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Quand la mer nourrit difficilement son homme

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La marée est basse. ‘Gal’ en main, Suresh dirige le bateau vers le large alors que Jean-Noel l’aide dans cette manoeuvre

5h30. L’odeur de la mer agresse les narines. Le soleil a encore peur de se montrer et se cache toujours derrière de gros nuages gris. Il y jette cependant un faisceau lumineux qui offre un spectacle extraordinaire aux yeux. Le ciel est quelque peu brumeux. Et le souffle du vent fait frissonner.

Deven, Jean-Noël et Suresh arrivent au débarcadère de Rémy Ollier à Mahébourg. Ils se préparent à sortir en mer. La pêche est leur gagne-pain quotidien. Mais ce n’est pas évident. Biscuits, pains et cigarettes sont rangés dans une boîte en plastique. Le moteur est monté sur Turbo, la pirogue de Deven. Mais l’homme ne prend pas la mer.

La marée est basse, il faut tirer Turbo de sa prison de sable qu’est devenu cet endroit du lagon en l’absence d’une passe adéquate : «Dépi plis qui 30 ans nu pé la guerre pu gagne ene la passe à Rémy Ollier», déclare Deven. Au loin, les vagues déferlent sur les récifs.

Dans cette localité, le mauvais temps est fréquent. Outre la période cyclonique et la saison morte, la mer, dans le Sud est toujours plus houleuse que dans d’autres régions du pays.

S’ajoute à cela maintenant la pollution du lagon causée par les usines textiles et sucrières. La vie d’un pêcheur du Sud n’est pas aussi facile qu’on puisse l’imaginer. Mais Deven et ses deux compagnons arrivent quand même à survivre.

«sans honte»

Pendant la saison morte et pendant les quelques mois d’hiver, Deven abandonne son bateau et «c’est sans honte», dit-il, qu’il se convertit en fabricant de casiers, car la mer, en cette période-là, n’est plus source de revenus pour lui. Ni pour ses amis pêcheurs non plus. Si, comme il le dit, «je ne sors en mer que trois fois dans une semaine» étant donné les mauvaises conditions climatiques qui prévalent, «c’est une nécessité pour moi de fabriquer moi-même mes casiers.»

Cependant, Deven ajoute qu’il faut avoir les moyens nécessaires pour le faire. Selon Indiren, frère cadet de Deven, lui aussi pêcheur de profession, «pu ranz ene casier poisson, bisin acheté difil de fer et féraille. Ene liv difil coûte nu

Rs 10 alors ki ene barre féraille coûte Rs 72. Ene casier poisson coûte nu Rs 200 pu ranzé.»

Deven explique pour sa part que «pu la pêche et gagne poisson couma bisin, plis ki 50 casiers bisin. Sé ki plis grave la dan sé ki ene casier pa dure plis ki deux mois en mer.»

La mer est relativement calme. Une bonne journée s’annonce pour Deven et son équipage. Peu de temps avant, Deven faisait état de son amertume. Il expliquait que les pêcheurs demeurent sceptiques quant à l’avenir de la pêche à Maurice.

Avec le coût de l’essence qui ne cesse d’augmenter, le poisson qui se fait de plus en plus rare, la pollution du lagon, le mauvais temps et d’autres problèmes auxquels les pêcheurs font face quand ils ne travaillent pas, le logement à payer pour certains, entre autres, la plupart disent éprouver bien des difficultés à arrondir leurs fins de mois.

«J’utilise sept à huit gallons d’essence, qui me coûtent environ Rs 900, lors de mes sorties. Je fais le trajet de Mahébourg à Souillac. Je dois rémunérer Jean-Noël et Suresh. J’achète les appâts pour les casiers à Grand-Gaube car il n’y en a pas à Mahébourg», soutient Deven.

Pour la première fois dans l’histoire de la pêche à Maurice, une étude socio-économique et environnementale est actuellement menée conjointement par l’Apostolat de la Mer et le Centre de documentation, de recherche et de formation indianocéanique (CEDREFI) sur la communauté des pêcheurs artisanaux dans plusieurs régions du pays.

Pollution

Ces deux organisations ont mis au point une stratégie pour la mise en oeuvre d’une étude. Cette étude, en deux étapes, va bénéficier du soutien financier du Comité catholique contre la faim et pour le développement (CCFD).

