«Certes, ma vie a changé, mais je fais en sorte de continuer à être moi-même», dit-elle.
À 26 ans, cette hôtesse de l’air est victime d’un accident en plein vol et se retrouve clouée au lit, blessée à la colonne vertébrale. Aujourd’hui, à 47 ans, elle s’est engagée dans une véritable bataille pour les droits des personnes qui ont des problèmes de santé…
Pas de lamentations ni de larmes. Elle a choisi de sourire à la vie. Pourtant, confrontée en permanence à la souffrance de son corps meurtri, elle aurait pu jeter les armes. Lorsque nous la rencontrons, mercredi après-midi, au siège de l’Air Mauritius Cabin Crew Association, à Vacoas, où elle occupe le poste de secrétaire, Nalini Ramasamy, 47 ans, est débordante d’énergie. Et malgré son handicap et ses difficultés à se déplacer, elle affiche une mine rayonnante.
«Avant mon accident, on m’appelait Duracell, parce que j’étais toujours à courir à droite et à gauche. Aujourd’hui, je cours toujours, mais à un rythme moins effréné», nous dit celle qui ne montre aucun signe de faiblesse en montant les escaliers qui mènent à son bureau. Car, malgré sa réalité, Nalini ne veut pas être considérée comme «diminuée» ou «différente» : «Certes, ma vie a changé, mais je fais en sorte de continuer à être moi-même : une passionnée, une battante, mais surtout une fonceuse comme je l’ai toujours été.»
Il y a exactement 21 ans, Nalini Ramasamy était une jeune femme qui vivait à cent à l’heure. Toujours entre deux aéroports, rien ne résistait à cette hôtesse de l’air qui ne se faisait pas prier pour répandre sa bonne humeur autour d’elle. Jusqu’au jour – en juillet 1992 – où son destin a basculé. À bord d’un vol qui se dirige vers Francfort, en Allemagne, l’avion dans lequel elle est de service, fait face à des turbulences. Et après plusieurs secousses, l’irréparable se produit : Nalini est blessée à la colonne vertébrale : «J’ai eu un choc et j’ai eu très peur. Je me suis imaginé plusieurs choses car j’ai une sœur qui est handicapée depuis sa naissance et j’ai pensé au pire.» Et, comme elle le craignait, le terrible verdict tombe et le médecin, en Allemagne, lui annonce qu’elle ne remarchera pas : «Ce jour-là, je n’ai pas pleuré. Je n’ai même pas réfléchi et je ne me suis même pas posé de questions. J’ai simplement regardé le médecin et je lui ai dit : je remarcherai.»
C’est alors que commence sa nouvelle vie. Après des traitements divers et des interventions chirurgicales assez lourdes, Nalini est de retour à Maurice après neuf mois : «Et debout. Je suis rentrée debout. Effectivement, ma colonne vertébrale était fracturée. On a dû y fixer des vis et on m’a greffé des os provenant de mes côtes. C’est grâce à tout cela, grâce à l’expertise et au professionnalisme des médecins en Allemagne, que je peux, aujourd’hui, me tenir debout et arriver à me déplacer tant bien que mal.»
Et aujourd’hui, Nalini qui continue son traitement à Francfort, à raison d’une visite par an, revendique le fait d’être autonome : «J’essaye du moins de l’être et tente de tout faire par moi-même.» Car, depuis son accident, elle voit la vie différemment et s’est engagée dans une lutte sans merci pour la reconnaissance des droits des handicapés.
Mais pour arriver à remonter la pente, il lui a fallu faire un grand travail sur elle-même pour accepter sa réalité et surtout faire en sorte de surmonter tous les obstacles sur son chemin de reconstruction : «Pour exister socialement, nous devons toujours être à la conquête ou à la reconquête de l’estime de soi et des autres. Nous devons sans cesse nous surpasser, prouver aux autres que, malgré nos désavantages, nous pouvons être nous- mêmes. Afin de pouvoir vivre pleinement avec les limites que nous imposent nos blessures corporelles. Il faut pouvoir faire la paix avec nous-mêmes.»
Ma différence, une force
Mais Nalini na cache pas que les moments de doute et de désespoir s’imposent souvent comme des barrières qui l’empêchent d’avancer : «C’est difficile d’avoir la maîtrise de certains gestes alors que d’autres vous échappent. Face à nos limites, contre lesquelles nous nous cognons si souvent, et face à toutes les interrogations qu’elles éveillent en nous et chez les autres, il y a des moments où l’on ne sait plus très bien qui l’on est. Mais moi, j’ai choisi de faire de ma différence, une force.»
Et depuis, Nalini, célibataire, n’arrête pas. Ex-enseignante au primaire avant de devenir hôtesse de l’air, elle a décroché en 1995, un diplôme en «Personnel Management» de l’Institute of Commercial Management. En 1998, elle a acheté une voiture qu’elle a équipée pour pouvoir conduire elle-même et qui l’aide à assumer ses nombreuses tâches. En sus de ses occupations au sein de l’Air Mauritius Cabin Crew Association, elle est aussi membre de Fraternité mauricienne des malades et handicapés, pratique le Reiki et est également chairperson au sein du Women’s Forum qui est pour l’instant sous la houlette du ministère de la Sécurité sociale. «Je veux que les handicapés soient reconnus. Je veux qu’ils trouvent leur place dans les entreprises, que les lois les protègent et qu’ils aient accès à des structures et à des facilités pour qu’ils puissent vivre tout simplement», dit-elle, en affichant un grand sourire. Une positive attitude qui est son remède miracle pour l’aider à supporter la douleur sans sourciller.