Ananda Devi et son mari ont réalisé ensemble «La Cathédrale»
Balgopal et Saraswatee Nirsimloo avec leurs filles Salonee, Ananda et Soorya au début des années 70
Elle est désormais une référence littéraire. L’écrivain qui vit en Suisse est à Maurice pour la promotion de son dernier ouvrage et du film de son époux adapté de sa nouvelle, ‘La Cathédrale’.
«Personne, même pas mon époux, ne lit mon manuscrit. C’est très personnel. J’ai peur que si je leur montre ce que j’ai écrit, ils me disent des choses qui me fassent douter», explique l’écrivain. La simplicité et la douceur qui se dégagent de cette femme sont surprenantes, même désarmantes. On dirait presque qu’elle est timide, mais ce n’est pas le cas. Ananda Devi a le sourire vrai et, malgré sa douzaine de romans, la notoriété ne semble pas avoir eu raison d’elle. La petite fille de Trois-Boutiques, un village du sud de l’île, a fait un long bout de chemin.
Mariée à Harrikrisna Anenden, en pré-retraite et tout récemment réalisateur de documentaires pour l’Organisation mondiale de la Santé, l’auteur est mère de deux fils, Ashwin, 24 ans, étudiant en médecine à Cardiff et Sharvan, 22 ans, étudiant en graphisme à Londres. Entre son métier de «salariée» - elle est traductrice dans une organisation internationale - et sa famille, elle trouve du temps pour écrire. «J’écris surtout le soir. Quand j’écris, l’intrigue est déjà là. J’y réfléchis tout le temps. Des fois, j’écris pendant la pause déjeuner au travail.»
Benjamine de la famille, Ananda a deux sœurs, Soorya et Salonee. Elle a toujours eu le soutien de ses parents : son père planteur de canne à sucre et sa mère femme au foyer : «Il y avait beaucoup de livres à la maison. Mes parents aimaient lire et nous raconter des histoires. Mon père nous racontait des contes et ma mère des extraits du Ramayana et du Mahabarata.» C’est avec émotion qu’Ananda Devi parle de ses parents décédés. «Ils étaient des gens très simples. Ils nous ont toujours beaucoup encouragées mes sœurs et moi, dans le domaine artistique. Ma sœur aînée voulait faire de la danse et la cadette de la peinture. Il y avait une atmosphère douce, créative et cela nous a permis de nous épanouir. Le domaine artistique était encouragé, presque voulu à la maison.»
Petite, Ananda commence à écrire de petits poèmes, de petites histoires et à faire des bandes dessinées avec ses sœurs. À 15 ans, elle participe à un concours de nouvelles international. La cité Atlee est primée et publiée. C’est le début d’une longue histoire avec l’écriture. «Cela m’a encouragée à écrire.» Ses études secondaires au collège Lorette de Curepipe l’aident également. Les profs remarquent son aptitude pour l’écriture et l’encouragent. Elle se rappelle : «Il y avait un autre concours international, j’écrivais une pièce de théâtre et, comme je ne l’avais pas terminée, la responsable de l’établissement m’a dispensée des cours pour que je l’achève!»
Lauréate de la bourse d’Angleterre, elle se lance dans les sciences sociales : «Ma passion pour le français a toujours existé mais je ne voulais pas poursuivre des études de français pour que cela n’agisse pas comme un frein à ma passion. Je ne voulais pas l’imposer comme sujet.» Elle étudie donc l’anthropologie. C’est pendant ses études qu’elle rencontre Anenden, également étudiant. Ils se marient et elle tombe enceinte alors qu’elle prépare sa thèse de doctorat. Lui s’est rendu au Congo-Brazaville pour son travail. Elle l’y rejoint avec leur fils après sa thèse.
Se faire publier n’est pas toujours facile, nous confie l’écrivain : «Au début, j’envoyais chaque roman par la poste. Je recevais souvent des refus mais les éditeurs envoyaient parfois des mots encourageants et des explications; cela m’a aidée à y croire et à persévérer.» Chez Gallimard, cela a été plus facile, elle a choisi Pagli, son «coup de cœur» : « Ils m’ont cherchée parce qu’ils lançaient une nouvelle collection et avaient ciblé l’océan Indien et j’étais déjà assez connue. Je leur ai proposé Pagli, l’histoire d’une jeune indo-mauricienne, violée par un cousin lointain à 13 ans. Il veut se marier pour se racheter. Elle accepte pour se venger mais se refuse à lui. Elle tombe ensuite amoureuse d’un pêcheur et ils vivent une grande passion, difficilement acceptée par les villageois.»
Une histoire de passion, d’émotion qui transpire dans nombre de ses écrits. Une passion que l’artiste vit avec sa plume et ses personnages qu’on discerne à peine dans sa personnalité. Quelques jours de plus dans l’ile et Ananda Devi et son époux retrouveront leur maison près de Genève. Elle nous reviendra peut-être bientôt pour lancer son prochain ouvrage.«Je pense que ma prochaine histoire se passera en Inde…» On l’attend avec impatience.
Par Vanessa Samuel