De gauche à droite : Priscilla et Patricia sont souvent au front. Elles se disent prêtes à tout pour combattre la drogue et le sida dans leur quartier. Elles sont accompagnées dans leur lutte par Nathalie. Celle-ci ne va pas sur le terrain mais elle suit la campagne de près car son frère est toxicomane mais veut se libérer de cet esclavage
On les surnomme soldats. Ils sont 83 volontaires qui vont à la rencontre des toxicomanes et des séropositifs pour les aider à combattre la drogue et le sida, car ils veulent sauver Cassis et Cité Vallijee qui sont classés, selon la National Agency for the Treatment & Rehabilitation of Substance Abusers (NATReSA), dans la zone rouge de la capitale.
Selon les statistiques du ministère de la Santé, Maurice compte actuellement 599 séropositifs. La NATReSA rapporte que 52% de ces 599 cas recensés sont à Port-Louis, soit 312. Les localités de Cassis et Cité Vallijee sont hautement concernées.
Cadress Rungen, coordinateur de la National Prevention Unit (NPU) de la NATReSA, explique que c’est en constatant la gravité de la situation que cette institution, avec la collaboration du Groupe ‘A’ de Cassis, a mis au point un programme de sensibilisation, ‘Diboute Pou Nous l’Endroit’.
Cadress Rungen déclare: “Les gens pensent souvent qu’il faut combattre la drogue et le virus du sida séparément, mais notre programme consiste à combattre ces deux fléaux en même temps, car ils sont liés. La plupart du temps, les toxicomanes contractent le sida en utilisant des seringues déjà utilisées par des séropositifs”.
Ce programme vise à conscientiser et à sensibiliser les gens aux fléaux de la drogue et du sida. Pour ce faire, nous dirigeons les soldats vers les victimes. Il explique que le terme soldats est très symbolique car c’est une guerre qui est menée contre la drogue et le sida.
Les soldats ont suivi une formation de trois mois auprès de la NPU. Ils ont appris comment parler et comment aider une personne victime des fléaux de la drogue et du sida. Ils ont reçu leurs certificats des mains du ministre de la Sécurité sociale, Sam Lauthan, le jeudi 10 juin au cours d’une messe célébrée par Mgr Maurice Piat, en la paroisse St-Sacrement de Cassis.
Priscilla, Patricia et Jean-Pierre se sont portés volontaires pour devenir soldats. Âgés de 17, 47 et 40 ans respectivement, ils ont suivi une formation depuis le mois de février.
Priscilla s’est portée volontaire car elle n’en pouvait plus de voir souffrir les victimes de la drogue :“ Les toxicomanes sont des victimes et ils n’ont pas désiré cette souffrance. Je me suis engagée à être soldate car je veux aider ces personnes à s’en sortir”.
Patricia, quant à elle, est soldate parce qu’en tant que mère de trois garçons, elle estime que c’est son devoir d’aider les personnes qui ont eu moins de chance que ses fils et qui sont aujourd’hui des victimes.
Jean-Pierre se sent concerné par la situation car il est un habitant de Cassis et trouve triste que son quartier compte beaucoup de toxicomanes et de séropositifs:“Je ne peux pas rester les bras croisés devant une telle situation. Je souhaite conscientiser les gens au problème du sida et de la drogue et aider les victimes à s’en sortir”.
Seringues souillées
Selon Cadress Rungen, c’est en effectuant un travail sur le terrain - en faisant du porte-à-porte et en donnant des questionnaires à remplir - qu’il a été découvert que bon nombre d’habitants de Cassis sont des victimes de la drogue et du sida.
Il a été constaté qu’à Cassis et à Cité Vallijee, le mode de transmission du sida est surtout par l’injection de la drogue par voie intraveineuse à l’aide des seringues souillées.
Du lundi 14 au vendredi 18 juin, plusieurs activités, dont des causeries sur le sida et la drogue et des animations musicales par les groupes locaux tels que Zot Sa, Zenfant Ravanne et Culture plus, ont été organisées à côté de l’église St-Sacrement, Cassis.
Une caravane de la santé était aussi présente sur les lieux et les personnes présentes ont pu subir des tests de dépistage du virus du sida.
Nathalie, qui était au concert, n’est pas soldate mais elle remercie toute l’équipe de la NPU pour “le fabuleux travail qu’elle a accompli”. Elle a un frère de 41 ans qui se drogue depuis 22 ans et c’est grâce au programme ‘Diboute Pou Nou l’Endroit’ qu’il a réalisé qu’il gâchait sa vie.
“Quand il a assisté aux causeries sur la drogue et le sida, il a eu envie d’arrêter de se droguer car il a réalisé qu’il détruisait sa vie. Je suis très heureuse qu’il ait décidé d’arrêter”, confie-t-elle.
Le programme a connu un franc succès car beaucoup de gens étaient présents, dont des toxicomanes et des séropositifs qui disent vouloir vivre dans de meilleures conditions. Les toxicomanes disent qu’ils ne veulent plus être esclaves de la drogue et qu’ils feront de leur mieux pour s’en sortir.
Par Jenilaine Moonean