Maurice Allet, Yatin Varma et Reza Issack ont été interrogés dans le cadre de l’affaire Varma.
Certains élus du «Labour Party» trouvent que le nouveau feuilleton politique ne met pas en valeur la majorité gouvernementale. Mais ils ne sont pas tous du même avis.
Ambiance morose. Au sein de la majorité, l’ardeur du rouge a perdu, semble-t-il, quelques teintes. Une perte de couleur due, entre autres, à l’affaire Varma qui fait trembler l’alliance gouvernementale depuis quelque temps déjà. Et cette semaine, un énième coup d’éclat, cette fois signé Maurice Allet, n’a pas arrangé les choses. De retour au pays, le président du Parti mauricien social démocrate (PMSD) a beaucoup fait jaser en indiquant, dans sa déposition, que le directeur de communication au Bureau du Premier ministre, Subash Gobine, était également impliqué dans cette affaire.
Le président de la Mauritius Ports Authority (MPA), arrêté et inculpé de complot en vue de pervertir le cours de la justice, a donc ajouté un nom de plus à la liste des personnalités rouges citées. Après Yatin Varma, Reza Issack et le vice-Premier ministre Rashid Beebeejaun, le Senior Adviser fait son entrée dans l’affaire Varma. De quoi embarrasser l’équipe gouvernementale, surtout que Maurice Allet a décidé de rendre son départ de la MPA peu aisé (voir hors-texte).
Néanmoins, si Subash Gobine ne se dit «nullement concerné» par ces allégations, les attaques de l’opposition sèment le doute. Paul Bérenger déclarait, lors d’un point de presse ce samedi 6 juillet : «Maurice Allet s’est fait un devoir de ris Ramgoolam dans cette affaire à travers sa référence à Subash Gobine» (voir hors-texte). Si, à travers les voies officielles, notamment les conférences de presse du Labour Party et les réponses on record, on assure que tout va bien au niveau du gouvernement et que la priorité reste la gestion du pays face à la crise, dans les coulisses, il existerait un certain malaise actuellement.
Pour un député rouge, ce sont les retours du terrain qui rendent les choses difficiles : «Nos mandants nous posent des questions sur cette affaire. Nous avons de nombreux reproches. Ce n’est pas évident actuellement.» D’autres sujets provoquent la grogne des électeurs, confie-t-il : le manque de performance de certains ministres, la hausse des prix, les problèmes à la Compagnie nationale de transport (CNT) et les inondations meurtrières du 30 mars, entre autres.
Du rouge au mauve
Néanmoins, il précise que les Mauriciens oublient vite les réalisations du gouvernement : «Il est plus facile de s’arrêter sur les choses négatives. Mais, malgré tout, nous faisons notre travail.» Un travail qui peine à convaincre, semble-t-il. Pour un partisan du Parti travailliste (PTr), actif dans une circonscription du nord de l’île, il y a un gros problème de «conversion». Il s’explique : «Du jour au lendemain, des travaillistes se convertissent sans rien dire et deviennent des Mauves. Ce n’est pas encore très grave. Mais ça pourrait le devenir.»
Inquiet, il l’est. Comme le sont aussi certains élus de la majorité. C’est du moins ce qu’avance le député rouge : «Je ne suis pas le seul, j’imagine, à souhaiter un redressement de la situation, un signal fort de la part du Premier ministre.» Sentant une baisse de popularité et un certain agacement au niveau de la population – palpable surtout en écoutant les radios privées et en surfant sur les réseaux sociaux –, il souhaite que les choses bougent dans le bon sens. «Les gens ont une image négative de nous désormais. Il faut absolument renverser la tendance», estime, pour sa part, un autre élu rouge. Le député aimerait faire partie du prochain gouvernement après les élections générales prévues en 2015. Alors, il espère que le «soy» s’envolera très bientôt.
