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Cinéma : des projectionnistes racontent

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Son Sunthoo, l’un des plus vieux routiers du métier

Nous avons tous un jour entendu le petit bruit qui se fait entendre avant que l’image ne défile sur le grand écran. Mais blottis dans notre fauteuil, nous oublions le bruit et les gens qui travaillent afin que nous puissions voir les films. Ces gens sont des projectionnistes.

Nous avons rencontré quelques-uns d’entre eux. Ils ont pour noms : Son, Harish, Roheed et Dilsad. Et dans leur petite salle, au milieu de laquelle trône l’énorme projecteur - l’usine à rêves - ils nous font découvrir un monde où il fait bon vivre.

Son Sunthoo, 62 ans, du cinéma Novelty, plus connu comme ‘Missié Son’, découvre le métier très jeune. Dès l’âge de 12 ans, l’homme, coquet, sérieux, s’initie à la manipulation de la bobine. Son amour pour le travail grandit :  «Jamais mone dormi pendant projection, ou bizin éna l’amour apprane sa métier là pou capav fer travay la tou sa lé tan la. A koz samem bane jeunes pa lé vini, zot nek content diverti. »

Roheed Gokhul, du cinéma BDC, 47 ans, et qui est dans le métier depuis 36 années, semble, lui aussi, d’accord avec Son : « Bane zeness là pas interessé. Tou bane viyé mem ki pé travay. »

Un jeune : «To gagne get film cado»

Pourtant, une petite tournée dans les salles de l’ABC à Curepipe permet de rencontrer Dilsad Dauhoo âgé de…23 ans. Quatre petites années se sont écoulées depuis que ce jeune a fait tourner sa première bobine. Que dit-il sur la jeunesse et les projectionnistes ?

« Tou dimoune capav fer sa métier là, mem bane tifi. Li pa difficile. En plus, éna bokou facilités, to gagne get film cado ! » nous confie le jeune homme tout mince avec le sourire.

« Ti éna ene mari l’ambiance pou film ‘Titanic’, premier fois mo ti gagne autant travay pou fer ! » nous lance-t-il cependant. Ça y est, il l’a eue sa première histoire à raconter à ses amis. Et les autres alors ?

Des histoires, ils en ont pas mal. Harish Daby, la cinquantaine, le visage tout rond et enthousiaste, en a justement une bonne : « Lontan bobine film ti pé voyagé par l’auto. Ene seul bobine pou tou bane la salle. Alor film ti pé pran létan pou vini. Ene fois, l’auto tine fer accident, tou bobine ine fane lor la rue, l’auto ine vire en ba lao ar so film tout. Dans la salle, dimoune ti pé kryé fort fort, finalement film ine vine ek 1 heure retard !»

Son, lui, rit quand il pense aux histoires croustillantes de son passé. « Bane couples lontan ti fer bokou tapaz dans la salle. Tou koute bizin alle get zot pu dire zot reste tranquille», dit-il. Le petit monsieur se rappelle aussi une histoire drôle sur le cinéma Novelty (de Curepipe).

Films X

« Ene lépok,bien bien lontan, la salle ti pou fermé, noune dire nu zoué ene film érotique pendant enn mois pu gagne dimoune, finalement en sa enn mois la, noune gagne plis dimoune ki pendant un an ! Mais après noune manqué gagne problem ar la police, donc noune préféré arrête zoué film là »

Son Sunthoo rit, le souvenir est tenace.

Roheed Gokhul a, lui aussi, connu l’époque des films érotiques : « Depuis l’âge 15 ans, mone apprane sa travay là. Mais lontant, pa ti laisse ou rentre dans la salle kan ti pé zoué films X.Ti juste pou dimoune 18 ans et plus. Alors, mo ti cassiette dans la salle projection pu get film la ! Mais sa lépok là, bane films là pas ti éna narien ladan, zis ene embrassé alors supposé film la X ! »

Que se passera-t-il quand ces projectionnistes s’en iront ? Qui se souciera de donner du plaisir au spectateur qui, inconscient, ne se doute pas que des personnes s’affairent dans une salle sombre pour faire jouer un film ?

Les jeunes devraient, à l’image de Dilsad, s’intéresser davantage à ce métier qui est toujours d’actualité et qui est en plus devenu plus facile avec la technologie moderne. Les vétérans du métier, Son,Harish et Roheed, disent tous la même chose :

« Lontan projecteurs ti pé marsse ar charbon, bobines ti pé vine en plusieurs parties de 15 minutes saken, aster la ou nek pèse ene bouton ou capav choisir ou qualité son, aster la tout digital, mem qualité pellicule ine changé, lontan li ti fragile, en écaille, aster la li en nylon, ek li pa brilé ek la lumière banne nouvo projecteurs. »

Le mot de la fin est-il donc que les machines sont là mais que c’est le personnel qui va bientôt manquer ? L’avenir semble donc un peu sombre pour le métier. Cependant, ceux qui s’intéressent au cinéma devraient trouver que ce métier apporte une énorme contribution à cet univers dont on ne peut se passer.

L’usine à rêves s’éteint, et nous disons un dernier ‘au revoir’ à ces hommes qui vivent leur travail comme une passion mais pour un salaire dérisoire. Pas étonnant, côté sous, que les jeunes fuient ce métier pourtant honorable.

Par Stephane Chinnapen

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