Ouf ! Rama Sithanen n’a nullement l’intention de devenir un émule de Robert Mugabe.
Le président du Zimbabwe, par démagogie afin de s’agripper au pouvoir, exproprie arbitrairement les fermiers blancs de son pays de leurs terres pour les distribuer à ses partisans et aux cadres de son parti.
Cette main basse sur les biens d’autrui a détruit l’agriculture du Zimbabwe et a appauvri davantage ce pays en déliquescence.
En page 8, la tête pensante des rouges en matière économique souligne que le PTr “ne va pas toucher à la propriété privée” au cas où ce parti accéderait au pouvoir bien qu’il ait fait de la démocratisation de l’économie le moteur de son action politique.
Pour Rama Sithanen, tout va se faire au travers des négociations et des mesures subtiles. Il explique : “Il faut utiliser les moyens persuasifs, légiférer là où c’est nécessaire mais, surtout, il faut négocier pour une ‘win-win situation’. Un exemple : le ‘Sugar Investment Trust’ qui a été négocié par Kailash Ruhee et moi-même. Le deal Illovo, même si on est contre le contenu, est un deal négocié … Pourquoi l’État n’inclurait-il pas dans les contrats qu’il alloue une clause exigeant au soumissionnaire choisi de sous-contracter quelques projets aux PME? C’est du ‘outsourcing’. Et aussi une clause sur la diversité aux conseils d’administration et au ‘top management’. L’État doit donner des ‘guide lines’ sur la diversité et le ‘outsourcing’ et ces entreprises se doivent de les respecter si elles veulent participer à des appels d’offres”.
C’est du concret et on apprend qu’une équipe du Ptr travaille dans le détail sur le volet ‘démocratisation de l’économie’ en tenant en ligne de compte le respect de la propriété privée dans une économie libérale sous-tendue par une démocratie.
Les travaillistes s’emploient donc à concocter une variante du capitalisme où il est question de donner la chance au plus grand nombre d’entreprendre. Ce qui permettrait, croient-ils, d’accroître le gâteau national qu’on pourrait alors mieux distribuer par la suite.
Rama Sithanen “demeure un libéral” et prône un “capitalisme responsable”.
On est là dans un débat d’idées. C’est bon signe. Le secteur privé devrait participer à ce débat et, si c’est nécessaire, apporter la contradiction.
Les pontes du secteur privé pourraient rétorquer que l’État n’a pas à mettre son nez dans la façon dont sont constitués leurs conseils d’administration parce que c’est de l’argent privé qu’il s’agit. Or, les entreprises privées n’évoluent pas dans un vacuum. L’État agit depuis longtemps comme facilitateur pour qu’elles puissent entreprendre dans de meilleures conditions.
Ce sont les élus de la nation qui, jadis, s’étaient battus, bec et ongles, pour obtenir le Protocole sucre qui a permis à l’industrie sucrière de prospérer. Idem pour ce qui est de la Convention de Lomé, de l’AGOA et d’autres accords bilatéraux sur, par exemple, la non double imposition, qui ont permis à la communauté des affaires de faire des profits. Et quand les élus de la population veulent jeter un coup d’oeil sur la façon dont les entreprises privées gèrent leurs affaires ou recrutent, on brandit le spectre de l’interventionnisme étatique.
À notre sens, le secteur privé devrait faire un effort au sujet de la démocratisation de l’économie. Rama Sithanen appelle cela le ‘enlightened self-interest’ : “C’est-à-dire expliquer aux gens du secteur privé que c’est dans leur intérêt qu’il y ait une meilleure répartition des postes. On ne peut avoir une oasis de richesses insolentes dans une mer de pauvreté”.
Faire en quelque sorte de la prévention pour que, éventuellement, on ne finisse pas comme au pays de Mugabe.