Stéphano Jasmin et Cindy Toussaint, ici en compagnie d’un de leurs enfants, ont vécu des heures difficiles.
Les habitants d’Anse Courtois espèrent, désormais, obtenir une maison.
Des familles prisonnières des eaux pendant des heures. Des familles qui ont tout perdu, vivant dans une extrême pauvreté. C’est la réalité de cette région oubliée de Pailles.
Dans quelques minutes, le soleil va se coucher, en cet après-midi de jeudi. Les derniers rayons de soleil se reflètent sur la dizaine de maisons en tôle, disséminées dans une vallée au cœur de Pailles. Un endroit insoupçonné derrière les maisons en béton. Un endroit où la misère s’est infiltrée dans les moindres recoins. Il faut emprunter un escalier de fortune, creusé dans une pente abrupte, afin d’atteindre ce lieu coupé du monde, placé sous les feux des projecteurs depuis les événements tragiques du 30 mars. Une animation un peu particulière fait vibrer Anse-Courtois.
Après les pluies du samedi noir, le père Gérard Mongelard a décidé d’accueillir les femmes et les enfants dans la salle d’œuvre de l’église St-Vincent-de-Paul. La menace des fortes pluies prévues pour la fin de semaine et le week-end a motivé cette décision. Des soucis avec le propriétaire de ces bicoques aussi (voir hors-texte). Les femmes et les enfants se préparent donc à quitter le lieu, à mettre un peu de distance entre leurs appréhensions et leur désespoir, en cet après-midi. D’ailleurs, les habitants de ce coin perdu ont tout perdu. Et même si, grâce aux nombreuses aides reçues ces derniers jours, ils ont réussi à se débrouiller, ils se disent traumatisés.
Et nombreux sont ceux qui avouent ne plus pouvoir fermer l’œil de la nuit. Et le spectre des grosses pluies, qui étaient prévues en fin de semaine, n’arrange pas les choses. «Nous ne pouvons plus vivre ici, nous espérons obtenir une maison bientôt», confie Stéphano Jasmin. Le jour des inondations, il a vécu un cauchemar : «J’ai failli perdre mes deux plus jeunes enfants.» En l’espace de quelques secondes, l’eau s’est engouffrée dans leur bicoque en tôle : «Jusqu’au menton». Lui et sa compagne, Cindy Toussaint, ont alors à peine le temps de réfléchir. Ils saisissent leurs petits pour maintenir leurs têtes hors de l’eau, tout en s’assurant que les trois autres arrivent à se débrouiller, et à se débattre pour se précipiter hors de la maison. Un cauchemar. Qui ne finira pas là.
La famille passera de longues heures sur le toit d’une autre habitation, comme beaucoup d’autres habitants de la localité, afin d’échapper à l’eau boueuse. Des heures de détresse où Stéphano et Cindy verront le peu de biens matériels qu’ils possèdent disparaître. Des heures d’angoisse où ils n’auront qu’une seule chose à cœur : la sécurité de Cédric, Emilio, Kinsley, Ezzéchiel et Sinquela. Avec le recul, la mère de famille estime que les choses auraient pu être beaucoup plus graves : «Les enfants ont l’habitude de jouer dans la rivière qui a débordé. Heureusement que ce n’était pas le cas ce samedi-là».
Kalina Ville préfère ne pas imaginer l’horreur si ses trois petits se trouvaient près de ce point d’eau. Elle-même a vécu des moments difficiles : «Je croyais que j’allais mourir», confie-t-elle, en tentant d’assembler quelques affaires pour se rendre à l’église. Dans sa maison, composée d’une seule pièce, une forte odeur de moisie émane d’une pile d’affaires entassées à la va-vite. Elle a tout perdu en quelques minutes. Il ne lui reste plus que ce qu’elle a reçu en don, cette semaine. Le corps lourd, elle a du mal à se déplacer, tout en surveillant ses enfants.
