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Les leçons de Sorèze

Le drame de vendredi dernier n’a pas seulement meurtri dix familles et traumatisé une trentaine de blessés. Il a aussi bouleversé les Mauriciens qui, encore incapables de digérer les dernières inondations mortelles, se sentent frappés une nouvelle fois en plein cœur. La soudaineté de l’accident, mettant fin prématurément à la vie de dix personnes, les récits des rescapés faisant état des dernières paroles du chauffeur sur la défection de ses freins, le fait que ce n’est pas la première fois qu’un autobus de la CNT se trouve au centre de la catastrophe, ont provoqué une onde de révolte et d’indignation chez les citoyens.

Partout, sur les réseaux sociaux ou sur les ondes des radios privées, les paroles ont été libérées et on a eu droit à toute sorte de commentaires, d’analyses, de jugements, parfois trop hâtifs. Bien que pour l’heure, il soit un peu facile de tirer des conclusions immédiates, un constat s’impose. Il semble que cela devienne commun dans ce pays de devoir tirer des leçons de la pire des façons. En payant de la vie de nos citoyens.

En mars dernier, il aura fallu 11 morts pour que soit fait un constat des dysfonctionnements, lacunes, manquements et de l’approximation avec laquelle certains nominés politiques dirigent nos institutions. Dans le cas de l’accident de Sorèze, depuis vendredi dernier, plusieurs versions sont entendues : ici certains affirment que le système de freinage de ce type d’autobus n’est pas adapté à nos routes, là on met en cause le surnombre de passagers qui prennent place régulièrement dans nos bus.

De tout ce flot de constatation, il importe de distinguer les témoignages dictés par l’émotion, du raisonnement juste et éclairé. Cela étant dit, dix personnes ne sont pas rentrées vivantes chez elles, un garçonnet de trois ans a perdu sa maman, une fille de 11 ans est devenue orpheline de mère et de père, d’autres familles ont perdu un des leurs et des parents pleurent les destins brisés de leurs enfants.

Le moins qu’on puisse faire pour rendre justice à ces êtres disparus brutalement, c’est de rendre compte à leurs proches de ce qui s’est réellement passé. La décence s’impose. On leur doit la vérité. Qui est responsable de ces morts ? Ailleurs, en cas de grandes catastrophes, les ministres de tutelle démissionnent. Ici, cela ne fait pas partie de nos cultures. Et nous vivons dans un pays où la notion ‘d’accountability’ n’a aucun sens. Sans que cela n’émeuve les dirigeants.

Or, la CNT est une compagnie parapublique et elle a le devoir de donner des réponses aux contribuables. Le Premier ministre – sur qui pleuvent les critiques parce qu’il ne s’est pas arrêté sur les lieux de l’accident alors qu’il passait par là – a répondu promptement à la demande d’Alan Ganoo affirmant qu’il n’y aura pas de cover-up dans l’enquête initiée sur cet accident. On veut bien le croire, mais il importe d’avoir un temps défini dès maintenant, pour qu’on sache quand est-ce qu’on aura les conclusions de cette affaire. Car trop d’enquêtes restent trop longtemps «toujours en cours » à Maurice.

Du reste, dans plusieurs cas de précédents accidents impliquant les autobus de la CNT, nous ne encore connaissons pas les résultats, les résolutions et les leçons tirées. Bientôt, une autre actualité chassera celle-ci. Et l’autobus 4263 sera oublié. Sauf pour une dizaine de familles qui ne cesseront jamais de pleurer un des leurs…

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