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Les enfants des Chagossiens veulent accéder à leur «paradis perdu»

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Priscilla (à l’extrême droite, assise) et Harry son frère (debout, premier à gauche) entourés de leur famille. Ils participent activement à la lutte pour la reconquête de Diego

Nostalgie et crise identitaires. Ils sont natifs de Maurice, ont la nationalité mauricienne mais crient haut et fort qu’ils sont «Chagossiens». Bien qu’ils n’aient jamais connu les îles d’où viennent leurs parents, Sabrina, 31 ans, Harry, 31 ans, Collin, 34 ans, et Priscilla, 25 ans, tous des enfants de Chagossiens, ne parlent que d’aller dans leur «paradis perdu».

Ils n’ont pas besoin de parler pour qu’on décèle en eux un sentiment de mal-être. Depuis leur naissance ils baignent dans la culture chagossienne. Sabrina et ses amis sont des jeunes qui sont engagés dans la lutte pour que l’archipel des Chagos soit restitué aux Chagossiens et à leurs descendants. Ces jeunes se présentent comme la relève.

Peros Banhos, Diego Garcia ou encore l’île Salomon, ils ne les connaissent pas mais leurs yeux brillent lorsqu’ils parlent de ces terres.

Les histoires racontées par leurs parents les ont à la fois fait rêver et se révolter. Ils sont actifs au sein des mouvements qui luttent pour la reconquête des Chagos, l’archipel «volé».

«C’est un crime», nous crie Sabrina, jeune mère de trois enfants, mariée à un Mauricien. Elle est la secrétaire du mouvement ‘Grup Zanfan Zilois’, une organisation qui regroupe les enfants de Chagossiens.

«Nous, les jeunes, nous sommes la relève et voulons faire comprendre que nous n’allons pas baisser les bras», dit Sabrina.

Presque quarante ans, après l’exil forcé de leurs îles, les Chagossiens luttent encore. « Tout ne s’est pas arrêté avec l’obtention du passeport britannique. Ce n’est qu’une première victoire et les Anglais nous devaient cela. C’était notre droit », poursuit Sabrina.

Un havre de paix, puis le cauchemar

Le récit de Serge, 66 ans, natif de Peros Banhos, à sa fille Sabrina, pour lui conter son île natale, commence toujours sur une bonne note: «Un havre de paix, des eaux qui foisonnent en poissons, des fruits et légumes en abondance, une vie en harmonie avec la nature et une entente parfaite entre les habitants». Puis, le récit de Serge prend une tout autre tournure : «C’est le cauchemar».

1966 : une année noire pour les Chagossiens. Délocalisation et déportation. Ils sont privés du jour au lendemain de leur train-train quotidien. Des familles sont décimées et les Chagossiens ont du mal à faire face à leur nouvelle vie.

Ces «îlois», laissés à eux-mêmes dans des bidonvilles de Port-Louis, vécurent des moments difficiles, loin de leurs racines dans «un pays qui ne voulait pas d’eux».

Pour certains, c’est alors une descente aux enfers. Ils sombrent dans la drogue ou encore la prostitution face à une pauvreté qui leur tombe dessus.

«C’est terrible ce qui est arrivé, et ce, malgré nos aînés. On ne leur avait pas demandé ce qu’ils pensaient. On ne leur avait pas donné ce qu’on leur avait promis», dit Priscilla, jeune veuve et mère de deux enfants. Elle est une habitante de Baie-du-Tombeau.

Dans le regard de ces jeunes qui, eux, n’ont pas vécu l’humiliation de leurs aînés, on peut lire quand même tout le drame des Chagossiens . «Même si je n’ai pas vécu directement la déportation des Chagossiens et l’humiliation qu’ils ont subie une fois arrivés à Maurice, j’ai le sentiment d’avoir vécu tout cela. Être Chagossiens, ce sont des regards qui se détournent dès qu’on affirme ses origines», nous dit Sabrina.

«Depuis très jeune je participe aux manifestations»

«Rann nu later, rann nu pays». Des slogans qu’ils connaissent très bien. Manifestations et défilés pour faire entendre leurs voix, ils les font depuis leur enfance.

Bien qu’ils soient de la deuxième génération, ils estiment qu’ils sont eux aussi leurs droits de réclamer la compensation «qui leur est due depuis longtemps».

«Depuis très jeune je participe aux manifestations pour que Diego nous soit restitué à travers des mouvements chagossiens qui veulent faire bouger les choses», nous dit Harry, un autre enfant de Chagossiens. C’est le frère de Priscilla. Il est marié et père de deux enfants, Emmanuel, 5 ans et Tessa, 8 ans, il habite à Baie-du-Tombeau. Il travaille pour le compte de la compagnie de pêche Talbot. Collin, éleveur, un autre enfant de Chagossiens, est du même avis que son ami.

Un retour au pays ? «Je n’hésiterai pas. Du moment qu’il y a les infrastructures adéquates sur l’île, je plierai bagage pour rejoindre la terre de mes ancêtres », souligne Sabrina : « son paradis ».

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Les Chagos de 1965 à nos jours…

En 1965, la Grande-Bretagne décide d’exciser l’archipel des Chagos du territoire mauricien. En échange de l’indépendance de Maurice. Les habitants de cet archipel sont alors déportés vers l’île Maurice. La Grande-Bretagne loue ensuite l’archipel à bail aux États-Unis qui y installent une base militaire.

En novembre 2000, la Haute Cour de Londres déclare illégale la déportation des Chagossiens et leur donne le droit de retour dans leur archipel mais ce retour n’a pas été concrétisé parce qu’il manquait d’infrastructures sur les îles.

En avril 2002, les Chagossiens obtiennent le passeport britannique. Ce changement de statut n’a pas manqué de soulever une polémique puisqu’en acceptant ce passeport, les Chagossiens reconnaissent ainsi leur appartenance au Royaume-Uni, ce qui pourrait ruiner les chances de l’île Maurice de retrouver la souveraineté des Chagos.

Une autre lutte des Chagossiens, c’est celle pour les compensations aux natifs de l’archipel mais cette demande aussi leur a été refusée en octobre 2003 étant donné que les Chagossiens ont pris trop de temps pour aller en Cour. À Londres, ils estiment que les Chagossiens auraient dû faire leur demande en 1990. Depuis 1965, la lutte continue. Les Chagossiens aspirent à regagner leur terre natale. Le 10 juin dernier, la Grande-Bretagne, par le biais des ‘Orders in Council’, a interdit aux Chagossiens tout accès à leur île, renversant ainsi le jugement de la Haute Cour de Londres en 2000. Le gouvernement mauricien pense entamer des actions légales en ayant recours à la Cour de La Haye pour recouvrer sa souveraineté, ce qui pousserait alors l’île Maurice à se retirer du Commonwealth.

La Grande-Bretagne tente alors d’empêcher Maurice d’aller devant la Cour Internationale de Justice à travers un amendement à la juridiction de cette Cour visant à interdire à tout membre ou à tout ancien membre du Commonwealth de poursuivre le gouvernement britannique.

Maurice soutient qu’il peut quand même le faire mais à titre consultatif, en passant par l’Assemblée générale des Nations Unies tout en restant membre du Commonwealth.

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