C’est le début de la fin de l’État providence, estime Sadasivan Reddi, Associate Professor à l’Université de Maurice. Toucher à la pension de vieillesse en est une preuve, dit-il.
Q : La pension de vieillesse ne sera plus universelle et cela ne manque pas de faire grincer des dents. Quelle est l’opinion de l’universitaire que vous êtes ?
R : Je suis contre le ciblage de la pension. Je suis un partisan du principe de l’État providence et je suis contre le fait de faire de la discrimination. On fait beaucoup de tort aux vieilles personnes qui contribuent au développement du pays. Savez-vous - sans la présence de ces vieux à la maison - combien de couples seraient obligés de louer les services de vigiles ? Ils jouent aussi les baby-sitters. La mesure du gouvernement visera, a dit le ministre Lauthan, 3% de nos pensionnés qui touchent une pension mensuelle de plus de Rs 20 000 par mois.
Q : À suivre votre raisonnement, ceux touchant plus de Rs 20 000 par mois devraient également bénéficier d’une pension de vieillesse ?
R : Absolument. Il ne faut pas faire de la discrimination envers cette catégorie de citoyens. Qu’est-ce que 3% de nos 125 000 pensionnés vont rapporter à l’État ? Selon le ministre de tutelle, Rs 5 millions par mois, même pas le coût d’une voiture d’un ministre.
Q : Le gouvernement pourrait avec ces économies donner plus aux pensionnés défavorisés...
R : Le gouvernement peut récupérer, à travers l’Income Tax, cet argent, quitte à trouver un barème pour cette catégorie de citoyens. Mais la pension doit être universelle et non discriminatoire.
Q : Est-ce, selon vous, le début de la fin de l’État providence ?
R : S’attaquer à la pension de vieillesse, c’est ouvrir une brèche dans l’État providence et tout doucement, ce sera le début de la fin du ‘Welfare State’. Après la pension, le gouvernement pourrait s’attaquer à l’éducation supérieure gratuite, ensuite à la santé.
Q : Les fonctionnaires accueillent mal l’institution de la Mauritius Revenue Authority (MRA). Pourquoi tant de réticences ?
R : Je suis pour le principe de la mise en place d’une Revenue Authority. Mais, on ne peut demander à des fonctionnaires de postuler pour un emploi quand ils ont déjà été évalués par la Public Service Commission (PSC). Il ne faut pas oublier que la sélection est toujours discriminatoire. Le mécontentement des fonctionnaires est justifié.
Q : Vous parlez le même langage que l’Opposition.
R : S’il y a convergence dans l’analyse entre l’Opposition et moi, je n’y peux rien. Je pense, comme l’Opposition d’ailleurs, que la situation économique se dégrade. Dans cette optique, la classe moyenne et la classe laborieuse se rallient toujours et cette configuration donne des 60-0. On l’a vu durant plusieurs élections générales. L’actuelle Opposition a toute la crédibilité et les gens compétents pour se positionner comme une vraie alternance.
Q : Les dirigeants des Verts Fraternels réclament une compensation aux descendants d’esclaves. Pensez-vous qu’ils crient dans le désert ?
R : La question est de savoir où recevoir l’argent et qui va payer. Je ne pense pas que l’État post-colonial va accepter de prendre cette responsabilité, car Maurice n’est plus un État colonial. Sur quelle base le gouvernement devrait-il payer ? Cette histoire est complexe. On ne peut jamais dire que des actions sont futiles. Les Verts Fraternels ont raison de mener leur lutte et si les membres de ce parti pensent que Sylvio Michel doit rester au gouvernement pour faire avancer leur cause, pourquoi pas ? La décision de payer une compensation aux descendants d’esclaves est éminemment politique. Mais l’État post-colonial peut légitimement refuser de payer pour quelque chose fait par l’État colonial. Il en va de même pour les coolies qui peuvent invoquer qu’il y a eu tromperie dans leur contrat quand ils s’étaient engagés. L’État colonial aurait pu promettre à ces travailleurs engagés beaucoup de choses qu’en fait ils n’ont jamais eues. Il y a peut-être eu ‘misrepresentation’.