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“L’Église catholique est hypocrite sur la question de l’avortement”

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L’Église catholique s’étant prononcée contre l’Interruption Volontaire de Grossesse (IVG) dans des cas exceptionnels, Me Rada Gungaloo fait une sortie en règle contre le diocèse de Port-Louis qu’elle traite “d’hypocrite”.

Q : Est-il nécessaire d’introduire dans notre législation l’Interruption Volontaire de Grossesse (IVG) ?

R : Il faut introduire une loi qui ne rend plus l’avortement illégal. Toutefois, l’IVG doit être pratiquée avant une certaine période et le corps médical doit déterminer, pour que le gouvernement légifère, cette période à laquelle un foetus a une vie indépendante. Après cette période, l’avortement ne doit plus être permis. L’IVG doit être un service offert à toutes les femmes, mariées ou pas, qui veulent mettre fin à une grossesse tout en respectant la période déterminée par la loi. Je suis consciente que nous vivons dans une société que la question de l’avortement divise. Au moins, procédons par étape et permettons aux victimes de viol, d’inceste, d’une maladie terrible qui pourrait être transmise au foetus d’avoir recours à l’IVG. Les avortements doivent être pratiqués dans nos services hospitaliers.

Q : La situation est paradoxale : il existe plusieurs méthodes de contraception pour éviter des grossesses indésirées et, malgré le fait que c’est gratuit, nombreuses sont les femmes qui tombent enceintes. Expliquez-nous.

R : Il n’existe aucune méthode qui est complètement fiable. Par exemple, l’Église catholique prône la méthode thermique. On oublie souvent les rapports de force durant les relations sexuelles. Bien souvent, dans un couple, c’est l’homme qui décide quand avoir des relations sexuelles. Il y a le cas où la femme oublie un jour de prendre sa pilule. Dans ce cas-là, la pilule du lendemain sert à quelque chose en cas d’accident. Pour ce qui est des jeunes filles qui tombent enceintes, on vit loin de la réalité. Ces jeunes-là ne se disent pas : “Bon, aujourd’hui je vais avoir des relations sexuelles avec mon petit copain”. La jeune fille sort et ne planifie pas cette relation. Si elle tombe enceinte, il faut lui donner le choix de pouvoir décider si elle garde l’enfant ou non. D’où l’importance d’une éducation sexuelle, sans fausse pudeur, au collège.

Q : Avorter, selon l’Église catholique, est un péché. Êtes-vous de cet avis ?

R : Avorter n’est pas un péché, ni un crime. Si on arrive à déterminer que le foetus est encore un foetus, donc pas viable ou pas encore considéré comme un enfant, l’avortement est possible. L’Église catholique est hypocrite sur la question de l’avortement. Cette même Église oublie que, dans le temps et même récemment, elle a béni les guerres où les soldats vont tuer consciemment des êtres humains. On a eu les guerres saintes, les croisades. N’est-ce pas là un péché ? L’Église catholique n’a pas le droit de décider pour les femmes. Je ne veux pas que l’avortement soit un crime. Quand le foetus est arrivé à un stade avancé, là je dis pas d’avortement.

Q : L’embryon est-il un être humain?

R : L’embryon n’est pas un être humain. Il est un être humain en devenir. Avant cette période à laquelle le médecin décrète que c’est un embryon et non une vie humaine, on doit permettre l’avortement. Selon moi, dans l’embryon, il n’y a pas de vie avant une certaine période.

Q : Vous dites dans un courrier à la presse que “l’embryon est une partie du corps qu’on enlève comme toute procédure médicale s’il est malade, infecté ou susceptible de nuire à la santé et de détruire la vie de la femme”. Et si l’embryon ne représente plus aucun danger pour la maman, le prétexte pour avorter ne tient plus, n’est-ce pas ?

R : Ce n’est pas l’embryon qui décide, mais la femme. Elle peut choisir de mener ou non à terme l’embryon qu’elle a en son sein, à moins que scientifiquement et médicalement, il est prouvé qu’indépendamment de la mère, il y a une vie indépendante.

Q : Où est la responsabilité du géniteur dans le cas d’un avortement ?

R : Quand je parle de l’avortement, c’est un des aspects de la sexualité et de la reproduction. Il faut voir la responsabilité des hommes sur la question. On sait qu’elles sont nombreuses les femmes qui se font avorter, car le géniteur disparaît dans la nature et lâche celle avec qui il a eu des relations sexuelles non-protégées. Il faut responsabiliser les hommes afin qu’ils assument. Car les deux parents doivent assumer la responsabilité d’élever leurs enfants. Quand les femmes seront plus ‘empowered’, les hommes vont changer.

Q : Pensez-vous qu’il y a une volonté politique pour aller dans le sens de la légalisation totale de l’avortement ?

