C’est toujours mauvais signe quand le pouvoir politique s’attaque aux médias. La liberté de la presse, parlée et écrite, est une des caractéristiques de la démocratie. Tenter de la restreindre, c’est porter atteinte à celle-ci qui favorise, entre autres, le pluralisme au niveau des idées et qui nous éloigne de la loi de la jungle.
Le Premier ministre va bientôt présider un comité spécial pour, selon un communiqué du Conseil des ministres, « examiner les questions ayant trait aux sanctions (concernant les) abus par les détenteurs des licences de radio » . Au fait, ce sont les radios privées, dont la liberté de ton l’a toujours exaspéré, que Paul Bérenger cible. Le Premier ministre n’aime pas qu’on lui apporte la contradiction. Il aurait aimé avoir des stations de radio à ses ordres, à sa botte. Comme ce n’est pas le cas, il n’a jamais fait mystère de son intention de rendre, par exemple, plus sévère la loi sur la diffamation afin de leur casser les reins. D’autres mesures restrictives pourraient être prises afin de juguler l’espièglerie de ces radios.
Bien qu’il s’enorgueillisse d’avoir permis la libéralisation des ondes à Maurice, le Premier ministre a toujours regardé cette créature de l’alliance MSM-MMM avec suspicion – parce que hors de son contrôle - au point de vouloir la tuer. Aujourd’hui, il s’appuie sur les quelques ‘dérapages’ des radios privées pour passer à l’action. Pourtant un régulateur existe. Il s’appelle l’Independent Broadcasting Authority (IBA). Paul Bérenger est un homme qui s’en prend assez régulièrement aux journalistes, aux éditorialistes. Et même aux caricaturistes. C’est dire ! S’il existait ‘Les Guignols de l’info’ version locale, il aurait décrété l’état d’urgence. C’est pourquoi sa démarche ne doit pas étonner.
Bien sûr, la liberté sur les ondes sans la responsabilité est dangereuse. Mais il ne faudrait pas qu’on brandisse l’étendard de la responsabilité pour servir de l’eau tiède dans un conformisme anesthésiant où prospère le politiquement correct. Ou bien pour masquer notre lâcheté et notre veulerie face aux puissants du jour.
Les radios privées devraient pouvoir s’astreindre à une certaine forme d’autorégulation. C’est la meilleure parade face aux tentatives totalitaires. Là aussi, il s’agit de trouver le juste équilibre. Ne pas pousser le curseur trop haut, ne pas le pousser trop bas aussi.
Au fait, ce qui se passe actuellement, c’est une tentative du pouvoir de mettre une sourdine à l’exubérance des radios privées à quelques mois des élections générales. La MBC/TV a toujours été le porte-voix du gouvernement du jour. On n’a qu’à voir le nombre de ministres qui défilent sur le petit écran aux infos du soir pour s’en rendre compte. Les radios privées sont venues contrarier cette propagande abjecte. Le Premier ministre tente actuellement une reprise en main du paysage audiovisuel.
Reste à savoir comment l’Opposition parlementaire va réagir. Hier, au cours de sa conférence de presse, le leader de l’Opposition n’y a fait aucune allusion. Peut-être par réflexe corporatiste. Après tout Navin Ramgoolam, dans le
passé, incarnait lui aussi le pouvoir politique. Et la MBC sous lui n’a jamais été aussi servile.
La population devrait être vigilante. Il faudrait qu’elle surveille comme le lait sur le feu le Premier ministre qui donne des signes de vouloir restreindre l’espace démocratique.
Il est temps que la société civile se fasse entendre. Sinon il risque d’être trop tard.
Il n’y a pas de liberté sans la liberté de la presse.