Le célèbre spécialiste des droits de l’homme a présenté, ce samedi, un rapport préliminaire en vue de l’introduction d’une Media Law à Maurice. Il y fait plusieurs propositions de réforme des lois pour la presse mauricienne.
«La Media Law ne tardera pas à venir», «la liberté ne veut pas dire que vous pouvez tout faire. Ce n’est pas à cause de deux ou trois personnes que notre tissu national va se fragiliser», «mo pe vini avek enn lalwa pu bann media»… L’annonce d’une nouvelle loi pour les médias faite par le Premier ministre, l’an dernier, avait sonné comme une menace aux oreilles de la presse, bien que le chef du gouvernement avait finalement assuré que cette loi ne serait pas une atteinte à la liberté de la presse. Navin Ramgoolam avait alors approché Geoffrey Robertson, éminent juriste australien, pour faire des recommandations et rédiger cette loi.
Après plusieurs mois de travail, le légiste a présenté, hier, un rapport préliminaire lors d’une conférence de presse au bâtiment du Trésor. Un discours totalement à l’opposé de celui que tenait le Premier ministre l’année dernière. En effet, le rapport de Geoffrey Robertson repose sur plusieurs propositions afin que la presse mauricienne adopte une éthique plus précise tout en ayant une liberté d’expression.
Ces recommandations ont pour but d’amender les lois et les pratiques régissant la presse afin de faire grimper le pays dans le classement des démocraties respectant la liberté d’expression. En début d’année, Maurice avait dégringolé de huit places pour finir à la 62e position dans le classement de Reporters sans Frontières. Pour Robertson, Maurice peut intégrer le Top 20 du classement, si sa proposition de réforme est mise en place.
Pour ce faire, le Queen’s Counsel (QC) propose une série de réformes et de recommandations. La première est d’abolir les lois coloniales punissant la sédition et d’adopter une loi sur la liberté de l’information afin de donner à la presse libre l’accès aux importants documents officiels. «Maurice a une presse qui est vivante, qui informe, qui divertit, qui critique les personnalités publiques. Mais elle est oppressée par de nombreuses lois coloniales, qui, à l’époque, voulaient contrôler la presse, car elle était perçue comme potentiellement subversive», soutient l’auteur de ce rapport.
Pour ce dernier, il est important de revoir les lois sur la diffamation et les délits d’outrage afin que les journalistes et les rédacteurs ne soient plus menacés de prison. Il préconise également une loi sur le respect de la vie privée, avec l’accent sur la défense de la liberté individuelle, l’abolition des délits d’outrage à l’Assemblée nationale, la protection de l’information et des sources des journalistes. Mais aussi la liberté des médias leur permettant ainsi de publier des informations qui sont d’intérêt public, l’octroi des permis pour la création des télévisions privées…
Ce sont là autant de recommandations contenues dans le rapport préliminaire de Geoffrey Robertson qui a rédigé aussi un code de conduite à l’intention de la presse.
Relancer le Media Trust
L’avocat propose également que le Media Trust soit relancé et qu’il soit partiellement financé par le gouvernement afin qu’il puisse former les journalistes aux normes professionnelles et à l’éthique. Pour Geoffrey Robertson, il est important d’avoir un Media Ombudsperson qui serait à la tête d’une Media Commission habilitée à statuer sur les doléances concernant des inexactitudes et des injustices publiées dans les journaux, diffusées à la télévision ou sur les ondes. «Cette commission aura le pouvoir d’exiger la publication d’un droit de réponse ou d’une correction, mais n’aura pas le droit d’obliger la presse à présenter des excuses ou encore à infliger des amendes aux journalistes. L’Ombudsperson pourra également écouter les doléances à l’égard de la radio et la télévision, et référer les cas à l’Independent Broadcasting Authority», précise-t-il.
Geoffrey Robertson souligne que la Media Commission ne doit être influencée par aucun parti politique ni aucune presse. Pour cela, il propose que l’Ombudsperson, qui doit être indépendant, soit nommé par la Judicial and Legal Services Commission.
L’appel à candidatures devrait être ouvert, selon lui, aux étrangers. «Il en est de même en ce qui concerne le Media Trust dont le chairman devra être indépendant et être nommé par un conseil d’administration comprenant huit membres : un de l’Equal Opportunities Commission, un du Bar Council, l’Ombudsperson pour les enfants, un représentant de l’université de Maurice, un autre du gouvernement et trois rédacteurs en chef et journalistes», a-t-il expliqué.
Le document sera bientôt disponible sur le site Web du gouvernement. Geoffrey Robertson s’accorde un délai de cinq mois pour répondre aux critiques, aux interrogations et pour écouter les suggestions des Mauriciens.
Il compte ensuite revenir à Maurice pour proposer d’éventuels amendements, pour finaliser le projet et commencer à rédiger le Media Law Bill qui devrait, selon lui, être prêt d’ici la fin de l’année.