Ça déborde ! Le verre de la frustration sociale est quasi rempli. L’attitude du Conseil des ministres, de renverser une décision prise en milieu de semaine concernant certaines lignes de la CNT, n’invite pas à l’apaisement.
Les uns pensent qu’il suffirait d’une goutte supplémentaire pour voir poindre l’aube d’un printemps mauricien. Les autres se prennent à rêver à la vague 82, suite aux événements de mercredi dernier, voyant un peu trop vite un remake des années 70, sur toile de fond d’une ambiance de révolte des travailleurs au travers des grèves.
Le contexte politique/social ayant changé, la vie politique elle-même étant ce qu’elle est à Maurice, bientôt, le koz koze Ramgoolam/Bérenger, reprendra autour de la fameuse réforme électorale qui suscite régulièrement des discussions sans le moindre passage à l’acte, il serait hasardeux de prédire les effets des secousses de ce mémorable 26 juin 2013, d’autant que des négociations continuent, avec l’aide des syndicats pour les employés de ces deux secteurs névralgiques : le transport et le port.
Si la volte-face du gouvernement, traduite par la décision de partager des lignes de la CNT avec d’autres opérateurs, avait pour but de faire comprendre que le capitaine Ramgoolam reste toujours aux commandes, qu’il ne capitulera pas devant le front travailleurs/syndicats, le gouvernement semble s’y prendre de la mauvaise façon. Ça ne fait pas sérieux qu’un ministre prenne un engagement pour revenir ensuite sur sa parole sous prétexte d’avoir enfin compris que «Gouverner, c’est prévoir» et qu’il s’agit de la sécurité des voyageurs.
Est-ce que le gouvernement a donc laissé, pendant tout ce temps, le public voyageur prendre d’éventuels risques en montant dans des autobus peu fiables ? La question reste posée quand aujourd’hui le parti au pouvoir semble découvrir la situation qui prévaut à la CNT. C’est à croire que s’il n’y avait pas eu l’accident de Sorèze, le ministre Bachoo n’aurait pas su qu’une centaine d’autobus de cette compagnie dorme par manque de pièces de rechange.
Cela dit, pourquoi achète-t-on des véhicules sans qu’on ait la garantie d’avoir des pièces ensuite ? Allez savoir !
Pourtant, les employés de la CNT étaient, eux, au courant de la situation et ont attiré l’attention des dirigeants, sans succès. À voir les révélations du receveur de l’autobus 4263 AG 07 qui a fait 10 morts à Sorèze, les dysfonctionnements existent depuis un bon moment. Mais qu’avait-on fait ?
Fallait-il attendre que des bus prennent feu, qu’un autre perde sa porte, ou qu’on enterre dix victimes pour tirer des leçons ?
Fallait-il arriver à la situation chaotique de mercredi dernier, où des employés ont été forcés de manifester par peur de perdre leur emploi alors que – triste ironie – on leur répondait que c’est la grève qui les mènerait à leur perte ? Et dire que ceux qui sont coupables de mauvaise gestion, de manque de vision, de planification ne sont, comme toujours, jamais inquiétés.
Doit-on s’étonner quand les derniers scandales prouvent qu’on peut, au gouvernement, manquer à sa responsabilité, négliger la notion d’accountability sans pour autant être inquiété par son chef hiérarchique.
Bien au contraire, l’Histoire nous montre qu’on peut être un ministre médiocre et profiter généreusement des fonds publics, avec de grosses augmentations de salaire sans que cela ne semble indécent par rapport aux travailleurs qui luttent et suent pour récolter des miettes.
Demain, lundi, les négociations employeurs/syndicats reprennent. À quoi doit-on s’attendre dans les prochains jours ? Pendant que Ramgoolam affiche la «sérénité» dans l’express dimanche de la semaine dernière, la température du pays traduit plutôt une certaine fébrilité.