Que ce soit avec les garçons ou les filles,
l’ancien footballeur a été poli, drôle et profond.
L’ancienne gloire du football français, devenue écrivain et militant contre le racisme, a rencontré, vendredi dernier, un grand nombre de collégiens. On y était.
«Ah bon, il écrit aussi ?» William Sunassee a 15 ans. Et Lilian Thuram, il le connaît un peu. «C’est bien ce footballeur qui faisait partie de l’équipe de France quand elle a gagné la Coupe du monde, non ?» demande cet élève de Form V au collège Père Laval de Ste-Croix. Et de souligner, avec humour, que son frère se prénomme aussi Lilian.
C’était au Centre Swami Vivekananda, à Pailles, vendredi dernier. Lilian Thuram, auteur du livre Mes Étoiles Noires – qui évoque le racisme – et créateur de la Fondation Lilian Thuram – qui lutte également contre ce phénomène – y a rencontré des collégiens pour aborder ce sujet avec eux.
Mais dans l’auditoire, on connaît davantage Lilian Thuram, originaire de la Guadeloupe, le footballeur, que l’homme de lettres. «Je n’aime pas trop l’équipe de France», nous lance tout de go Kurt Agathe, 15 ans, étudiant en Form V. À côté, son ami Abdoolrahaman Djawood, 17 ans, lui en Lower VI, estime que c’est important «pour un auteur d’aller à la rencontre du plus grand nombre».
Mais il y a aussi des filles dans la salle ! On s’approche de plusieurs demoiselles de La Gaulette SSS. À la question de savoir si elles connaissent Lilian Thuram, l’une d’elles répond, avec le sourire : «Nous sommes venues rencontrer des auteurs et voir le salon en général, et on ne le connaît pas trop, si ce n’est qu’il a joué pour l’équipe de France.»
Pas le temps d’expliquer plus ; l’homme de la situation est dans la salle. Il prend le micro et commence à parler. Clairement, il n’a pas de temps à perdre. Le combat contre le racisme est un projet qui lui tient à cœur.
«Pourquoi les filles sont-elles à l’arrière ?» demande Lilian Thuram. Kurt, que nous avons rencontré plus tôt, rétorque : «Les filles ont l’habitude d’être à l’arrière.» Lilian Thuram sourit et lui dit de venir devant avec lui. Le jeune est tout rouge. Ils seront plusieurs à se placer aux côtés de l’auteur : Nathaniel, Raul, Angelica, Elsa… Tous des collégiens un peu timides.
«J’ai compris le racisme»
Lilian Thuram aime l’interaction, sait doser son humour (on a beaucoup ri avec les problèmes de micro dans la salle) et au final, il est beaucoup plus qu’un simple auteur qui parle de son livre. On retiendra plusieurs de ses citations : «Il est très important de questionner le conditionnement religieux.(…) Ce qu’il faut, c’est savoir aussi ce qui est juste (..)»
Il parlera aussi de son expérience personnelle du racisme : «Il est important de comprendre les choses, comme moi j’ai compris le racisme. À ce moment-là, on ne subit pas.» Il citera alors l’un des premiers passages de son livre : «La première fois qu’on entend parler des hommes noirs, c’est à l’école, en parlant de l’esclavage. Il faut que cela change.»
À travers sa rencontre avec les jeunes, Lilian Thuram comprend un peu mieux comment fonctionne notre société; ses multiples communautés ou encore le fait de déclarer son appartenance ethnique pour une participation aux élections… C’est un homme surpris qui se prêtera alors à un jeu avec les jeunes, essayant de réunir toutes les composantes de la société locale, et trouvant bizarre que deux garçons se ressemblent énormément alors qu’ils sont de communautés différentes.
Un homme témoignera de sa vie pluriethnique, lui étant de foi musulmane et son épouse catholique. Dans l’assistance, le frère Julien Lourdes va déclarer : «Nous sommes en fait enfermés dans une structure sociale.»
Et Lilian Thuram de conclure : «C’est extrêmement dangereux de se compartimenter dans un groupe. Après tous, vous êtes tous des Mauriciens, non ? J’ai écrit ce livre pour vous, les jeunes, car ce sera à vous de décider de la société dans laquelle vous voulez vivre.»
C’est sur ce clap de fin que de jeunes Mauriciens ont foncé sur l’ancien footballeur devenu militant. Ils repartiront, à coup sûr, avec une réflexion sur l’avenir de leur société…
Ils lisent quoi ces écrivains ?
Nous avons été très tenté de demander à plusieurs invités du Salon (ils sont 40 écrivains en tout, venant notamment de l’Inde, de la France, de la Chine, de la Grande-Bretagne, du Zimbabwe, de l’Afrique du Sud, du Congo, de La Réunion, de Madagascar et de l’île Maurice), ce qu’ils lisent en ce moment. Alors, on lit quoi quand on est auteur ?
Patrick Poivre d’Arvor (France) : «Ah, moi je connais beaucoup d’auteurs mauriciens que j’apprécie beaucoup, notamment Carl de Souza, Natacha Appanah et Ananda Devi, entre autres. Le livre que je lis en ce moment est justement le dernier ouvrage de cette dernière, Les jours vivants, mais je ne l’ai pas encore fini.»
Natacha Appanah (Maurice) : «Mon livre de chevet actuellement est Zazie dans le métro de Raymond Queneau, que je trouve pas mal du tout. J’ai aussi apprécié Made in Mauritius d’Amal Sewtohul, le Mauricien, d’ailleurs aussi auteur invité dans le cadre du Salon.»
Ananda Devi (Maurice) : «En ce moment, je lis Beloved de Toni Morrison, et je replonge dans les écrits de T.S. Eliot et une nouvelle traduction des œuvres de Tagore.»
Pr Chinmoy Guha (Inde) : «Je lis plusieurs livres en même temps en ce moment. Parmi eux, je relis des œuvres d’Umberto Eco et de Tagore, des écrivains que je trouve extrêmement riches.»
Le Premier ministre annonce…
… C’est ouvert ! On retiendra pas mal de choses lors de l’ouverture du Salon du livre, jeudi dernier, à Pailles, par le Premier ministre himself. Lors de son allocution, Navin Ramgoolam a notamment exprimé son désir de voir davantage d’auteurs mauriciens dans le cursus scolaire et a déclaré avoir demandé au ministre de l’Éducation Vasant Bunwaree de mettre sur pied une équipe de professionnels pour se pencher sur la question.
Navin Ramgoolam devait aussi ajouter : «La grandeur de l’écrivain est son humilité, ce qui le différencie du journaliste…»