Hassenjee Ahmod, un boulanger, qui n’a pu rembourser ses dettes
L’association des victimes de la ‘sale by levy’ fait monter les enchères. Alors que le gouvernement propose un ‘High Level Committee’ sur les pratiques “abusives” autour des ventes à la barre, elle réclame, à la place, une commission d’enquête avec des pouvoirs accrus.
Dans son discours du budget 2004/05 vendredi dernier, Pravind Jugnauth a annoncé qu’un ‘High Level Committee’ présidé par un ancien juge sera mis sur pied et se penchera sur les ventes à la barre pour mieux protéger les citoyens.
Des biens sont saisis et vendus à la barre lorsque leurs propriétaires n’arrivent pas à payer leurs dettes.
La ‘Notary Act’ sera aussi amendée; elle prévoira des actions disciplinaires contre des notaires et même la radiation de ceux d’entre eux soupçonnés ou trouvés coupables de mauvaise conduite.
Nous avons essayé, à ce sujet, d’avoir une déclaration du président de la Chambre des Notaires, Bernard d’Hotman, mais ce dernier n’a pas répondu à nos nombreux appels téléphoniques.
À l’Assemblée nationale mardi dernier, suite à une question du député Siddick Chady, le ministre de la Justice, Emmanuel Leung Shing, a, pour sa part, déclaré que le ‘High Level Committee’ sera placé sous la présidence de l’ex-juge Vidya Narayen.
L’ex-juge devra faire des recommandations sur les amendements à être apportés à la loi pour protéger les débiteurs. Cette loi date de 1868.
L’association des victimes de la ‘sale by levy’ remercie le vice-Premier ministre et ministre des Finances, Pravind Jugnauth qui a reconnu que la ‘sale by levy’ est “abusive”.
“Nous voulons une commission d’enquête sur les ventes à la barre”, déclare cependant Hassenjee Ahmod, porte-parole de cette association. Une commission qui devra enquêter sur les avoués, les avocats, les ‘casseurs’, les courtiers, les ‘pousseurs’ et les assureurs qui seraient impliqués dans des pratiques “abusives” au sujet des ventes à la barre.
Victime lui-même de la ‘sale by levy’, Hassenjee Ahmod a constitué un groupe de quatre autres victimes pour dénoncer ceux qui ont, dit-il, accaparé leurs biens (voir hors-textes).
À leur conférence de presse le jeudi 10 juin dernier, les cinq ont fait un pressant appel au gouvernement pour qu’il sorte de sa réserve et détruise “ceux qui plument les citoyens surendettés”.
Harish Boodhoo veut davantage
Harish Boodhoo n’en démord pas. Durant 14 semaines, son journal, le ‘Sunday Vani’, a dénoncé ceux “qui ont accaparé la ‘sale by levy’”
“Nous avons gagné une bataille mais pas la guerre. Avec la réaction de Pravind Jugnauth, c’est seulement un tout petit pas dans la longue marche”, dit Harish Boodhoo. Il est, lui aussi, pour une commission d’enquête avec des pouvoirs accrus et non pour un ‘High Level Committee’.
Harish Boodhoo est d’avis qu’à l’encontre d’autres commissions d’enquête, celle-ci, au cas où elle serait mise sur pied, doit être investie de pouvoirs plénipotentiaires.
La commission doit avoir accès à tous les prélèvements d’impôts, affirme Harish Boodhoo. Il faut que certaines personnes expliquent l’origine de toutes leurs ressources, dit-il. Celles-ci doivent être saisies s’ils sont trouvés coupables de pratiques illicites, comme c’est le cas pour les trafiquants de drogue.
Harish Boodhoo affirme que la commission devra avoir le pouvoir de perquisitionner des maisons et procéder à des arrestations.
La commission devra aussi revoir tous les cas où des propriétés ont été saisies au cours des 15 dernières années. S’il y a eu des failles et ou des abus, il faut que ceux trouvés coupables dédommagent les victimes.
Le directeur et rédacteur en chef du ‘Sunday Vani’ est aussi d’avis que cette commission d’enquête doit être constituée de plusieurs membres afin que le travail soit activé.