Kalina est enceinte de huit mois. Dans trois semaines, elle doit accoucher. Dans trois semaines, elle aura un quatrième enfant : «J’ai cru que j’allais le perdre. Quand l’eau a commencé à monter, j’ai essayé de m’enfuir avec les enfants. Mais c’était impossible. La porte ne voulait pas s’ouvrir. On a pu s’échapper par une fenêtre grâce à l’aide des voisins.» Elle n’oubliera jamais la sensation de panique qui s’est emparée d’elle à ce moment. Un sentiment paralysant. Un sentiment de peur intense. Sa belle-sœur, Jennifer Botte, s’est aussi laissé envahir par ce tourbillon. Elle travaillait dans un restaurant à Port-Louis quand elle a appris que ses enfants étaient en danger : «Je suis rentrée. J’ai couru dans l’eau. J’étais trempée jusqu’aux os. Ce n’était pas grave. Il fallait que je rentre.» À son arrivée, elle a été choquée de voir dans quel état était sa localité : «Je n’avais jamais vu ça. C’était l’horreur. Ti kuma dan fim.»
Un film qui tourne en boucle sans cesse dans sa tête. Des images qu’elle n’oubliera pas de sitôt. Désormais, elle, tout comme les autres femmes et enfants, est prise en charge par le père Mongelard et des psychologues venus proposer leur aide. Un pas vers une reconstruction… loin d’Anse-Courtois. C’est ce qu’espèrent les familles de cette région sinistrée : un autre avenir.
Xavier Luc Duval se défend
Du rififi dans l’air ? Le ministre des Finances aurait-il eu des paroles fâcheuses envers le chef du gouvernement ? Peut-être, peut-être pas. Selon Xavier Luc Duval, ses propos auraient été mal rapportés dans la presse. Il n’aurait jamais, donc, fait les déclarations suivantes : «Nu pann fer kuma Navin Ramgoolam al montre figir apre ale». Le grand argentier s’est exprimé sur sa page Facebook pour faire la précision suivante : «Je déplore la façon dont mes propos à Plaine-Magnien ont été mal interprétés. Je tiens à souligner l’intensité avec laquelle le gouvernement s’est appliqué à venir en aide aux sinistrés des inondations (…) Le Premier ministre en particulier n’a pas hésité à mettre tous les moyens nécessaires en œuvre non seulement pour les aider, mais aussi pour éviter qu’une telle catastrophe ne se reproduise. Je suis aussi très fier de la façon avec laquelle les membres du PMSD ont réagi et je suis aussi fier de leur travail sur le terrain depuis samedi dernier.»
L’opposition en forme !
Critiques à tout-va. Et piques bien lancées. Le Remake 2000 occupe tous les fronts en ce moment. Sur le terrain, au Parlement et dans les conférences de presse, Alan Ganoo et sir Anerood Jugnauth demandent des explications et exigent la démission d’Anil Bachoo : «Il doit lui aussi prendre sa retraite comme son beau-frère Balraj Dunputh», a déclaré SAJ lors d’un point de presse, ce samedi 6 avril.
Monseigneur Maurice Piat : «Place à la solidarité»
Pour l’homme d’église, ce n’est pas le moment de chercher des coupables, mais plutôt de laisser la «place à la solidarité». Monseigneur Maurice Piat s’est exprimé sur le drame du 30 mars lors d’une cérémonie religieuse, le 3 avril : «Nous rendons hommage aux victimes des récentes inondations. Nous prions pour leur famille, pour ceux qui ont perdu leurs biens. Nous rendons grâce pour cet élan de solidarité qui unit les Mauriciens».
La colère de Fond-du-Sac
Ils ne se sont pas encore relevés des inondations du 13 février, disent-ils. Alors, les habitants de Fond-du-Sac qui ont souffert lors des pluies torrentielles de samedi dernier, ont décidé de faire entendre leur voix : «Nous pensons bloquer le chemin ou alors entamer une grève de la faim», confie l’un d’entre eux. La raison de leur colère : «Les victimes des dernières inondations ont reçu de l’aide de la part des autorités. Les ministres se sont déplacés pour leur rendre visite. Mais personne n’est venu nous voir. On n’a reçu aucune aide. Ce n’est pas normal.» Un cri du cœur qui sera, espèrent ses habitants, entendu par les autorités.