À 15 ans, elle s’apprêtait à être maman, regardait son avenir avec optimisme malgré sa jeune maternité. Reprendre ses études, avoir de bons résultats, devenir policière… C’était son rêve. Qu’elle ne vivra pas. Franceska est décédée après avoir accouché par césarienne. Les détails entourant son décès choquent. (Voir texte en page 10). Sa mère crie à la négligence médicale. Tout comme les proches de Jade, autre jeune femme décédée mercredi dernier, toujours des suites d’un accouchement.
N’ayant pas fait d’études de médecine, il serait hasardeux de notre part de tirer des conclusions. Et il appartient donc au ministère de la Santé d’initier des enquêtes pour faire triompher la vérité sur ces deux femmes qui ont quitté leur maison pour un heureux événement, remplies d’espérance d’une nouvelle vie, et qui ont été brutalement arrachées à leurs familles. Cela dit, on ne peut rester indifférent devant l’augmentation du nombre d’allégations de négligence médicale. Rien que cette semaine, outre l’histoire de Franceska et Jade, nous relayons en pages 10-11 deux autres récits : Jean Claude qui a perdu son épouse et qui met en cause le retard du SAMU, et la colère de Noorrani Rannoo, dont le nouveau-né a été blessé au scalpel au cours de la césarienne.
Y a-t-il un problème dans nos hôpitaux ou sont-ce les blouses blanches qui ont toujours raison ? Les questions taraudent, les récits interpellent, la suspicion règne. Le manque de transparence, l’absence de communication entre les patients/ leurs proches et nos services hospitaliers contribuent au doute. Dans le cas du bébé de Noorrani qui aussitôt né a dû subir des points de suture, les parents disent n’avoir pas été informés de ce qui s’était passé. Et la maman – dont on devine la fragilité psychologique après avoir donné naissance – n’ayant pu voir son nourrisson dans les premières heures de sa vie avait même cru au pire. D’où leur révolte et une impression de «cover-up». Si le mot semble fort, il traduit ce que ressentent les Mauriciens par rapport aux services de santé.
Un sentiment que l’omerta fait loi d’autant que les enquêtes un peu à la manière de notre Police complaints Bureau qui enquête sur la police – sont souvent menées par d’autres médecins, soit des collègues qui pourraient être tentés par un esprit corporatiste. D’ailleurs, jusqu’ici, on a très rarement entendu parler de sanctions contre des médecins, si ce n’est des avertissements ici, un rappel de se conformer au code de déontologie là. Résultat : les Mauriciens se rendent dans nos hôpitaux la peur au ventre et n’ont pas confiance dans ces services publics de plus en plus dénoncés dans les journaux et sur les ondes des radios.
Si Lormus Bundhoo, l’un des rares ministres qui répond rapidement (contrairement à d’autres qui exigent des mails plusieurs jours à l’avance) aussitôt sollicité par la presse, semble vouloir mettre de l’ordre au ministère de la Santé, promettant des sanctions dans le cas du bébé blessé au scalpel, (voir texte en page 11) n’empêche que nous attendons de lui qu’il rende publiques les conclusions de toutes ces enquêtes initiées régulièrement suite à des plaintes reçues sur des morts suspectes. Il importe également d’établir un délai d’investigation (une proposition du député Satish Boolell à l’Assemblée nationale en juin dernier) afin que le coupable ne commette pas d’autres délits. Tout comme il importe d’enquêter sur le fait qu’il y aurait une exagération dans la pratique de la césarienne à Maurice.
Qui a dit que la freedom of Information Act n’est pas une nécessité?