Nazim et Nasseema (vêtue de rose ) lors de leur mariage en compagnie de Tahera, la mère du nouveau marié. Après la naissance de leur fille Nurshiba, leur rêve d’avoir un fils s’est réalisé
Elle est morte en donnant la vie. Nasseema Oozeeraw, 30 ans, a sombré dans le coma le mardi 8 juin dernier après avoir subi une césarienne pour mettre au monde un fils. Sept jours après, elle a rendu l’âme. Ses proches soupçonnent une négligence médicale et veulent la vérité. Le ministère de la Santé récuse toute faute professionnelle.
16h30, lundi dernier à la rue Sir Seewoosagur Ramgoolam, Uppervale. Sous une salle verte, des femmes, la tête recouverte d’un ‘horni’, des hommes portant le fez prient pour le repos éternel de Nasseema.
Dans la Cour, Nurshiba, 8 ans, joue avec ses amis. Elle feint d’ignorer les appels de ses tantes. Celles-ci désirent que la gamine vienne se recueillir devant la dépouille de sa mère avant la levée du corps. Nurshiba persiste et continue à sautiller avec ses camarades. “Pourtant, elle est très attachée à sa mère mais depuis qu’on lui a annoncé que cette dernière était morte, elle ne veut pas s’approcher de sa dépouille. Nurshiba sait parfaitement ce qu’est la mort, c’est peut-être sa façon à elle d’exprimer son chagrin”, explique Beegum, la belle-soeur de Nasseema.
Le petit innocent qu’elle a enfanté, Nasseema ne le connaîtra jamais. Le nourrisson grandira sans l’affection de sa mère. Une fatalité imposée par le destin.
“Cet enfant, elle le voulait autant que moi”
Un avenir qu’elle avait envisagé autrement avec cet enfant tellement désiré. “Cet enfant, elle le voulait autant que moi”, avoue Nazim, 33 ans, l’époux de Nasseema. Il est dans le flou quant aux circonstances de la mort de sa femme : “Je ne comprends pas. Pourtant, comme sa grossesse est arrivée à terme, sa poche d’eau s’est cassée. Elle m’a demandé de la conduire à l’hôpital”. Il était alors aux alentours de 10h00.
Le regard perdu dans les souvenirs, Nazim se rappelle parfaitement le courage affiché par Nasseema quand elle est arrivée à l’hôpital SSR : “Elle a même grimpé deux étages pour se rendre à la maternité”.
Vers 11h00, le même jour de son admission, les médecins constatent que le coeur du bébé qui va naître s’affaiblit. Ils décident alors de pratiquer une césarienne pour l’extraire au plus vite : “Ensuite, ils ont conduit ma femme à l’unité des soins intensifs. Les médecins disaient qu’elle avait sombré dans le coma”. Selon Nasseer, le frère de Nazim, vers 14h30, Nasseema a été à nouveau emmenée en salle d’opération : “Les médecins nous ont dit que l’enfant était en bonne santé mais qu’il fallait procéder au curetage et à l’enlèvement de l’utérus ”.
Deux jours après, Nasseema ouvre les yeux, elle est dans un état semi-comateux et est intubée. “Elle ne semblait rien comprendre. Elle ne pouvait pas parler. Les médecins nous ont dit que son état était grave, que la plaie suturée de la césarienne n’arrêtait pas de saigner. Ils ont utilisé onze pintes de sang pour une transfusion sanguine mais sans aucun succès”, raconte Nazim.
Entre-temps, les proches du nouveau-né obtiennent la permission de l’emmener à la maison.
Le ministère de la Santé réfute
Le dimanche 13 juin, l’état de santé de Nasseema empire. Elle sombre à nouveau dans le coma. “Ses poumons ont commencé à s’infecter, au dire des médecins”, déclare Nasseer. Elle meurt le lendemain à 11h00.
Aucune autopsie n’a été pratiquée parce que les proches, de foi musulmane, s’y étaient opposés : “Dans notre religion, l’autopsie n’est pas recommandée pour un mort. De plus, Nasseema avait subi une césarienne, son corps avait suffisamment été mutilé”, explique Nasseer.
L’incompréhension et la tristesse règnent chez ses proches. “Comment ma femme a-t-elle pu mourir? Il y a quelque chose de louche dans cette affaire. Je soupçonne une négligence médicale dans son cas”, soutient Nazim. Il a consigné une déposition à cet effet au poste de police de l’hôpital SSR.
Le ministère de la Santé est catégorique : “Il n’y a pas eu de complications durant l’accouchement après la césarienne”. Selon lui, “une césarienne a été pratiquée sur Nasseema étant donné qu’on avait décelé une anomalie dans le battement du coeur foetal. Le décès de la patiente est dû au fait que son sang ne coagulait (voir explication en hors-texte) pas après l’opération”.
Négligence ou pas, Nurshiba et son jeune frère ont perdu leur mère. Les cinq belles-soeurs de Nasseema sont tombées d’accord pour les élever mais rien au monde ne pourra remplacer l’amour d’une vraie mère.
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La coagulation : c’est quoi?
Selon un médecin, une ‘Disseminated Intra-Vascular Coagulation’ (DIC) (coagulation intra-vasculaire disséminée) est une complication très redoutée par les gynécolgues après une césarienne. “Il y a des situations où l’utérus, après une césarienne ou un accouchement normal, ne se contracte pas. Donc, il n’arrête pas de saigner. La raison : le sang ne se coagule pas. Des composantes (par exemple la plaquette) qui favorisent l’arrêt du saignement sont absents”, explique-t-il. Toujours selon ce médecin, après une transfusion sanguine non réussie et des injections, le gynécologue n’aura d’autre choix que d’enlever l’utérus pour stopper le saignement : “Même après cette intervention, l’hémorragie peut continuer. De plus, une perte abondante de sang favorise l’infection”
Peut-on éviter cette complication médicale? D’après le médecin, des mesures peuvent être prises pour la prévenir : “Après un ‘cross-matching test’ du sang, deux pintes de sang correspondant au groupe sanguin de la patiente doivent être prêts avant l’opération. Ensuite, il faut essayer d’empêcher et de contrôler le saignement en donnant les substituts possibles”.