Paul Bérenger fait dans l’autosatisfaction. Encore une fois. C’est, pour le pays, l’heure de tous les dangers venus de l’extérieur, a dit hier le Premier ministre lors de la conférence de presse qu’il a donnée conjointement avec le vice-Premier ministre.
Il s’est empressé d’ajouter qu’il était «impressionné par le travail du gouvernement».
Si nous sommes en état d’urgence économique, la faute, a réitéré Paul Bérenger, n’est pas au gouvernement mais aux facteurs externes sur lesquels, dit-il, nous n’avons pas beaucoup de prise. Il laisse entendre que le gouvernement fait tout pour tenter de conjurer les malheurs qui nous guettent au travers, par exemple, du «travail de lobbying magistralement fait» par le vice-Premier ministre et le ministre de l’Agriculture pour que la restructuration du régime sucre européen soit entreprise dans de meilleures conditions pour nous.
À en croire le Premier ministre, les indicateurs repassent au vert. Il dit constater un retour de confiance au sein du secteur privé, les investissements privés étant «extrêmement encourageants». Idem, fait-il ressortir, pour les investissements étrangers directs. Le tourisme prend, selon lui, un nouveau départ avec un «nouveau mood» et un «nouveau team work». Il a mis l’accent sur le nombre d’emplois créés sans indiquer le différentiel entre celui-ci et le nombre d’emplois perdus. Il a fait aussi l’éloge de la cybercité.
«Impressionné par le travail du gouvernement». «Le travail de lobbying magistralement fait». «Extrêmement encourageants». Les hyperboles de Paul Bérenger ne peuvent, toutefois, masquer les cris de colère de la population qui a de plus en plus le sentiment que son pouvoir d’achat dégringole.
Il y a manifestement un décalage entre ce que dit le Premier ministre – qui veut chasser le pessimisme – et ce que ressent la population. Le sentiment de bien-être n’est plus là entre autres parce que le spectre de la taxe, notamment de la TVA, et celui du chômage nous hantent.
Le Premier ministre a peut-être plusieurs défauts mais il n’est pas un idiot. Il sait que le mood dans le pays n’est pas bon. C’est pourquoi il a insisté pour que tous ses ministres soient présents à sa conférence de presse hier, y compris son adjoint et leader du MSM, pour annoncer deux mesures impopulaires. L’augmentation du prix du riz ration et celui du ticket d’autobus. Il a voulu ostensiblement ‘mouiller’ tout le monde, les lier à cette décision du gouvernement. Concernant le riz ration, le Premier ministre a souligné qu’on en gaspille «pas mal» parce que cette denrée est subventionnée. Le gouvernement n’absorbera que partiellement, au travers des subsides, l’augmentation du prix de celle-ci sur le marché mondial; le prix du riz passant de Rs 2.50 à Rs 3.50 au lieu de Rs 4.50 le demi-kilo. Toutefois, le montant de la ‘food aid’ destinée aux plus démunis – autrement dit 48 200 personnes - sera augmenté.
Rama Sithanen, alors ministre des Finances, de 1991à 1995, sous le gouvernement de Jugnauth père, avait voulu mettre en œuvre plus ou moins un tel ciblage non seulement pour le riz mais aussi pour la farine. Il l’annonça au cours d’une conférence de presse à laquelle assista Paul Bérenger alors un des dirigeants du pays. Après qu’il se fut fait botter hors du gouvernement en août 1993, Paul Bérenger fit tout pour torpiller cette mesure du gouvernement. Le MMM mena une campagne de dénigrement contre sir Anerood Jugnauth en affirmant que celui-ci avait dit que le riz ration était un riz pour des chiens alors qu’il avait dit que des personnes fortunées utilisaient ce riz subventionné pour donner à leurs chiens; c’est pourquoi, avait-il dit, il fallait adopter une politique de ciblage. Cette vile campagne contribua à la perte de sir Anerood Jugnauth.
Aujourd’hui, Paul Bérenger subventionne partiellement l’augmentation du prix du riz en évoquant le «gaspillage» de cette denrée.
Le Premier ministre devrait-il s’étonner si l’Opposition réagissait violemment contre
l’augmentation du prix du riz ration et montait la population contre lui ? En lui donnant un ticket, d’autobus ou pas, pour l’enfer électoral. Après tout ‘batté rendé pas faire mal’.