Ses lunettes lui donnent un air d’intello, mais Rajen Dyalah est demeuré un homme simple, même si aujourd’hui il est à la tête d’entreprises florissantes
Il dit n’avoir aucun regret. Pourtant, au fond, on sent que c’est un homme profondément déçu. Sa désillusion repose sur ce qu’est advenu du parti pour lequel il a tant sué. « Je ne me retrouve plus dans ce MMM cuvée 2004 ». Constat de Rajen Dyalah, ex-député MMM de la circonscription No 1 (GRNO/P.Louis Ouest).
Il arbore toujours la moustache et la barbichette. Avec l’âge, elles ont pris une teinte grisonnante qui lui donne un air d’homme mûri. Rajen Dyalah, c’est la simplicité faite homme.
Dans sa demeure, dans le quartier chic de Balfour à Beau-Bassin, qu’il partage depuis douze ans avec Amrita, son épouse, c’est un désordre qu’on dirait ordonné. Dans chaque coin et recoin du salon, de la salle à manger et du couloir menant aux toilettes il y a des toiles, des cadres, des tubes de peinture, des pinceaux. C’est l’attirail de l’artiste Amrita.
Comment ce jeune habitant de St-François-Xavier à Port-Louis est-il tombé dans la marmite politique ?
Il a attrapé le virus de l’indépendantisme et a vibré pour le Parti travailliste de Chacha : « «Dès que j’ai quitté l’école, je me suis senti happé par la chose politique. Dans mon cœur d’adolescent, j’étais foncièrement pour l’affranchissement de notre peuple du colonialisme, une politique que prônait le bonhomme Ramgoolam ».
Il sera vite déçu à la lecture du discours du trône en 1968 où les idées qui lui sont chères sont mises aux oubliettes.
Le Club des Étudiants compensera vite cette désillusion. Les messages des Jooneed Jeerooburkhan, Dev Virahsawmy, Heeralall Bhugaloo et autre Paul Bérenger ne le laissent pas indifférent et il va «même assister à leurs débats tenus au City of London College à Quatre-Bornes chaque dimanche, comme si j’allais à la messe ».
Adulé et craint en même temps, Paul Bérenger a eu une emprise sur la destinée de Rajen le militant. Colleur d’affiches, vendeur « à la criée » du journal ‘Le Militant’, animateur de réunions, il était de toutes les manifestations, à tel point qu’il a fait la prison à cinq reprises.
Ses séjours derrière les barreaux lui forgent un caractère de battant, ce qui lui vaut de plein droit une investiture en 1976 dans une circonscription à forte concentration créole : le No 1, fief du PMSD. Il est élu aux côtés de Jérôme Boulle et de Jack Bizlall.
Un déçu du MMM
Homme de l’ombre, il n’a été ni ministre ni maire, mais simple député et conseiller municipal. Conscient du calcul ethno-castéiste dont le MMM est devenu le champion, il est satisfait « que le parti ne m’ait pas choisi pour mon appartenance ethnique, sinon cela m’aurait fait mal ».
Il sera député en 1976, 1982, 1983 et 1987, mais en 1991, le MMM lui troque son ticket contre un statut de membre au sein de la ‘Local Government Service Commission’. Alain Laridon est aligné au No1 aux côtés de Mathieu Laclé et de Jérôme Boulle. « Il fallait accommoder un trio créole, c’était la ligne du parti et je me suis plié comme un vrai militant », dit Rajen.
Depuis sa mise sur la touche, le courant ne passe plus entre Paul Bérenger et lui. «Je n’ai rien contre l’homme, mais j’avais grand espoir quand le MMM a eu un Premier ministre issu de ses rangs. Le MMM a mis seulement un an pour devenir impopulaire. C’est un gâchis », lâche avec dépit Rajen Dyalah.
Depuis quelques années, Rajen s’est mis à son propre compte ; il gère le restaurant ‘Kela Pata’ (feuille de banane) au Caudan. Amrita vient d’ouvrir une galerie d’art, son péché mignon. Entre deux voyages, Rajen trouve quand même le temps de s’arrêter « pou cose cosé » avec ses anciens mandants au No 1. Jeudi dernier par exemple, il s’est fait un devoir d’aller soutenir, à sa manière, les familles qui avaient tout perdu dans un incendie à Cassis.
C’est ainsi qu’il fait de la politique, sans être réellement actif sur le terrain. D’ailleurs, il avoue avoir fait une croix sur la politique politicienne.
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Colleur d’affiches devenu député
Pétri dans une région à forte concentration musulmane, Rajen Dyalah a vu le jour un matin du 29 avril 1947 à St-François, Plaine Verte. Après l’étape primaire à l’école Sacré-Cœur de Jésus, il fréquente, comme beaucoup d’autres alors, les collèges Bhujoharry et Trinity jusqu’à la Form V.
Syndicaliste de formation, il est bien vite atteint du virus de la politique. Colleur d’affiches, vendeur du journal Militant, animateur de réunions et manifestant militant, Rajen Dyalah se fait connaître surtout grâce à son ardeur au combat et parce qu’il est un homme de proximité. Après des années en politique, il vit de sa pension d’ex-député et s’occupe de son business avec sa complice, sa charmante femme Amrita.