il y a une braderie de nos ressources terrestre, côtière et maritime, entre autres. Et ce, au détriment du peuple mauricien et de l’écologie.
Donc, nous estimons que cette conférence n’a rien de démocratique du fait que le gouvernement a décidé de ne pas inviter la coalition qui ne partage pas sa vision sur l’exploitation de nos ressources maritimes. Par ailleurs, ni les pêcheurs regroupés au sein du Syndicat des Pêcheurs, qui compte pas mois de 1 000 membres à travers l’île, ni les marins regroupés au sein de la Professional Seafarers Union n’ont été conviés à cet événement.
À l’ouverture de la conférence, le Premier ministre a souligné «l’importance de puiser de nos ressources pour faire de l’océan un pilier important de notre économie». Qu’en pensez-vous ?
Nous avons assisté, durant ces dernières années, à la façon dont le gouvernement, avec toutes les combinaisons possibles d’alliance politique, a «puisé de nos ressources» en les offrant en cadeau à des consortiums privés pour des raisons d’intérêt politique ou pécuniaire, et nous connaissons déjà les résultats de ces «puisements». Le secteur des technologies de l’information et de la communication (TIC) aurait dû être un de ces piliers, mais aujourd’hui, l’exploitation quasi illégale de nos jeunes, dans ce domaine, se fait en toute impunité.
Pouvons-nous envisager une nouvelle politique maritime sans la question de la protection de nos ressources naturelles dans la constitution ? Aujourd’hui, les accaparements de la plage par des groupes hôteliers font de la question du bien commun, une question centrale. Quid de la mer ? Ne devons-nous pas la protéger comme notre bien commun pour parer aux abus ? Si nous ne répondons pas à ces questions de manière pérenne et pour le bien-être des générations à venir, qu’adviendra-t-il de ces ressources ?
Nous ne récusons pas le fait que l’océan puisse devenir un pilier de notre économie mais pas dans la perspective du gouvernement. Défaire la manne océanique d’un point de vue purement capitalistique ouvrira la porte à toutes sortes de pillage.
Navin Ramgoolam a aussi parlé de faire de Maurice un hub «pour le stockage des produits pétroliers, mais aussi pour l’utilisation de l’eau de mer froide pour la climatisation». Qu’en pensez-vous ?
Nous ne récusons pas le développement, mais encore faut-il se poser des questions quant à la pertinence de ces nouveaux projets, alors qu’il existe des questions plus fondamentales quand nous parlons du domaine maritime. Ces questions, Rezistans ek Alternativ et ses alliés souhaitent qu’elles soient soulevées dans des forums de ce type. Malheureusement, l’État et la police semblent prêts à tout pour museler les voies alternatives. Maurice possède quelque 2,3 millions de kilomètres carrés de territoire marin. C’est immense ! Or, nous importons quelque 73 % de nos besoins alimentaires. Cela n’est pas soutenable.
Le coût d’importation continuera d’augmenter avec le cours du pétrole, le prix des aliments de base ne cessera d’accroître avec les catastrophes naturelles dues au changement climatique. Que faisons-nous dans ces cas-là ? Continuer à importer ?
Ce genre de conférence ne permet-il pas d’identifier les problèmes dont souffrent les gens de la mer ?
La Professional Seafarers Union n’a pas été invitée à cette conférence. Le Syndicat des Pêcheurs non plus. Les organisations syndicales, membres de la coalition et qui militent pour des meilleures conditions pour les quelque 500 000 travailleurs de Maurice, et les mouvements alternatifs qui prônent une économie alternative et solidaire ont aussi été écartés.
Est-ce dans la pensée unique que l’État envisage l’exploitation de nos ressources maritimes ? Pourquoi, si nous souhaitons traiter des sujets d’intérêt pour ces groupes susmentionnés, ne nous invite-t-on pas ? La coalition a fait la demande d’une National Marine Audit Commission qui permettra, de façon démocratique, de réévaluer, en profondeur, la gestion de notre mer et de ses ressources. La demande a été déposée au bureau du Premier ministre. Pour toute réponse, nous voyons une conférence qui traite de notre océan et qui exclut ces mêmes organisations.