À ce sujet, le ministre Leung Shing a déclaré que des représentants de la ‘Law Society’, du ‘Bar Council’, de la Banque de Maurice’, de la Chambre des notaires’, de la ‘Mauritius Bankers’ Association’, entre autres, feront partie de ce ‘High Level Committee’.
Selon Harish Boodhoo toujours, il faut que toutes les procédures aient lieu lors des audiences publiques. Cette commission, dit-il, devra être complètement indépendante du gouvernement et devra soumettre un rapport dans un délai de quatre mois.
Le ministre de la Justice, Emmanuel Leung Shing, soutient, pour sa part, que le ‘High Level Committee’ pourra agir à discrétion; il prendra le temps qu’il lui faut pour faire son travail.
Harish Boodhoo et ses protégés de l’association des victimes de la ‘sale by levy’ souhaitent aussi que toutes les procédures légales concernant cette pratique à la Cour suprême soient gelées en attendant que la commission soumette son rapport et que le gouvernement légifère afin que des logements ne soient plus saisis.
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Sheela Padayachy : “J’ai perdu mes biens et ma fille”
Elle symbolise le drame des victimes de la ‘sale by levy’ . Sheela Padayachy a tout perdu : ses biens et sa fille unique.
Son monde s’est écroulé à cause de l’avidité d’un ‘casseur’. Elle avait emprunté une forte somme d’argent (Rs 600 000) à ce dernier : “J’ai perdu mes biens et ma fille Rubina”.
Physiquement et moralement affectée par le drame que vivait sa mère, Rubina avait cessé de s’alimenter et a rendu l’âme le 26 mai 2003 à l’âge de 29 ans.
Sheela vit aujourd’hui un drame au quotidien. Elle le vit depuis 1992. Elle s’est acharnée afin de pouvoir payer ses dettes. Mais le système de la ‘sale by levy’ , les créanciers, les intérêts exorbitants et les pénalités, les commissions et autres frais réclamés par les hommes de loi des créanciers l’ont écrasée.
Cette habitante de Vallée des Prêtres est dépouillée de tout ce qu’elle possédait. Elle voulait ouvrir un supermarché. Le ‘casseur‘ a tendu si habilement le piège, dit-elle, qu’elle s’y est prise pour ne jamais s’en sortir.
C’est maintenant pour elle la descente aux enfers. Elle vit dans une bicoque en tôle alors qu’elle vivait jadis dans une belle demeure jouxtant son supermarché.
C’est d’ailleurs grâce à elle qu’une loi anti-‘casseur’ a été votée à l’Assemblée nationale mais cette loi est loin d’être à son avantage dit-elle, car il n’y a rien dans ladite loi pour les victimes de la ‘sale by levy’ .
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Joseph Raymond Hack : “Je suis ruiné”
“Je suis ruiné”. Joseph Raymond Hack, 68 ans, crie à l’injustice depuis le 4 juin dernier. Il a été dépossédé de sa maison sans qu’il ne le sache.
Pourtant, présent en Cour ce jour-là, cet habitant de Stanley n’a pas entendu son nom à l’appel mais la vente de sa maison a été effectuée. L’huissier avait évalué sa maison à Rs 1 million mais celle-ci a été vendue à Rs 225 000. Le malheureux vit un véritable drame depuis.
Joseph Raymond Hack, charpentier de son état, raconte qu’il a emprunté Rs 500 000 en 1994 pour l’achat d’une maison. Chaque mois, il donnait de l’argent (Rs 7800) à son épouse pour le remboursement.
Au mois d’avril 2001, il apprend que son épouse n’a pas payé une seule mensualité. Il s’était séparé de son épouse en 1996 qui, dit-il, vit actuellement à l’étranger.
Joseph Raymond Hack devait rembourser Rs 1, 430, 818. 90, y incluant Rs 129, 619. 90 de commissions, à l’avoué de son créancier qui avait vendu sa maison à la barre parce qu’il ne pouvait rembourser ses dettes.
Son créancier et son avoué, dit-il, se renvoient la balle lorsqu’il les interroge sur l’identité de celui qui a mis sa maison en vente à la barre. Il ne connaît pas, non plus, le propriétaire de ce qui avait été sa maison.