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Soupçons

À qui faire confiance ? Qui, parmi les gens au pouvoir, croit encore en l’éthique ? Qui accorde de l’importance aux conflits d’intérêts, à l’intégrité ? Le citoyen ordinaire semble de plus en plus perdu avec l’image que lui renvoie le pays. Une image sombre, brouillée, où les valeurs, la moralisation dans la vie publique et politique n’ont plus de sens. Les scandaleuses affaires de ces derniers temps cèdent progressivement la place à un dangereux climat suspicieux. À croire qu’il est difficile de rencontrer quelqu’un au-dessus de tout soupçon. À croire que la plupart de ceux qui détiennent un certain pouvoir/influence ont un hidden agenda. À croire que partout le règne de l’argent fait sa loi.

Encore sous l’effet du choc après l’arrestation de deux secrétaires de juges, et après avoir lu les e-mails plutôt troublants (qui auraient été échangés entre les principaux protagonistes) publiés dans la presse, voilà que surgit, à la surprise générale, le nom de l’inspecteur Tuyau, dans une affaire de corruption alléguée. Si l’opinion publique est étonnée, c’est parce qu’Hector Tuyau jouissait jusqu’ici d’une bonne réputation en incarnant le visage du bon flic qui attaque les méchants. De l’honnête qui traque les malhonnêtes. Du flic mal-aimé par ses propres pairs, doté d’une grande gueule et qui n’a pas froid aux yeux.

Or, aujourd’hui, Hector Tuyau (en attendant l’enquête de l’ICAC) aura beau revendiquer son droit ou celui de son épouse d’avoir des liens d’amitié avec des personnes de leur choix, il ne peut empêcher le citoyen lambda d’avoir des doutes. Son épouse aura beau expliquer son innocence, clamer leur bonne foi et dénoncer un harcèlement (voir page 10), n’empêche que l’on retient qu’un chef inspecteur, alors affecté à la brigade des jeux, a permis à un bookmaker (aujourd’hui employeur de son fils) de régler sa note d’hôtel. Et même s’il affirme avoir rendu cet argent, il reste une étrange perception, car l’histoire laisse penser à des liens privilégiés et interpelle sur la question de conflits d’intérêts et du sens d’éthique.

En parlant d’éthique, la révélation de la ministre de la Sécurité sociale dans le sillage de la traditionnelle publication du rapport de l’Audit (si cet exercice contribuait à freiner les gaspillages ça se saurait) est tout de même incroyable. Ainsi donc, il existe des médecins qui ont touché des honoraires pour des visites fictives faites à des malades alors que ceux-là sont bel et bien morts. On en est là à Maurice : des médecins (ce ne sont pas n’importe qui, vous en conviendrez) qui, pour se faire du fric, mentent sur le dos des personnes décédées.

La maladie de l’argent facile gangrène le pays, des secteurs insoupçonnables y passent, des docteurs se transforment en fraudeurs et on ne respecte même plus les morts. Ce n’est pas tout. L’on apprend (toujours grâce au rapport de l’Audit) qu’il y a eu des paiements excédentaires dans les pensions et ce, à coup de dizaines de millions. Et que nous dit la ministre Bappoo ? Que ce montant ne représente que Rs 61,2 millions alors que le budget des pensions de la sécu est de Rs 10,1 milliards. Il est vrai que tout est relatif. Là où le Mauricien voit un gaspillage de fonds publics et s’indigne devant une si grosse somme allant dans les poches dont on ne sait qui, la ministre ne voit que Rs 61,2 millions. Que voulez-vous ? Nous sommes dans un pays, où d’un côté, on dépense inutilement l’argent public, de l’autre, on fait subir une pression inutile sur les enfants handicapés de l’APEIM, victimes d’inégalités.

Et ce n’est pas la loterie organisée par la MTPA, où l’un des gagnants se trouve être un membre du conseil d’administration de l’organisme, ou encore le recount des votes des dernières municipales d’hier au Ward 4, à Port-Louis, provoquant le bouleversement que l’on sait, qui nous enlèveront ce goût amer de soupçon. À qui faire confiance ?

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