Tout a été dit. Tout reste à dire. Et Ramgoolam se contredit. Tout prompt qu’il était en début de semaine à mettre la catastrophe de dimanche dernier sur les forces de la nature, le Premier ministre s’est rendu compte, les jours d’après, que les «flash floods» certes inévitables, ne sont pas les seules responsables de l’inoubliable samedi 30 mars. Alors qu’il persistait à défendre, à l’Assemblée nationale – comme en février dernier – les services météorologiques, les déclarations contradictoires de son directeur, (« nou ti pensé li pou passe loin ek nous »), premier dommage collatéral post-inondations, donne au chef du gouvernement une autre lecture du déroulement de ce samedi désastreux. Mais Ramgoolam, même s’il ne le dit pas, n’a pas eu besoin d’attendre la candide déclaration de Dunputh sur les ondes de Radio Plus pour découvrir que les changements climatiques ne sont pas les seuls coupables.
S’il était certain que tout était le seul fait de la nature, il n’aurait pas demandé l’aide des experts singapouriens pour connaitre les causes exactes des inondations. Si effectivement tout était une question de calamité naturelle – comme s’acharne à le dire Bachoo – et que les autorités n’avaient rien à reprocher aux parapets de l’autoroute, elles n’auraient pas procédé subitement à l’enlèvement d’une partie de ces blocs de béton. Et si ces fameux drains qui ont couté Rs3,7 milliards étaient au-dessus de tout soupçon, pourquoi a-t-on attendu ce triste événement pour procéder à leur grand nettoyage? A vrai dire, Ramgoolam sait que sa parade de «flash floods» est un peu facile. D’où la tentative de rectifier le tir depuis : «Il nous faut situer les responsabilités» «Nou pas pou couver personne» «Il semblerait que le directeur de la météo s’est contredit», a-t-il fini par concéder.
Au fond, le Premier ministre sait que son gouvernement est mis à l’épreuve avec cette catastrophe. Et il réalise (avec l’opposition qui attise les braises de la révolte sur ce sujet) qu’il risque de perdre des points s’il échoue dans cette gestion. D’autant qu’il sait que l’administration de samedi dernier fut chaotique. Tous ceux qui étaient en plein cœur de ces inondations mettent en cause l’absence d’un plan d’évacuation, le retard des policiers, des pompiers, de l’hélicoptère de la police, le manque de communication des autorités avec la population, l’absence d’une cellule de crise d’urgence immédiate. Bref, le Premier ministre aura beau s’énerver devant la pluie des critiques, mais s’il n’y prend garde, et ne mesure pas la colère et l’exaspération des citoyens, ce sont ses services qui seront bientôt décrédibilisés. S’ils ne le sont pas déjà.
Qui fait confiance aux services météorologiques aujourd’hui ? Et dire qu’on avait eu une piqure de rappel en février dernier avec les pluies torrentielles, provoquant une énorme anarchie et une colère contenue de la population. Mais quelles leçons avait-on tiré ? Et quelles leçons tireront-nous de samedi dernier ? Maintenant que chaque Mauricien y est allé de son analyse, de ses propositions, est-ce qu’on devrait craindre un autre 30 mars ? Car le drame du pays est là aussi : la capacité à oublier trop rapidement les engagements, les résolutions. Que ne disait-on pas après les inondations de 2008 qui avait fait quatre morts et qui avait donné lieu au rapport Domah ? Cinq ans plus tard, l’on apprend qu’une partie des propositions n’est pas en œuvre. Cinq ans plus tard, nous nous lamentons toujours sur le manque d’un radar à la station météo de Vacoas. Cinq ans plus tard, le gouvernement et l’opposition se renvoient la balle pendant que d’autres familles enterrent douloureusement des victimes. L’heure des comptes a sonné. Et les Mauriciens attendent les actions concrètes. Si le Premier ministre ne comprend pas cela, il risque de le payer sur le plan politique.