Dire tout et son contraire… Les politiciens excellent dans cet art. Voyez ce que nous dit le Premier ministre lors du congrès marquant les 77 ans de son parti.
Le discours avait pourtant bien débuté avec des allures enchanteresses : l’hommage aux tribuns, les traces indélébiles du PTr dans la construction du pays, allant de l’éducation gratuite au droit de vote, l’importance des débats d’idées. Enfin, se disait-on. Des débats d’idées ! À quoi allait-on être invité à réfléchir ? À la réforme électorale dont la date butoir était prévue le 28 février dernier ? À la politique énergétique qui provoque des guerres de tranchées ? À une réflexion autour des 45 ans de l’indépendance d’autant qu’une réjouissante confluence nous attend à cette occasion ?
En guise de débat d’idées, le Premier ministre a tenu à nous faire savoir qu’il va réduire les Jugnauth, père et fils, en «pir ki bagas». Le ton de celui qui prône des débats d’idées ? «Vey to laké ki to vey pou mwa» (toujours à l’adresse de SAJ) quand il ne nous dit pas qu’il est en faveur de la politique «œil pour œil, dent pour dent». Bien évidemment, comme c’est de coutume à chaque sortie du Premier ministre, celui-ci n’a pas raté l’occasion de s’en prendre une nouvelle fois à la presse.
La démarche de Ramgoolam n’étonne pas. Il essaye de faire accroire qu’il y a une entente journalistes-opposition, ou mieux un complot contre lui en nourrissant quelques guerres avec la presse, comme pour mieux s’attirer ses foudres. Il gagne alors la sympathie de son électorat en se présentant comme une victime des médias avec la bénédiction de la MBC qui sait s’y faire dans la super production Ramgoolam seul contre bann la. Parallèlement, il personnalise le débat avec SAJ – qu’il redoute quoi qu’il en dise – sur qui il lancera, bientôt «bombe sur bombe» pour riposter aux autres « bombes » que SAJ avait promis de lâcher en premier. C’est dire que le leader rouge est déjà en campagne électorale pour 2015 et le congrès organisé façon spectacle, dimanche dernier, était un exercice de démonstration de force psychologique sur ses adversaires.
Et c’est donc dans cet esprit ‘seul contre tous’ que Ramgoolam, soit ce guerrier auto-proclamé, regarde son électorat traditionnel dans les yeux et tente de prévenir toute tentative d’ouverture avec le MSM (des fois que certains se sentent inspirés par la règle diamond cuts diamond). D’où ses mises en garde à ceux qui seraient tentés de le trahir. D’où l’instrumentalisation des associations socioculturelles, quitte à défendre, au nom d’une certaine liberté d’expression plus que douteuse, une incitation au communalisme.
En s’emprisonnant dans une logique de reconquête du pouvoir à tout prix, Ramgoolam ne répond pas positivement aux grands rendez-vous avec l’histoire. Faute d’audace politique, il recule devant les réformes progressistes préférant les œillères électoralistes. Sa laconique proposition de white paper n’est pas crédible. Cela ne fait pas sérieux d’attendre la veille de la date butoir de la réponse de Maurice aux Nations unies, pour annoncer des consultations nationales ainsi que des débats. Le Premier ministre avait six mois pour prendre la température à ce sujet. Il ne l’a pas fait. Aujourd’hui, il nous fait croire que le ‘white paper’ sera présenté avant la fin de l’année. Il suffirait d’un couac pour qu’on renvoie la circulation du fameux papier à 2014. Et évidemment, à une année des législatives – s’il ne dissout pas le Parlement entre-temps – on nous dira alors qu’on ne prend pas pareille décision à la veille d’un scrutin national.
Ainsi, Ramgoolam aura attendu la veille de la date de la réponse de Maurice pour découvrir qu’il faut des consultations nationales et que tout le monde pourra s’exprimer. Y compris les journalistes, ajoute-t-il, alors que ceux-ci ne font que ça depuis la victoire de Résistans ek Alternativ, en septembre dernier. Donc, soudainement les opinions des semi-intellectuels seront prises en compte. Quand on vous dit que les politiques nous disent tout et leur contraire…