Dharam Gokhool espère que Navin Ramgoolam annoncera la tenue d’élections anticipées.
Paula Atchia estime qu’il faut moraliser la politique à Maurice.
La démission de l’Attorney General et de Reza Issack comme Private Parliamentary Secretary, ainsi que les révélations de cette semaine embarrassent le gouvernement. Que doit faire l’alliance au pouvoir pour rebondir ? Avis d’observateurs politiques…
Tablier, éponge, détacheur ultra-performant et nettoyeur haute pression… Navin Ramgoolam devrait abandonner le costume et la cravate pour se lancer dans une opération de grand nettoyage. Une action «mett prop», nécessaire selon les observateurs politiques interrogés. Car si les révélations de la semaine écoulée concernant Yatin Varma, Reza Issack et Maurice Allet ont, selon eux, éclaboussé l’image et la crédibilité de l’alliance gouvernementale, différents scandales et problèmes avaient déjà entamé la bonne réputation de l’équipe dirigeante (le manque de performance de certains ministres, les affaires MITD et CNT, l’absence de rigueur de Proguard Ltd, les inondations meurtrières du 30 mars, entre autres exemples cités).
Désormais, pour remonter la pente et inspirer de nouveau confiance, le Premier ministre doit prendre des décisions, estime Jocelyn Chan Low, historien et observateur politique. Il est temps, dit-il, de redresser la barre. En bon capitaine, il doit agir. Et très vite : «Il a envoyé un bon signal en demandant à Yatin Varma de démissionner, mardi, au Parlement. C’est un pas dans la bonne direction.» Mais il ne s’agit là que d’un pas. D’autres devront suivre afin que l’alliance gouvernementale prévienne tout dérapage : «Il y a une perception, en ce moment, du pourrissement de la situation et du non-fonctionnement des institutions. Pourtant, pour la bonne marche d’une société, le respect du rule of law est fondamental.»
Et, en ce moment, cette notion de société de droit est un peu bafouée, avance l’historien : «Un Attorney General qui est supposé être garant du rule of law est soupçonné d’entrave au bon fonctionnement de la justice. Dans l’affaire MITD, les whistleblowers sont arrêtés… La perception de justice à deux vitesses est inévitable.» Une perception qui peut avoir de graves conséquences, estime-t-il : «Il ne faut pas oublier qu’en février 1999, c’est l’impression que la police n’était pas impartiale qui a provoqué une émeute. Aujourd’hui, tout peut exploser à cause d’une étincelle. Il faut faire attention.»
Désormais, c’est un Navin Ramgoolam, acteur du changement, qui devra se faire entendre : «Il peut redorer le blason de son gouvernement. Il est encore temps. Mais il doit mettre fin à cette perception et opter pour un changement en profondeur. Il doit débuter le tsunami qu’il avait annoncé dans les corps parapublics, il doit rétablir la confiance du public et s’assurer de l’indépendance de la police et de la justice.» Des actions concrètes et porteuses d’espoir auxquelles Dharam Gokhool ne croit pas vraiment.
Cet ancien ministre de l’Éducation, sous le précédent gouvernement Ramgoolam, ne mâche pas ses mots : «Demander à Varma de partir était une bonne décision. Désormais, je crois que Navin Ramgoolam doit être honnête et organiser des élections générales afin de clarifier la situation et d’être sûr que la population lui fait toujours confiance.» Celui qui dit avoir quitté les instances du Labour Party depuis 2011 avance que l’affaire Varma n’est qu’un incident parmi tant d’autres depuis le «règne de l’alliance gouvernementale à partir de 2010».
Il cite le scandale MedPoint, la cassure d’avec le MSM, le départ de la présidence de sir Anerood Jugnauth, la «cascade de scandales et d’affaires de corruption», l’insécurité grandissante et les «nombreux ministres reliés à des allégations de scandale» : «La volonté de l’électorat a visiblement été trahie. Et le gouvernement s’est visiblement éloigné de ses priorités et n’est plus en mesure de répondre aux attentes de la population.»
D’où le souhait de l’ancien ministre de voir l’organisation de législatives anticipées : «À mon avis, la situation pourrait se détériorer. Mais, bien sûr, Navin Ramgoolam a encore la possibilité de faire certaines choses pour redonner confiance et rectifier le tir. La population attend des décisions fermes. Mais je pense que ça va être compliqué.» Compliqué et peut-être même impossible, estime Paula Atchia de Women in Politics : «Il faudrait moraliser la politique. Mais on ne peut pas demander ça à quelqu’un qui ne saurait comment le faire». Pour elle, l’affaire Varma est symptomatique de la façon de faire de la politique à Maurice : «Les pressure groups, les organisations socioculturelles, la culture des camarades…»
Elle estime que Yatin Varma paye «les pots cassés» de cette politique sans repère : «S’il n’y avait pas eu autant de scandales ces derniers temps, il aurait pu s’en sortir. Mais son affaire a pris une importance démesurée à cause du climat social et politique malsain.» Mais, précise Paula Atchia, «ce n’est pas juste le gouvernement qui doit revoir ses pratiques aujourd’hui». Selon elle, c’est l’ensemble de la classe politique qui doit aller vers le changement. Mais comme c’est l’alliance PTr-PMSD qui est au pouvoir, ça doit commencer par eux : «Les gens se désintéressent de la politique à force de voir des choses pareilles. Aux prochaines élections, les gens ne voteront plus ! Ce n’est pas ce qu’on veut.»
À la tête du pays, Navin Ramgoolam se doit donc de laisser son costume et sa cravate, et d’entamer le grand nettoyage…