Avec l’affaire Deelchand, les Mauriciens, désormais, se méfient de la profession notariale. La commission d’enquête sur la vente à la barre écorne, quant à elle, l’image de la profession d’avoué. Bien sûr dans les deux cas, c’est à une Cour de justice de statuer sur la culpabilité ou pas de ceux montrés du doigt. Mais d’ores et déjà, le doute et la méfiance s’installent face à une sphère d’activités où évoluent des hommes de loi qui devraient, en principe, aider à traduire dans la réalité le concept de justice et d’équité.
L’on se confie à un notaire comme on se confierait à un médecin : avec confiance. Un notaire, c’est comme une tombe. Il ne parle pas dans le sens qu’il a un devoir de garder le silence sur ses dossiers. Bien qu’il soit dépositaire de secrets, il n’est pas censé les divulguer à tout venant. On a aussi confiance en lui parce que sa signature symbolise, en principe, l’authenticité, la conformité à la loi. C’est pourquoi il est respecté. L’affaire Deelchand est venue esquinter cette image-là.
Les avoués sont, entre autres, les bras droits des avocats. Ce sont eux qui préparent les dossiers que ceux-ci vont défendre en Cour. Ils sont un des piliers de notre système de justice. Ils défilent maintenant devant la commission d’enquête présidée par sir Victor Glover.
L’idée que notre système de justice est corruptible fait son chemin. C’est mauvais parce que c’est une institution qui sous-tend notre État de droit. Ne pas avoir confiance en elle peut, à la longue, inciter la population à se révolter. Harish Boodhoo en rêve. Dans l’express samedi en date du 18 septembre, il fait la déclaration suivante : « Que la population se réveille de son sommeil profond. Qu’elle descende dans la rue. Vous savez les gens sont découragés aussi. Qui voter ? Tir sousous mette kalbas ? Il nous faut un réveil. La commission d’enquête peut servir à tirer la sonnette d’alarme. Parce qu’il ne faut pas se leurrer. Tout ce que nous entendons n’est que le tip of the iceberg. Nous vivons en pleine pourriture. Notre pays a été attaqué par la gangrène. Et notre peuple est endormi. C’est notre devoir de le réveiller. L’île Maurice entière devra descendre dans la rue. Il faut une désobéissance civile pour paralyser ce pays et faire comprendre à ceux qui ne veulent pas comprendre que nous en avons assez ».
La classe politique est dévalorisée. L’on sait que la corruption a gagné ce secteur aussi. Le secteur privé est touché par ce fléau. Il y a l’affaire MCB, par exemple. La fonction publique n’est pas immaculée.
Il semble que la corruption à Maurice est systémique. Elle semble avoir attaqué tout le corps social.
À qui faire confiance ?
Poser cette question, c’est déjà reconnaître que la situation est grave. Il y a va de notre cohésion sociale. Si les Mauriciens ne font plus confiance en leurs institutions, il y a risque de désintégration de notre société. Ils pourraient commencer à être attentifs à toutes sortes de sirènes. Ce serait l’anomie. Situation propice à la propagation des cultures éloignées à nos croyances. Déjà, certains comportements jurent avec notre système de valeurs.
Dire que tous sont pourris n’est pas la solution. Il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain. En d’autres termes, en voulant nettoyer la « pourriture », il ne faut pas porter atteinte à nos institutions qui, bien sûr, doivent évoluer avec le temps. Ce qu’il faut faire, c’est séparer le bon grain de l’ivraie. Être impitoyable avec les corrompus.
Les Mauriciens devraient suivre attentivement les travaux de la commission sur la vente à la barre et aussi l’affaire Deelchand.
L’indifférence est le pire de nos ennemis.