La première étape consiste à regrouper les résultats obtenus par les deux partenaires au niveau de chaque région. Six régions ont été identifiées à savoir le Nord, le Nord-Nord Est, le Sud, le Sud-Sud Est, le Sud-Ouest et le Nord-Ouest.

À en croire Jean Vacher, directeur de l’Apostolat de la Mer, chacune de ces régions a des problèmes spécifiques.

À titre d’exemple, dit-il, les pêcheurs de Bain des Dames n’ont pas les mêmes problèmes que ceux de Vieux Grand-Port ou encore ceux de Poudre d’Or. «Il est vrai que ces régions sont affectées par la pollution du lagon mais le type de pollution auquel font face ces localités est différent et spécifique à chaque région», soutient Jean Vacher

Interrogé sur la région de Mahébourg et sur l’étude qui est en cours, Deven confirme les dires de Jean Vacher : «La mer est très polluée. Il n’y a presque plus d’algues pour les appâts. Il est temps de revoir la situation des pêcheurs. Cette étude tombe à pic».

Dans le cadre de la première étape de l’étude, une visite de deux jours sera organisée à Rodrigues afin de prendre en compte les problèmes auxquels est confrontés la communauté de pêcheurs à Rodrigues. Cette visite pourrait avoir lieu au mois d’août.

La deuxième étape consiste à organiser un atelier de travail résidentiel au mois de novembre avec la participation de cinq délégués par région et celle des représentants de certaines organisations partenaires et des personnes de ressources.

Cet atelier s’appuiera sur la méthodologie de planification des projets par objectif afin d’élaborer une stratégie et un plan d’action pour traiter les problèmes des pêcheurs.

Dans le cadre de cet atelier, le CEDREFI recherche la collaboration d’une personne de la Fondation Friedrich Ebert sur la planification des projets par objectif. Cette personne sera appelée à apporter un appui méthodologique à l’équipe du CEDREFI durant l’atelier de travail.

«Le plan d’action sera un outil de travail très important», déclare Jean Vacher. Il ajoute que «le plan d’action va servir de tremplin» car il précise que dans le passé, «les conclusions des enquêtes relatives aux problèmes des pêcheurs ou sur les accidents en mer ne servaient à rien car les rapports finals restaient dans des tiroirs.»

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Les poissons se font rares

Si le mauvais temps est chose courante dans le Sud, un autre facteur vient décourager les pêcheurs à sortir en mer ; les poissons se font de plus en plus rares. S’ajoute à cela, la note salée du carburant.

«Bisin brile beaucoup l’essence pu kapav gagne poissons couma bisin. La aussi fodré casier rempli car ena jour la mer bon pa gagne poisson ditou», nous dit Deven qui dépense environ Rs 3000 par semaine pour le carburant et l’huile. Les jours de vaches grasses, il peut avoir une prise de 25 kg de poissons et il les vend entre

Rs 30 et Rs 60 la livre.

Arrive-t-il à joindre les deux bouts et rentre-t-il dans ses frais ? Deven, explique que tout dépend du temps et de la mer : «Si la mer et le temps bon et ki poisson plein, li normal nu fer impé profit mais si sé le contraire, nu perdi kas parfois».

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Les pêcheurs de Lataniers à Les Salines

Il y a eu une solution aux problèmes des pêcheurs du débarcadère Lataniers qui est désormais fermé dans le port. Ils ont été transférés à Les Salines. De plus, ils ont obtenu une compensation de Rs 200 000 chacun.

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Loga, l’épouse de Deven : «Mo gagne traka kan la mer movais»

La vie d’une femme de pêcheur est très difficile, dit-elle, car la mer réserve des surprises. Tout en étant très souriante lorsqu’elle parle de la mer, Loga Armoogum, l’épouse de Deven, explique que «mo gagne traka kan la mer movais.» Elle ajoute que «mo pa fer louvraz kan la mer pa bon et sorti à tou ler pu get la mer. » Loga, 43 ans, a connu Deven alors qu’elle n’avait que 17 ans. Ce dernier, qui était déjà pêcheur à cette époque est aujourd’hui âgé de 48 ans. Une fille, Sirumy, 21 ans, et un fils, Azagen, 25 ans, tous deux mariés, sont nés de cette union. Loga précise qu’elle vit de la pêche de son époux : «Mon mari pêche. Moi je vends les poissons»

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