Elle a le pardon facile. Jetée comme une vieille chaussette par Navin Ramgoolam à la veille de la joute électorale de septembre 2000, Indira Sidaya veut gommer ce triste épisode. Elle songe même à rentrer au bercail, malgré l’affront.
L’humiliation est terrible. Alors que les amazones rouges défilent à l’hôtel Le Labourdonnais pour la présentation de l’équipe PTr/PMXD, il manque quelqu’un à l’appel. Comme toute l’île Maurice, ce soir-là, Indira Sidaya apprend à la télé qu’elle n’est pas candidate. Entourée des siens, elle éclate en sanglots.
Les quelques mèches rebelles grisonnantes d’une chevelure abondante trahissent la cinquantaine à peine entamée de l’ex-ministre de la Femme. Ses fameuses fossettes enjolivent un visage serein. L’incontournable sari drape un léger embonpoint. Malgré ses déboires, Indira donne l’air d’être dans son assiette depuis qu’elle gère, de l’Angleterre où elle s’est installée, le restaurant ‘Vibah’ aux spécialités indiennes à Quatre-Bornes.
Elle n’a pas, pour autant, renoncé à son péché mignon. La politique, « je l’ai dans le sang». Indira, c’est connu, fait partie de l’écurie rouge depuis sa tendre enfance, bercée par un travaillisme qu’avait jadis épousé son père syndicaliste. «Je suis un pur produit de la culture travailliste», lâche-t-elle, armée de son éternel sourire qui fait tilt.
En transit dans son île avec son mari Shiva, elle est là pour «tâter le pouls politique» avant de s’envoler reprendre ses activités de psychologue à Londres.
Féministe déclarée, l’enfant de Surinam se dit convaincue d’avoir « fait du bon boulot » au ministère qu’elle a occupé entre 1995 et 2000. Sa « bonne » prestation est, toutefois, entachée par sa poigne de fer à la Margaret Thatcher. L’ex-ministre de la Femme en est consciente. Mais se défend, forcément.
S’il y a eu une valse de transferts de cadres et de nominés politiques sous son règne, c’est que « je suis contre la médiocrité, la paresse chronique et ceux qui sont partisans du moindre effort. » Franche et grande gueule. Point à la ligne.
Se disant bosseuse « comme Bérenger, que je respecte », Indira s’est souvent fait aider, en tant que ministre de la Femme, par son époux. « C’est normal, puisque Shiva a été un bonus pour moi et ses services étaient gratuits », estime-t-elle. Même si elle est consciente que le Shiva en question a pu « déranger », sans le vouloir, certains fonctionnaires par sa présence physique au très officiel bureau de Mme la ministre.
Le germe de la politique la taraude, on le sent dans ses propos. L’ex-ministre veut encore servir. Et l’orgueil blessé dans tout ça ? Indira relativise. « J’ai vécu des moments terribles. Ena dimoune ki mo fine aidé, couma trouve moi lor simin, sote simin. Avec du recul, j’ai réalisé que tout le monde fait des erreurs », dit-elle, évasive, comme pour se convaincre elle-même.
Madame se dit rouge vif côté coeur et ne se voit pas ailleurs que sur une plate-forme avec « Navin.» D’ailleurs, Indira dit compter les jours pour effectuer son grand come-back. Des contacts ont déjà été pris à cet effet. Un retour qui ne manquera pas de faire des jalouses. L’ex-ministre le sait. Mais elle n’en a cure.
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From Surinam to Government House
Enfant du petit village de Surinam, Indira Thacoor voit le jour il y a un demi-siècle et des poussières. Fille de Goorooduth et de Savitree, Indira vit heureuse en compagnie de ses sœurs Nirala, Sushila et Shakila et de son frère Satish avant de les quitter pour des études en Inde après son HSC au QEC. Qu’apprend-elle ? La psychologie, matière méconnue à l’époque. «Je me souviens qu’en 1976, le seul psychologue connu était le Dr Freddy Sakir », dit-elle. C’était fin 1976, moment de fin de règne difficile pour le PTr au pouvoir : «Je pressentais la débâcle des Travaillistes». Psychologue attachée au ministère de l’Éducation pour introduire la psychologie en milieu scolaire, elle s’amourache de Shiva Sidaya et le prend pour époux le 8 avril 1979. Deux enfants sont le fruit de cet amour : Amrish, qui étudie la comptabilité à Montpellier, et Vibha, le droit à Paris.
« Complémentaire » de son Shiva, Indira le soutient dans son cheminement politique, surtout après le premier 60-0 de l’histoire où son conjoint mord la poussière dans la circonscription No 4. La traversée du désert est pénible, mais elle reste pour le vice-président du PTr qu’est alors son mari.
Quand en 1991, l’ami de la famille, Navin Ramgoolam, lui demande d’être candidate, elle refuse. Mais accepte la proposition en 1995 où, en deux semaines de campagne dans la même circonscription où Shiva avait mordu la poussière treize ans plus tôt, elle sort en tête de liste. Devient ministre. Mais pas de ticket électoral en ce fameux septembre 2000.