Le nouveau président de la Mauritius Export Processing Zone Authority (MEPZA) est catégorique : la zone franche n’est pas l’industrie sucrière. Pour Edley Chimon, le VRS (Voluntary Retirement Scheme) n’est pas applicable à nos usines de textile.
Q : C’est l’hécatombe dans le secteur du textile où les usines ferment en série. Alors que Floréal Knitwear, par exemple, se restructure et licencie 920 employés. Qu’est-ce qui a amené à cette situation de crise ?
R : La situation est très difficile. Avec le prochain démantèlement de l’Accord Multifibre, la zone franche va passer par une période difficile. Le secteur pull ou de la bonneterie est frappé de plein fouet et ne peut éviter de licencier en série car le coût de notre main-d’oeuvre est cher, par rapport à la Chine et l’Inde. Je sais que Tara Group aussi va se restructurer, ce qui l’obligera à mettre à la rue environ 300 employés. Quoi qu’il arrive, la zone franche, qui emploie 77 000 personnes, doit pouvoir conserver 60 000 emplois. Il faut savoir que ce secteur a injecté l’année dernière Rs 32 milliards dans notre économie. Si la zone franche est appelée à disparaître, comme certains le pensent, ce sera catastrophique pour notre pays.
Q : êtes-vous d’avis que la zone franche est condamnée à disparaître ?
R : La zone franche ne va pas disparaître. Il y a des entreprises qui ont entamé une restructuration, d’autres ont investi dans de nouvelles technologies et la formation de leur personnel. C’est une vague qui passe, comme cela a été dans le passé, mais la zone franche tiendra bon encore.
Q : Les patrons d’usines mettent sur le dos du démantèlement de l’Accord Multifibre et de la compétition extérieure les misères de notre zone franche. Cette parade n’est-elle pas par trop commode ?
R : Savez-vous le nombre d’usines qui, avec les dangers qui nous guettent, ont commencé à restructurer pour s’améliorer ? Les patrons ont prévu ces événements et ont évité le pire pour la zone franche, mais la situation demeure quand même difficile. Quant aux entrepreneurs hongkongais, on ne pourra pas les empêcher de partir parce qu’au lieu d’importer de la main-d’oeuvre étrangère qui coûte $ 450 par mois (salaires, logement, billet d’avion et permis de travail), ils iront vers cette même main-d’œuvre qui leur coûtera $ 150 par mois pour 60 heures de travail par semaine.
Q : Pourquoi licencie-t-on des Mauriciens, alors que les entreprises emploient des travailleurs étrangers ?
R : Les travailleurs étrangers représentent un gros coût, mais ils travaillent beaucoup. Ils sont venus pour bosser et pour se faire de l’argent. Loin d’être des paresseux, les travailleurs mauriciens ont une vie sociale. La grande différence entre ces deux catégories de travailleurs est que les étrangers sont polyvalents alors que malheureusement les travailleurs mauriciens ne le sont pas. La polyvalence est importante pour la zone franche. Il faut que les travailleurs mauriciens deviennent polyvalents pour sauver la zone franche et leurs emplois.
Q : Des syndicalistes ont proposé que les patrons d’usines introduisent le VRS au moment des licenciements.
R : Les entreprises qui licencient prônent la restructuration pour conserver l’emploi des autres. Le VRS n’est pas applicable à la zone franche, car il met en péril l’entreprise qui a besoin de conserver les meilleurs parmi ses employés.
Q : Au vu des nombreuses fermetures d’usines, il semble que la TEST n’ait pas été la bouée de sauvetage lancée par le gouvernement à ce secteur.
R : La Textile Emergency Support Team (TEST) n’est pas un fiasco, car une cinquantaine d’entreprises en ont profité. Je pense que la TEST n’est pas un remède miracle. Si on a mis de l’argent au service des entreprises, cela ne veut nullement dire que toutes les entreprises en difficulté vont en bénéficier. Sans un plan de sauvetage viable et sans une situation solvable, venant d’elles, la TEST ne peut les aider.
Q : La proposition de former les licenciés de la zone franche en leur permettant de se recycler dans un autre secteur est bien accueillie. Peut-on former en deux semaines une employée qui a été machiniste durant 25 ans pour la faire devenir, mettons, une pâtissière ?
R : Il y a deux types de formation. Celui que les entreprises, à travers l’IVTB et la Mauritius Export Processing Zone Authority (MEPZA), offrent à leur personnel selon leurs besoins propres et leurs spécificités. Alors que celui qu’offre le gouvernement vise essentiellement les licenciés. Je reconnais que la période est courte et la MEPZA a déjà soulevé la question avec les autorités.
Q : Les critiques sont souvent très acerbes envers le secteur privé. Est-ce avec raison?
R : C’est mal connaître les entrepreneurs mauriciens que de penser qu’ils attendent tout du gouvernement. Ils sont des bosseurs et des fonceurs. Ce que fait l’entrepreneur mauricien en termes d’investissements, de recherche de nouveaux marchés, de formation de son personnel ne vient pas du gouvernement. Par contre, le gouvernement doit jouer son rôle de facilitateur. Par exemple, au niveau du secteur textile, on trouve exhorbitants les coûts du fret, de l’eau, de l’électricité et des eaux usées. La MEPZA est en train de faire une étude comparative avec les pays concurrents sur le coût de ces services.
Q : Pourquoi les Mauriciens boudent-ils la zone franche, surnommée zone souffrance?
R : C’est un fait que les Mauriciens n’aiment pas trop la zone franche, surtout les jeunes. L’une des raisons est l’insécurité de l’emploi dans ce secteur. Mais, la zone franche a apporté une discipline de travail à Maurice et a fait évoluer beaucoup de familles économiquement. La zone franche du 21ème siècle n’est plus celle des années 70. C’est pour cela que la MEPZA organise une foire durant le dernier week-end du mois d’août au Domaine Les Pailles. L’idée est de récompenser ces nombreux travailleurs qui ont passé plus de 30 ans au sein de ce secteur et de leur rendre hommage pour tout ce qu’ils ont fait pour le pays. On veut aussi faire reconnaître l’importance de la zone franche dans notre économie au public en général. On attend 150 000 visiteurs.