R : Les politiciens à Maurice prennent trop de choses en considération avant de prendre une décision. Je pense ici à l’aspect religieux, les politiciens en ont peur. Même les droits humains passent par la religion. En fait tout y passe : le castéisme, le clientélisme, l’ethnicité. Dans un premier temps, j’accueille le projet de loi sur l’IVG que compte apporter le gouvernement à l’Assemblée nationale. C’est un premier pas vers la légalisation totale de l’avortement.

Q : Il y a eu le cas de Sandhya qui s’est fait sabrer par son mari jaloux. La violence domestique semble gagner du terrain à Maurice et est souvent banalisée. Pourquoi ?

R : Le cas de Sandhya interpelle. Il n’y a pas une seule famille mauricienne qui peut dire qu’elle n’a pas en son sein une tante, une soeur, une cousine, une mère qui ne soit pas battue. Il y a une catégorie de personnes qui a toujours banalisé la violence domestique et, parmi, les grands de ce pays, comme certains avocats et magistrats qui disent qu’on exagère et que cela ne concerne que les gens des cités, d’une communauté spécifique. C’est irresponsable de la part de ces messieurs et dames de la haute société de penser ainsi. Ce qui me met en colère, c’est que dans ma carrière, j’ai rencontré des hommes qui banalisent la violence domestique alors qu’ils ne savent pas que leurs femmes m’ont avoué en secret qu’elles sont des femmes battues. Ce problème touche toutes les couches sociales, mais les femmes riches sont réticentes à dénoncer leurs maris aux côtés desquels elles se pavanent dans des réceptions mondaines. Ce n’est pas l’être mais le paraître qui est ici privilégié. Les femmes de la classe ouvrière ont plus de courage de dénoncer leurs maris qui les battent.

Q : Existe-t-il aussi des hommes qui sont battus ou qui subissent la violence morale de la part de leurs femmes et qui, par pudeur, se confinent dans leur silence ?

R : C’est une petite minorité, et je condamne ces femmes qui frappent leurs maris. Que ces hommes sortent de leur silence et dénoncent.

Q : Dénoncer son mari à la police pour sodomie est-il un moyen commode pour certaines femmes de se séparer de leurs conjoints ?

R : Je ne pense pas que la femme se laisse sodomiser volontairement. Celles qui se tournent vers moi m’avouent avoir été forcées à le faire. Elles disent que cela leur fait mal. Je ne suis pas d’avis qu’une femme qui accepte d’être sodomisée ira dénoncer son partenaire à la police. Je ne dis pas qu’il n’y a pas une ou deux femmes qui utilisent cette astuce pour se séparer de leurs maris, mais dans la majorité des cas, ces femmes qui dénoncent le font malgré elles, car elles doivent se faire examiner par un médecin et elles n’aiment pas cela, par pudeur. Pour elles, la sodomie est une violence sexuelle.

Q : Faudrait-il un jour reconnaître dans nos lois les couples homosexuels et lesbiens comme c’est actuellement le débat en France ?

R : Personnellement, je n’ai rien contre les homosexuels et les lesbiennes. Chaque personne vit sa sexualité à sa manière, pourvu que cela se fasse dans le respect de soi et d’autrui. L’adultère fait beaucoup plus de mal et certains sont des honorables alors que d’autres sont décorés. Il serait intéressant qu’il y ait un débat public sur la question. C’est bien mieux que l’homosexualité et le lesbianisme soient reconnus légalement au lieu de forcer les personnes qui s’y adonnent à se cacher pour vivre leur amour.

Q : Qu’en est-il de l’adoption d’enfants par des couples autres qu’hétérosexuels ?

R : S’il existe des femmes qui vivent seules et qui peuvent élever leurs enfants, je ne vois pas pourquoi deux femmes vivant ensemble ne pourraient pas en faire de même. Il en est de même pour les hommes. Les réfractaires avancent que l’enfant n’a pas de modèle à suivre. Les homosexuels ont des parents hétérosexuels n’est-ce pas ? D’ailleurs, il existe aussi d’autres modèles, les groupes d’amis, les clubs de jeunesse, l’Église, etc.

Q : Les couples qui vivent en concubinage à Maurice n’ont pas les mêmes droits qu’un couple dit ‘normal’ au niveau des abattements fiscaux. Que faudrait-il faire ?

R : Si c’est un homme qui ne divorce pas de sa femme, mais qui s’installe avec une autre, alors la question d’abattements fiscaux pour l’autre femme ne peut pas avoir lieu. Je suis consciente qu’il y a des jeunes qui se mettent ensemble et que peut-être cela deviendra une façon de vivre à Maurice. C’est une lutte qu’il faut mener afin de faire introduire dans notre pays le pendant du PACS en France (ndlr : le PACS est un contrat en vigueur en France entre deux personnes majeures de sexe différent ou du même sexe, pour organiser leur vie commune. Il crée des droits et obligations pour les partenaires, notamment “une aide mutuelle et matérielle”). Il faut que les jeunes prennent les devants sur la question.

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