Deux discours venant du PTr. Navin Ramgoolam durcit davantage le ton. Devant une grosse foule à Montagne-Blanche, vendredi, il a promis qu’il prendrait des «mesures radicales» dans les cent premiers jours pendant lesquels il serait au pouvoir au cas où son parti l’emporterait aux prochaines législatives.
Le leader de l’Opposition a tenu des propos à l’avenant hier au cours d’une conférence de presse au siège du PTr. Comme à Montagne-Blanche, il n’a pas, au square Guy Rozemont, donné de détails sur les changements profonds qu’il dit compter apporter à Maurice avec en toile de fond «la démocratisation de l’économie» et «la lutte de classes.» La flambée verbale de Navin Ramgoolam suppose qu’il ne souhaiterait pas contracter une alliance avec un grand parti car, dans un tel cas de figure, il faut toujours mettre de l’eau dans son vin.
Dans l’interview qu’il nous a accordée en page 8, Rama Sithanen - présenté par le leader du PTr comme le ministre des Finances d’un éventuel gouvernement dirigé pas les rouges – tient les propos suivants : «Gagner les élections à mon avis ne sera pas très difficile avec le mauvais bilan du gouvernement. C’est gérer le pays après qui sera peut-être plus compliqué dans la mesure où il risque d’être très divisé.»
Le discours de Navin Ramgoolam est révolutionnaire, mâtiné de ressentiment – «arrêté bœuf travaille et cheval manzé», répète-t-il –, celui de Rama Sithanen est empreint de prudence tant et si bien que l’ex-Grand argentier souhaiterait que se «créer un large consensus afin de faire face aux nombreux défis qui guettent notre pays.» Il adopte le ton d’un gestionnaire pragmatique. Qui dit «large consensus» dit forcément soutien au delà de l’alliance sociale en faveur d’un éventuel gouvernement dirigé par le PTr. Avec une telle posture, le MSM et le MMM cessent d’être des adversaires, ils deviennent de potentiels partenaires.
Bien sûr, Navin Ramgoolam, à moins d’une année des élections, a besoin de motiver, galvaniser, électriser son électorat. La radicalité de son discours fait merveille, à cet égard. Et s’il ‘means business’ après tout ? Si malgré le fait qu’il n’a pas encore dit comment il va apporter des «changements radicaux» dans le pays, il a envie vraiment de la faire sa révolution contre le «gros capital» une fois au pouvoir ? Il devrait alors s’attendre à une riposte violente de ceux qui se sentiraient lésés. Ils tenteraient de le déstabiliser surtout s’il n’était pas soutenu par une grosse majorité de la population.
Si jamais le PTr était élu aux prochaines élections générales, il le serait davantage par défaut que par adhésion. Les déçus du pouvoir pourraient très vite rejoindre ses adversaires. Les difficultés seraient alors de taille. Des difficultés que prévoit Rama Sithanen.
Le discours de Navin Ramgoolam a du souffle, fait rêver. Il dit qu’il n’est pas contre le secteur privé – donc pas contre le credo libéral et la création des richesses par le biais de l’initiative privée – mais contre le «gros capital.» Il devrait nous dire comment il va traduire dans la réalité sa vision et ce au travers d’un programme de gouvernement très élaboré. Un tel document tarde à venir. Il donnerait de la crédibilité à ce qu’il dit.
Si, à l’avenir, Navin Ramgoolam met une sourdine à ses diatribes, c’est qu’il aura été converti au «consensus large» préconisé par Rama Sithanen. Ce qui devrait créer des conditions pour éventuellement d’autres alliances électorales. Sinon, Rama Sithanen aura à composer avec Navin Ramgoolam.