Stéphanie Anquetil, élue rouge, ne pense pas en ces termes. Elle estime que tant que «la police fait son travail», tout va bien : «Navin Ramgoolam a un pays à gérer avec son équipe et c’est ça le plus important. Le gouvernement sait quelles sont ses priorités et travaille dans ce sens pour la population.» Pas de malaise ni de baisse de forme. C’est business as usual, affirme-t-elle.
Dans le même état d’esprit et avec la même considération : le bien-être des Mauriciens et le respect des institutions. Suttyhudeo Tengur, observateur social proche de la majorité, voit les choses sous un «angle positif». «À chacun son point de vue», précise-t-il.
Suttyhudeo Tengur estime que les mouvements de grève et de go-slow (à la CNT et dans le port, la semaine dernière), et les démonstration de colère sur la ondes et dans les forums, ayant pour cible le gouvernement et ses représentants autour de l’affaire Varma notamment, permettent de démontrer une chose. Pas que le gouvernement est en mauvaise posture. Plutôt, «que la démocratie se porte bien à Maurice. Et que le gouvernement laisse aux Mauriciens la liberté de s’exprimer. C’est prévu dans notre Constitution. Dans certains pays, la répression face aux mouvements de protestation est virulente. Il faut savoir apprécier que ce n’est pas le cas ici». Alors pas de malaise à ressentir : tout va bien dans le meilleur des mondes !
Mais à bien y voir, tout ne semble pas être si rose… chez les Rouges.
Le Parti travailliste : «Pas d’ingérence ni de “cover-up” dans l’enquête»
Ils se défendent. Patrick Assirvaden, président du Parti travailliste, a commenté toute l’affaire Varma, hier, lors de la conférence de presse du parti. Il devait déclarer que «l’enquête se fait progressivement, sans ingérence ni cover-up». Il dira aussi que Maurice Allet a «fait les frais de son imprudence», tout comme Reza Issack, mais qu’il «reste un homme d’honneur».
Par contre, Pravind Jugnauth, lors de la conférence de presse du Mouvement socialiste militant, hier, trouve «révoltant» le fait que le Central Criminal Investigation Department (CCID) compte convoquer Rashid Beebeejaun dans cette affaire rien que pour un «petit statement, alors que les déclarations de Reza Issack sont damning pour Beebeejaun». Le leader du parti soleil estime également que Subash Gobine, le conseiller du Premier ministre (PM), «ne s’est pas réveillé un matin et a décidé de dire à Yatin Varma d’aller voir Maurice Allet». Et de poursuivre : «Selon moi, Varma a tenu le PM au courant de l’affaire, et pour moi, ce n’est pas étonnant que le PM ait dit à son advisor de donner un coup de main.»
Partira, partira pas ?
Quand Maurice Allet se décidera-t-il à démissionner de son poste de président à la Mauritius Ports Authority ? C’est une question que de nombreuses personnes se posent. Arrêté et inculpé de complot en vue de pervertir le cours de la justice, il aurait dû, dans la logique des choses, emboîter le pas à Reza Issack et à Yatin Varma (même si ce dernier a été invité à démissionner par le Premier ministre, Navin Ramgoolam).
Néanmoins, il semblerait que le président du PMSD a décidé de ne pas s’en aller aussi facilement que cela ! Maurice Allet attendrait que les charges soient rayées contre lui, suite à la motion présentée par ses avocats. Cette requête devrait être débattue, cette semaine. Essaie-t-il de gagner du temps?
Au niveau du PMSD, on déclare que s’il faut agir, ce sera après cette décision de la cour : «Nous réagirons après. Nous sommes tristes qu’il ait été inculpé aujourd’hui. Nous laissons la police faire son travail. Nous sommes confiants qu’il n’y a aucun case contre Maurice Allet», a confié le secrétaire général du PMSD, Mamade Khodabaccus pendant la semaine. Pour l’instant, son poste de président de parti n’est pas remis en cause, assure le secrétaire général.