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“Ce Budget taxe ceux qui ont connu un succès économique”

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Le secteur privé digère mal certaines mesures du Budget de Pravind Jugnauth, selon Arif Currimjee du JEC

Le président du Joint Economic Council (JEC) ne comprend pas que le ministre des Finances, en voulant jouer sur le tableau social, taxe ceux qui ont de gros revenus.

Q : Quelle est votre analyse du Budget présenté par Pravind Jugnauth?

R : Le Budget a privilégié l’aspect social. Pravind Jugnauth a voulu faire un geste envers les moins privilégiés de la société. Sur ce plan, je trouve le Budget raisonnable. Cependant, sur le plan économique, le Budget est moins balancé.

- Pourtant, le secteur privé, à travers le Joint Economic Council que vous présidez, fait la gueule.

R : On ne fait pas la gueule. L’accent sur le social n’a pas été balancé par des mesures suffisantes pour encourager l’investissement. Le secteur privé n’attend pas qu’un Budget vienne avec des mesures miracle pour créer des emplois. Un budget doit définir une direction, aider à créer un environnement à l’investissement. Il y a eu des mesures positives, comme pour l’entrepreneuriat, la restructuration du Board of Investment (BOI) pour réduire le temps pour l’obtention des permis, la réforme des institutions comme le ‘merger’ de la EPZDA et la MIDA.

Q : Qu’est-ce qui chiffonne le JEC dans ce Budget ?

R : Je partage l’avis du ministre des Finances quand il dit que les Mauriciens ne veulent pas être des assistés, mais qu’ils veulent avoir accès à des opportunités pour être des acteurs du développement. Ce qui me gêne dans ce Budget, ce sont des mesures qui vont à l’encontre de cet élan visant à faire de Maurice une nation d’entrepreneurs. Il y a eu des augmentations au niveau de la taxe sur les revenus, l’introduction de l’impôt additionnel de 5% de ‘corporate tax’, la taxation des produits de luxe. Sans oublier les taxes sectorielles, comme celle sur les touristes. La JEC a tout fait pour réduire la taxe sectorielle, car je considère qu’il est trop facile de décider de taxer un secteur spécifique parce que ce secteur génère des profits. Ce budget taxe ceux qui ont connu un succès économique.

Q : Que pensez-vous de l’impôt sur les compagnies?

R : Il est certain que la ‘corporate tax’ de 5 % taxe l’effort. Il y a eu des initiatives pour encourager l’investissement et aujourd’hui le gouvernement change les règles du jeu et donne un mauvais signal aux investisseurs.

Q : Pravind Jugnauth a-t-il joué au Robin des Bois en prenant aux riches pour donner aux pauvres ?

R : Pravind Jugnauth a donné un signal qui implique que les efforts vont être taxés et ce principe est contre-productif. Le ministre des Finances vise un groupe de salariés qui touche de gros salaires et cela décourage. Ceux qui sont concernés sont ceux qui touchent des salaires et non des dividendes. Pravind Jugnauth vise les hauts cadres du secteur privé qui ne sont pas propriétaires de leur entreprise. Ces mesures qui ont valeur de symbole me gênent.

Q : Regrettez-vous les trois derniers budgets présentés par Paul Bérenger ?

R : Depuis quelques années, la rigueur était nécessaire pour préparer l’économie pour le futur. Les investissements qui ont été faits au niveau de l’éducation et de l’informatique sont venus, à mon sens, un peu tard, mais cela a été fait. Je ne peux regretter les trois derniers Budgets qui avaient privilégié des investissements dans le domaine de l’éducation.

Q : Si vous deviez comparer les budgets de Paul Bérenger à celui de Pravind Jugnauth, que diriez-vous ?

R : Le Budget de Pravind Jugnauth a mis l’accent sur le social alors que les précédents budgets de Paul Bérenger investissaient dans le capital de l’économie.

- Qualifiez-nous le Budget de Pravind Jugnauth en une phrase.

R : C’est un Budget où certaines directions intéressantes sont prises. Il faut que le gouvernement ait le courage de ses convictions. Le Budget a ouvert des opportunités tout en donnant un mauvais signal qui n’est pas cohérent avec la politique d’entrepreneuriat qu’il veut créer.

