Avec sa petite-fille Nandinee, sa fille Sarada, son petit-fils Agilen et la petite Shavina
Soixante-trois ans après, il raconte la fusillade pendant laquelle il avait été touché et la grande Anjalay Coopen tuée…
27 septembre 1943. Une date noire dans l’histoire de l’île Maurice. Lors d’une grève, quatre personnes tombent sous les balles, dont Anjalay Coopen. Munien Munusami, 84 ans, le «seul rescapé» du massacre, se rappelle ce triste événement. Il se souvient avec émotion de cet épisode de sa vie et plus spécialement d’Anjalay, qu’il appelle sa cousine, devenue le symbole de la lutte de la femme ouvrière.
«C’est une tranche de mon existence que je n’oublierai jamais», dit cet homme affaibli par le poids de la vieillesse. Soixante-trois ans se sont écoulés et l’image de cette femme enceinte de 32 ans en sang le hante toujours : «C’est l’histoire d’une femme qui croyait en ses droits et en ceux des femmes. Elle a lutté jusqu’au bout pour ses convictions : plus d’égalité et plus de droits aux laboureurs. Une manifestation, une fusillade et, en un clin d’œil, elle a perdu la vie.»
Depuis ce jour, raconte Munien, sa vie n’est plus pareille : «Toute l’histoire, toute la scène, toute la tragédie s’est passée devant moi. L’affrontement a lieu sur la propriété de Belle-Vue-Harel devant un baitka pendant une cérémonie religieuse. Les laboureurs sont en grève et revendiquent de meilleures conditions de vie. Le conflit débouche sur une fusillade par des policiers mandés sur les lieux qui chargent les grévistes choqués par la brutalité et l’attitude de la police. Plusieurs coups de fusil sont tirés. Kistnasamy Moonesamy, 29 ans, et un adolescent de 12 ans sont touchés et meurent. Marday Ponapen, 16 ans, mourra à l’hôpital quelques jours plus tard.»
Munien ne rate pas une occasion d’évoquer Anjalay : «Elle mérite tous les hommages.» Habitant à Mont-Roches, Beau-Bassin, le vieil homme mène une vie paisible, entouré de ses cinq enfants, trois fils et deux filles, et ses huit petits-enfants. Les membres de sa famille se disent les éternels oubliés, «qui ne sont jamais invités» aux manifestations en hommage à Anjalay Coopen.
Agilen, son petit-fils, évoque avec fierté les moments privilégiés où son grand-père, des heures et des heures durant, lui conte cette époque de sa vie, souvent les larmes aux yeux : «La fusillade tragique de septembre 1943 a bercé mon enfance.»
Après l’émotion, Agilen laisse échapper son amertume : «Je comprends qu’on parle beaucoup plus d’Anjalay Coopen mais la famille estime que Munien aussi méritait un peu plus de reconnaissance. Cette fusillade a marqué toute sa vie. Il n’a plus jamais pu travailler comme avant et aujourd’hui encore il souffre de son bras.»
Munien, pour sa part, n’a qu’à fermer les yeux pour revivre ses souvenirs : «J’espère que ma famille transmettra de génération en génération mes douloureux souvenirs. Ce qui est arrivé fait partie de moi.»
La stèle à Cottage, érigée, il y a deux ans, est aussi, dit-il, un moyen pour que les jeunes Mauriciens se souviennent du «massacre» malgré les années qui passent…