État d’urgence. C’est le terme utilisé par le Premier ministre pour qualifier la situation économique. Samedi dernier, lors de la rencontre gouvernement-secteur privé, Paul Bérenger devait s’écrier que la situation économique « a empiré d’une façon dramatique. » À partir de là que fait-on?
L’on sait que la zone franche, notamment le secteur textile-habillement, licencie, par vagues maintenant, parce qu’elle n’est plus assez compétitive sur le marché international. La situation se détériorera davantage avec le démantèlement de l’Accord Multifibre en janvier 2005.
Le sucre est sous pression avec des menaces de baisse de prix. L’arrivée des touristes a connu une baisse de un pour cent l’année dernière. Tout cela n’est pas très reluisant.
Le gouvernement aurait dû agir sur deux fronts : 1. sécuriser la population de façon à exorciser ses peurs par une bonne dose de psychologie et 2. démontrer que nos dirigeants se focalisent sur le redressement économique.
Qui dit licenciement dit souffrance. Ce n’est jamais agréable de perdre son emploi. Une personne privée de son gagne-pain découvre soudain qu’elle ne peut plus honorer ses obligations financières, que ses fins de mois sont difficiles; bref, qu’elle vit dans la précarité. Mais que croyez-vous que le gouvernement dise à cette personne ? Eh bien ! qu’il n’y a pas de véritables chômeurs à Maurice.
« Mathématiquement, il n’y a pas de chômeurs, entendez par là de véritables chômeurs. Quiconque est à la recherche d’un emploi immédiat peut en trouver. Il n’a qu’à se faire enregistrer auprès du Bureau de l’emploi. Mais il ne faut pas que les Mauriciens fassent les difficiles. Il y a suffisamment de postes à remplir pour tous les chômeurs de Maurice », a déclaré Showkutally Soodhun, ministre du Travail et des Relations industrielles dans l’Express dimanche en date du 8 août dernier.
C’est un discours aussi simpliste que provocateur. Simpliste parce que Showkutally Soodhun ne peut raisonnablement penser qu’un diplômé doit accepter un poste de ‘cleaner’ pour qu’il ne soit pas au chômage. Provocateur parce que quand quelqu’un est à terre, on ne lui donne pas, comme pour faire bonne mesure, un coup de pied.
Sur le plan de la communication, le gouvernement, face aux licenciements, a, donc, échoué.
L’on sait que le Premier ministre aime bien présider d’innombrables comités. Il y eut le fameux ‘comité corbeaux’. Maintenant, il a mis sur pied un comité pour la célébration du Divali dont, bien sûr, il est le président. Pas besoin d’être orfèvre en bérengerologie pour savoir qu’il veut faire de la politique politicienne avec tout, alors qu’il y a péril en la demeure sur le plan économique. Il n’aurait pas dû se disperser de la sorte.
Quand l’économie va, tout va. Bien sûr, la population est consciente que des facteurs extérieurs, hors de notre contrôle, sont en train de plomber notre économie, mais elle sait aussi que nous devons mobiliser le peu de moyens que nous avons pour faire face à l’adversité.
Le Premier ministre a, de nouveau, parlé de « l’état d’urgence économique dans lequel se trouve le pays » lors d’une conférence de presse hier. Il faudrait, donc, qu’il stimule la population pour tenter de redresser la situation. Le discours de son gouvernement doit être mobilisateur et non démotivant. Par conséquent, les Showkutally Soodhun doivent, politiquement, être mis hors d’état de nuire.
Hier, Paul Bérenger a dit que, selon lui, l’état d’urgence dans lequel se trouve le pays «exige de nous que nous réformions partout.» Personne n’en disconviendra.
À quelques mois des élections générales, cela sonne, toutefois, comme un vœu pieux.