- Certains observateurs disent que le Budget de Pravind Jugnauth a une visée électoraliste.

R : Ce principe est valable pour tous les pays. L’aspect social et politique prend de plus en plus d’importance dans un Budget quand approche une échéance électorale. Pravind Jugnauth a commencé un processus en mettant l’accent sur l’entrepreneuriat et a envoyé un signal fort en disant que le gouvernement ne peut donner des subsides conséquents, par rapport aux pensions et aux frais d’examens. Il y a beaucoup de Mauriciens qui n’ont pas besoin de certains types de subventions. Ce processus peut être poussé plus loin.

Q : À vous entendre, les subsides devraient être éliminés dans d’autres secteurs, comme l’éducation et la santé. Est-ce la fin de l’État providence ?

R : Il faut s’assurer que les plus nécessiteux ont une assistance sociale. Par contre, il faut avoir une approche qui évite le gaspillage. Il y a des services qu’il ne faut pas étendre à tout le monde et le ‘targeting’ mentionné dans le Budget est le début d’un débat qu’il est utile d’engager pour toucher d’autres secteurs. Quand tout est gratuit, on ne peut demander mieux. On parle d’une éducation gratuite, mais la plupart des élèves prennent des leçons particulières. Et l’éducation n’est plus gratuite. Ne serait-il pas mieux d’avoir une éducation qui a un certain coût mais qui élimine les leçons particulières ?

Q : Êtes-vous satisfait des mesures prises pour la zone franche ?

R : Il n’y a pas eu grand-chose pour la zone franche et le secteur sucre, alors que ces deux secteurs souffrent du problème de surendettement. Ces secteurs avaient demandé certaines ‘incentives’ et c’est malheureux qu’ils aient été délaissés. Il y a un risque qu’on perde plus d’emplois dans ces deux secteurs qu’on en créera ailleurs. Le gouvernement aurait dû venir avec des instruments de refinancement pour éponger l’endettement afin de s’assurer que des compagnies qui sont à peine viables peuvent être sauvées. Cependant, il y a un bon travail qui est fait par le TEST et par le FSSP qui mérite d’être continué.

Q : L’AGOA III a été votée aux États-Unis et Maurice ne bénéficiera pas du ‘third country fabrics’. Est-ce la mort de notre zone franche ?

R : Maurice n’a jamais bénéficié du ‘third country fabrics’; de ce fait, on ne perd aucun avantage. Cela aurait été un avantage si on avait été partie prenante. Par contre, si le Sénat américain rejette l’AGOA III, les pays africains perdront énormément. Et Maurice par extension.

Q : Le gouvernement se targue de venir avec la démocratisation de l’économie. Est-ce vraiment le cas ?

R : La seule façon de vraiment démocratiser l’économie est de donner l’accès à l’opportunité à tous. Les mesures prises par rapport à l’entrepreneuriat et à l’accès aux finances des PME, à travers la Banque de Développement (DBM) et la Mauritius Post and Cooperative Bank, et le ‘stipend’ pour la formation vont dans cette direction.

Q : On reproche souvent la concentration de l’économie d’être entre les mains d’un petit groupe. Vos commentaires ?

R : Aujourd’hui, notre économie est beaucoup plus hétérogène qu’elle ne l’était il y a trente ans. L’accent que le gouvernement a mis sur l’accès à l’opportunité économique est important. On devrait, pour le bien de l’économie, bouger vers un secteur privé de plus en plus hétérogène. Aussi, la compétition locale et internationale va nous pousser vers une économie plus diversifiée.

Q : Les pontes du secteur privé sont frileux à l’investissement. Pourquoi ?

R : Les opportunités pour l’investissement sont moins claires aujourd’hui et les secteurs comme l’ICT et le ‘sea food hub’ sont de nouveaux secteurs qui demandent du temps pour que les investissements importants arrivent. En définitif, il faut oeuvrer toujours vers un environnement qui soit favorable à l’entrepreneuriat et aux investisseurs locaux et étrangers.

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