Bodnathsing Pandohee, la victime
Ils ont gagné une bataille mais pas la guerre. La charge de ‘murder’ qui pesait sur les frères Armance, Patrick et Miguel, pour le crime de Bodnathsing Pandohee à Queen Victoria en 2002, a été réduite à celle de ‘manslaughter’ au tribunal de Flacq mardi dernier. La Cour a trouvé, à la fin de l’enquête préliminaire, qu’il n’y avait pas eu préméditation. L’affaire a toutefois été déférée aux assises.
Trois autres accusés, à savoir Frédérik Armance, Poospanah Aneea alias Ganyon et Krishnamootoo Cudiah alias Rajen, ont été blanchis par la Cour alors qu’une charge de ‘murder’ pesait également sur eux. Ils avaient été libérés sous caution au mois d’août de l’année dernière.
La dernière séance de l’enquête préliminaire s’est terminée avec le contre-interrogatoire de Deepak Budai, le beau-frère de la victime. Il était en compagnie de la victime le jour du drame, soit le 1er mai 2002.
Les hommes de loi des présumés meurtriers : Mes Samad Goolamaully, Dick Kwan Tat et Pramila Patten ont contre-interrogé le témoin principal sur les circonstances entourant le décès de Bodnathsing Pandohee, appelé affectueusement ‘Atoun’.
La victime était employée au département des Pêcheries et avait été mortellement agressée à coups de couteau.
En Cour, Deepak Budai a raconté qu’«alors que Patrick accompagné de ses frères, Miguel et Frédérik, et de son oncle Ganyon passaient sur la route, ils ont lancé des injures à notre égard et ils ont dit qu’ils allaient en finir avec nous».
Deepak a ajouté qu’Atoun lui avait alors demandé de l’accompagner pour leur faire entendre raison : «Au fur et à mesure que nous avancions vers eux, ils ont hâté le pas et, arrivés à la hauteur de ‘Kalimaye Road’, ils sont entrés dans la maison de leur oncle Rajen».C’est alors, a-t-il dit, qu’ils (Atoun et Deepak) avaient décidé de rebrousser chemin.
Menaces avec un sabre
Toujours d’après Deepak, Patrick Armance est sorti avec «mo croire deux couto dans so la main». Patrick, dit-il, a alors donné un des deux couteaux à son frère Miguel. Ce dernier aurait alors tenté de lui taillader le visage mais a échoué dans sa tentative mais l’a quand même touché à l’avant- bras droit. «Mone pousse li. Li fine alle pré ek mo beau-frère ek Patrick. Patrick fine alors pick mo beau-frère lor l’estomac avec couto. Lerla même mo truv Miguel aussi pické avec couto», a soutenu Deepak.
Voyant ce qui se passait, «mone rente la dan pu défane. Mo fine coupe coupé partout », a-t-il poursuivi en précisant : «Mo beau-frère ti tombé, Frédérik ine tape li à coute tiyo galvanisé. Ganyon ti pé tape li à coute ene dibois noir et Rajen à coute pié». C’est alors qu’il a imploré ses agresseurs de l’épargner afin qu’il pût porter secours à son beau-frère. Toujours selon son récit, Ganyon lui aurait lancé une pierre avant de prendre la fuite en compagnie des autres agresseurs.
À l’avocate représentant la poursuite, Deepak a expliqué que toute cette malheureuse histoire a fait suite à un incident qui s’était produit le 11 février 2000. Ce jour-là, se rappelle encore Deepak, il avait eu des problèmes avec un membre du Conseil du village lors d’une réunion qui avait débuté à 19h.
Ce membre en question, ajoute-t-il, avait alors quitté la réunion. Et aux alentours de 22h30, la réunion terminée, le membre était revenu dans sa voiture en compagnie de deux personnes, dont Patrick Armance.
