Ras Tilang a fait dans du ‘short but sweet’ car il n’a eu l’occasion d’enregistrer que deux albums
Le drapeau coloré des rastas est à nouveau en berne. Ras Tilang, de son vrai nom Jean Webb Brigitte, a fait un sale coup. Il s’est permis de quitter les siens et ses fans sans crier gare, sans les informer, alors que depuis quelque temps, il savait à quel point ces derniers sont obsédés par sa musique et sa voix qui ressemble quelque peu à celle de Kaya, le roi du seggae, décédé en cellule policière en février 1999, ce qui provoqua des émeutes dans le pays.
Depuis dimanche dernier, Marie-Josée, la concubine de Ras Tilang, est inconsolable. Cette dernière, qui est femme au foyer et âgée de 37 ans, est désormais seule avec ses deux filles : Émilie, six ans, et Virginie, quatre ans. Ras Tilang et Marie-Josée vivaient en concubinage depuis huit ans.
Tilang est aussi père de Christelle, 14 ans, issue d’un premier concubinage. À cette époque, Tilang vivait chez sa grand-mère à Batterie-Cassée où il a grandi car ses parents s’étaient séparés alors qu’il était encore enfant.
Marie-Josée raconte que «ce sont les policiers du poste de police de Terre Rouge qui sont venus m’annoncer le décès de Tilang».
Cette habitante de Bois Marchand est très abattue. L’expression qui se lit sur son visage en dit long sur ce qu’elle vit actuellement. En de phrases hachées et d’une voix saccadée, elle explique que la vie sans son Tilang va être très difficile : «Tilang ti tou pu mwa même si li pas ti ena travail fixe et ti pé bisin travail maçon, anflé camion, vane savatte ou chapo couleur rasta pu li gagne son lavi».
Présentes aux côtes de leur mère, Émilie et Virginie ne semblent guère se soucier de la souffrance de celle-ci. À chaque fois que le nom de leur père est prononcé, elles sourient, croyant sans doute que ce dernier va revenir dans un proche avenir.
Aujourd’hui, Marie-Josée ne sait plus à quel saint se vouer : «Mo pa travail, pa coné ki pu fer». Elle compte sur les ‘royalties’ (Ndlr : l’argent récolté à partir des droits d’auteur de Jean Webb Brigitte).
Au niveau de la ‘Mauritius Society of Authors’ (MaSA), on active les procédures pour que le ou les ayants droits de Tilang ait ou aient leurs ‘royalties’. La concubine de Tilang doit à ce sujet jurer un affidavit pour que ses deux filles puissent toucher les ‘royalties’.
Ras Tilang, 29 ans, est décédé dimanche dernier à l’hôpital Nehru à Rose-Belle. Ses funérailles ont eu lieu dans un grand élan de solidarité avec sa famille lundi dernier à Mahébourg.
Ras Tilang avait été admis le vendredi 9 juillet dernier après avoir eu de fortes poussées de fièvre à la prison de Beau-Bassin où il était détenu depuis le 7 juin dernier pour une affaire d’amende non payée.
Selon le rapport médical, il est décédé de cause naturelle. Il souffrait d’une septicémie.
Il a joué avec Kaya et Berger
La disparition de Tilang, aussi prématurée que subite, a provoqué des larmes. Non ! L’héritier de Kaya et de Berger s’en est allé lui aussi. Ce n’est pas possible qu’il soit parti de cette manière…
Qui, désormais, va nous chanter «citoyen lévé pep citoyen» sans broncher au concert annuel ‘Reggae Sunplash’, comme il en avait l’habitude, ou encore lors des autres manifestations et rassemblements artistiques sur le plan national ?
C’est d’ailleurs au concert ‘Reggae Sunplash’ en 2002 que le grand public a vraiment découvert Tilang.
Bruno Raya, membre du groupe ‘Ottentik Street Brothers’ (OSB) et organisateur du concert, s’en souvient : «Li ti ene artiste serié. Plusieurs fois nu fine travail ensam. Li ti ena kalité. Malheureusement la vie continié car nu enkor ena pu allé».
Avec Tilang disparaît ainsi un autre pan de la génération des seggaemen après Kaya, Berger Agathe, Gérard Bacorillal et Ras Carosin, tous décédés tragiquement.
Tilang avait pris le relais car les disciples de Kaya, de Berger Agathe ou encore de Ras Carosin n’avaient plus de berger depuis le décès de ces derniers. Il avait conquis plus d’un avec sa musique.
Tilang s’était, lui aussi, inspiré de la réalité mauricienne pour chanter comme l’avait fait Kaya. De plus, Tilang chérissait le même style de musique que Kaya. Le seggae lui allait si bien. Lui aussi adorait Bob Marley, le roi du reggae. Il chante d’ailleurs du Marley sur son deuxième album ‘L’edikasyon’sorti en 2003. Il reprend parfaitement ‘Concrete jungle’.
La musique et les chansons de Tilang s’écoutent aujourd’hui comme on écoute des textes bibliques. Une légende est née et le nouveau héros du jour s’appelle Ras Tilang, le seggaemen.
Tout le monde rend désormais hommage à ce prophète de la paix, l’avocat des opprimés et l’homme qui se battait avec une seule arme à sa disposition : sa musique.
«Ena ene grand vide. Li ti ena potentiel. Sé ene élément irremplaçable. Nu ti sipozé faire ene album ensam ki ti pu appel ‘Grand Combat’. Malheureusement mo fine bloké à l’étranger. So l’absence pu dir», soutient Mario Justin, leader du groupe Zot Sa qui a travaillé avec Tilang.
Pour Triton autre artiste qui a aussi travaillé avec Tilang, «li ti bien simple, li ti content so bane camarade et ti content partazé kan li ena. Li ti positif dans so bane pensé. Sé ene grande perte».
Ses chansons : ‘La vie zeness’ et ‘Mama’, qui figurent sur son premier album ‘Evolution’ sorti en 2001, témoignent de son côté rebelle. Mais il se montre aussi très réaliste avec, entre autres, sa chanson ‘L’edikasyon’ à travers laquelle il n’hésite pas à évoquer son analphabétisme : «Zamais mo pa fine assiz lor ene banc lekol pu mo aprane».
Jeunes et moins jeunes adorent cette musique qui est un parfait mélange de reggae de Bob Marley et de séga mauricien.
D’autres chanteurs vont reprendre le flambeau mais l’œuvre de Tilang, tout comme celles de Kaya ou encore de Berger Agathe que Tilang - a côtoyés à tour de rôle - restera unique en son genre de par la richesse sans égale des paroles de ses chansons.
Tilang avait fait la connaissance de Kaya et de Berger Agathe à la fin des années 80, époque où la musique connaissait une certaine révolution. Il est séduit par leur musique. Le seggae venait de naître. Il fut devenu par la suite bassiste dans le groupe Ovajaho, dirigé par Berger.
L’homme n’est plus, mais sa musique demeure.
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Le répertoire de Ras Tilang
L’album évolution en 2001
Citoyen, La vie zeness, Mama, Assez assez, Bord la rivière, Respekte, Jah kreation, Evolution
L’édikasyon en 2003
L’édikasyon, La pauvreté, Esclav maron, Concrete jungle, Fam des zils, Zenfan desert, Kaya Berger, To coné, Zenfan les futurs