Michaël Atchia
Les cas allégués de corruption sont de plus en plus fréquents. Parmi les derniers : un policier qui aurait sollicité un pot-de-vin d’un conducteur. Qu’est-ce qui se passe dans notre société ? Le Dr Michaël Atchia de Democracy Watch Mauritius, répond à nos questions.
Un policier qui aurait pris en contravention un automobiliste pour excès de vitesse, aurait sollicité de ce dernier un pot-de-vin de Rs 6 000 pour qu’il annule le procès-verbal. Quel est votre avis sur ce qui est arrivé ?
En février 2013, Democracy Watch posait les questions suivantes, toujours valables aujourd’hui : Police de Mauriciens pour des Mauriciens par des Mauriciens ou bien police au service d’intérêts particuliers divers (politiques, ethniques, opportunistes) ? Notre police accepte-t-elle d’être jugée et jaugée sur l’application absolument démocratique des pouvoirs qu’elle détient ? Peut-elle expliquer pourquoi le peuple perçoit qu’elle arrête, détient, interroge plus facilement, plus fréquemment, plus longuement, les politiciens de l’opposition du jour que ceux du pouvoir ? Nos policiers défendent-ils d’abord les droits des habitants-contribuables ou prioritairement ceux des locataires de l’Hôtel du gouvernement, de leurs proches et protégés? L’action policière, le service sécuritaire, le maintien de l’ordre et de la paix publique, se font-ils avec la participation des forces vives, reconnues comme telles ? Tout policier, dans l’exercice de ses fonctions, est-il libre de veiller au strict respect de toute loi en vigueur, sans «guette figure», ou est-il tenu de suivre des consignes hiérarchiques?
Dans le cadre de l’affaire Whitedot – l’affaire des arnaques financières –, cinq employés de l’Independent Commission against Corruption (Icac) qui ont investi dans les Ponzi Schemes ont été suspendus de leurs fonctions en attendant les conclusions de l’enquête. Quel signal reçoivent les Mauriciens de ces nombreux cas allégués qui alimentent la presse ces derniers temps ? Que doit-on faire ?
La corruption, phénomène universel, peut se définir comment étant «l’abus des responsabilités conférées pour s’enrichir personnellement». Elle intervient autant dans le domaine public que dans le secteur privé ainsi que dans les médias et la société civile. Pendant cet abus de pouvoir qui se déroule au sein d’une instance publique ou dans une organisation privée, l’officiel corrompu et le corrupteur en tirent un profit, sous formes d’argent ou d’un avantage indû.
Examinons l’ampleur d’un de ces crimes financiers. Un citoyen à faibles revenus est «couillonné» et prend un emprunt bancaire de Rs 100,000, sur garantie, au taux d’environs 8 %, pour ensuite placer cet argent dans un Ponzi scheme promettant des intérêts de 50 % ou plus. Quand le Ponzi s’écroule, le citoyen perd ses Rs 100,000 mais il lui reste à rembourser la banque. Quel drame familial s’ensuit ! Quel abus de confiance de la part des arnaqueurs, qui ne méritent aucune pitié ! Pas surprenant que Madoff fut condamné à plus de 700 ans de prison pour ses arnaques comprenant de milliards de dollars.
Combattre la corruption passe aussi, comme dans les cas de vente de drogues ou d’arnaques financières, à la saisie judiciaire de ces biens mal acquis. Ce qui est en train de se faire chez nous. Un bon message aux futurs arnaqueurs potentiels.
Selon vous, comment est-ce qu’il faut interpréter ce qui se passe actuellement au niveau de la corruption à Maurice ?
La moralisation correspond à un processus d’inculcation de normes et de valeurs dans le comportement. On introduit ici les notions du bien et du mal. Moralisation de la vie politique et de la vie publique : oui c’est un grand discours mais avec, à long terme, l’assainissement de notre société ! Cette vague déferle régulièrement sur le monde, laissant parfois des traces concrètes d’amélioration, malheureusement souvent suivies de simple mais décourageant retour à la case départ. Ces jours-ci, c’est en France – confrontée aux crises financières, économiques, politiques et de confiance dans ses dirigeants –, aux États-Unis ‑ face à la crise financière, aux morts par fusillades –, à Maurice – avec les arnaques financières, les multiples exemples de corruption, de mauvaise gestion, de crimes, d’exclusion et d’incompétence – et en République indienne – les violences faites aux femmes –, entre autres pays, que déferle cette vague bienfaisante. Democracy Watch, parmi d’autres forces vives, pense à aider en posant quelques questions pertinentes, pour susciter la réflexion et faire progresser le pays vers cette société morale et éthique que nous souhaitons tous !