Après une discussion, avance Deepak, Patrick l’a agressé à l’arme blanche. Deepak a eu une sérieuse entaille au cou qu’il a montrée à la Cour. Lorsque l’avocat de la poursuite a interrogé Deepak sur une éventuelle provocation venant de sa part à l’égard des principaux accusés et sur l’éventualité qu’il aurait fait des menaces avec un sabre chez Rajen, il devait répondre par la négative : «tou sa la fausse».
Après le déjeuner, Deepak a été contre-interrogé par Me Samad Goolamaully. L’avocat voulait avoir des détails sur l’arrestation de Deepak et le procès qui est en Cour actuellement concernant le groupe d’individus - dont fait partie le témoin- qui ont mis le feu aux maisons de Patrick, de Miguel, de Frédérik et de Ganyon.
Aux questions de l’homme de loi, Deepak devait répondre qu’il ne savait même pas que la police l’avait arrêté pour ‘arson’. L’avocat a aussi interrogé le témoin sur la consommation d’alcool de ce dernier et de la victime : «Si mo dire ou ki rapport FSL dire ki ou beau-frère ti ena 61 milligrammes l’alcool par millilitre dan son disang ou bisin ena pareil». Deepak devait répondre «non mo pas coné».
Ayant pris connaissance de la réponse de Deepak, Me Goolamaully devait expliquer au témoin que «ou ti sou sa jour-là ek ou beau-frère et lézot dimoune ki ti cot ou. Ler Patrick ine passé ek so deux zenfans, ou fine menace zot et sé après sa ki ou ek ou beau-frère fine suiv zot avec sabre ek baton. Zot fine attack bane la. Sé à travers légitime défense ki ou beau-frère fine mort». Deepak a alors déclaré que «non, nu pa ti sou».
«Zot ti pu touille mwa»
Me Dick Kwan Tat, qui avait repris le contre-interrogatoire, a suggéré à Deepak que c’était l’occasion pour lui de se venger et que c’était pour cette raison que les accusés, qui avaient peur, s’étaient sauvés.
Me Pramila Patten a, pour sa part, demandé au témoin pourquoi il n’avait pas téléphoné à la police lorsque les accusés l’avaient injurié et proféré des menaces de mort à son égard.
L’avocate a aussi déclaré que «ou pé coz menti. Ou kine vine ek sabre, alle menace Rajen cot li. Li ti malad et ti pé dormi. Ou ti dire ou pu fini fami la zordi. Sé so fam et so tifi kine sépare li. Zot ti rasse sabre are ou». Deepak a alors déclaré que «pa ti ena narnié ek mwa».
Le contre-interrogatoire terminé, le magistrat Denis Mootoo a alors demandé aux accusés s’ils avaient des choses à dire à la Cour. Patrick a précisé que «mo innocent dans sa case la». Son frère Miguel a, pour sa part, déclaré que «mo fine défane mwa zot ti pu touille mwa». Frédérik Armance a expliqué, lui aussi qu’il est innocent dans cette affaire. Les deux autres accusés ont aussi déclaré qu’ils sont innocents.
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Le ‘ruling’
Dans son ‘ruling’, le magistrat Denis Mootoo a déclaré que la charge de ‘murder’ sera réduite à celle de ‘manslaughter’ contre Patrick et Miguel, la Cour n’ayant pas obtenu de preuves que le crime avait été prémédité.
Ces derniers seront, dit-il, jugés, par la Cour d’assises. C’est cette même instance, ajoute-t-il, qui va décider si la liberté sera accordée aux deux accusés. Le magistrat a aussi déclaré que la charge qui pesait contre trois autres accusés a été rayée.
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Liberté conditionnelle aux deux frères ?
Contacté au téléphone jeudi dernier, Me Goolamaully, un des avocats des accusés, nous a déclaré que selon lui, les accusés seraient probablement
relâchés la semaine prochaine. Des démarches ont été faites à ce sujet.
Les affaires aux assisses reprennent en septembre prochain.