Sen Narrainen et Krishnanand Guptar peuvent être relax. Les deux principaux techniciens du ministère des Finances sont félicités par Pravind Jugnauth sous le regard amusé du PM
Le Grand Argentier portait une cravate mauve lors de la présentation de son premier budget. Toutefois, Pravind Jugnauth n’a fait aucune allusion à Paul Bérenger, son prédécesseur aux Finances. Ni d’ailleurs au gouvernement de Navin Ramgoolam. C’était son budget, son jour.
“Je ne ferai aucune déclaration. Aujourd’hui c’est le jour du ministre des Finances”. C’est du reste ce qu’a laissé entendre le Premier ministre après la présentation du budget 2004-2005 vendredi dernier.
Mais revenons un peu en arrière, à quelques minutes du début du discours budgétaire. Vers 16h55, les derniers ministres, les députés du gouvernement et de l’Opposition et les invités se hâtent pour entrer dans l’hémicycle. Une minute plus tard, c’est le Premier ministre qui fait son entrée. Tous attendent avec impatience le Grand Argentier.
À 16h57, Pravind Jugnauth débouche dans le couloir menant à l’hémicycle. Il est accompagné de son épouse Kobita drapée dans un ravissant sari beige bordé d’un liseré grenat. Le couple a du mal à avancer. Une cohorte de journalistes les entourent, essayant en vain d’avoir une petite déclaration.
Dès que Pravind Jugnauth et son épouse ont gagné leurs places respectives, l’hymne national retentit. Peu après, le ministre des Finances commence un véritable marathon verbal qui va durer plus de deux heures. Le PM, le seul à avoir une copie du budget, ne quitte pratiquement pas son document des yeux et prend des notes.
Kobita Jugnauth, assise dans la galerie des VIP, semble agacée. Elle a du mal à entendre le discours de son époux et fait des signes aux ministres Anil Gayan et Showkutally Soodhun pour leur faire savoir que la sonorisation est mauvaise.
Les parlementaires ne semblent pas avoir de problème de sonorisation. À chaque fois qu’une mesure populaire est annoncée, les ministres et les députés du gouvernement, surtout ceux du MSM, tapent sur la table. Les commentaires fusent de temps à autre. Alan Gannoo taquine Ahmad Jeewah et Rashid Beebeejaun sur l’augmentation de la pension de vieillesse. Le portable du Dr Neewoor est confisqué par le Sergeant at Arms quand il se met à sonner pour la deuxième fois.
Quand Pravind Jugnauth cite Victor Hugo
À 19h16, Pravind Jugnauth achève son discours sur une citation de Victor Hugo: “Le devoir a une grande ressemblance avec le bonheur d’autrui”. Il est salué par des coups de poings donnés sur la table. Le ministre Nando Bodha se lève pour une ‘standing ovation’ en solo.
Peu après, députés, ministres, invités s’éparpillent. Navin Ramgoolam improvise un point de presse dans le salon de l’Assemblée nationale. Il dit que “c’est la fin du Welfare State”. Madan Dulloo et Xavier Duval font également part de leurs réactions aux journalistes. L’Opposition n’est pas contente et elle le fait savoir.
Dans le ‘lunch room’, les ministres et députés MSM/MMM et quelques autres invités se désaltèrent en commentant le budget. Toutefois, le ministre des Finances ne veut pas faire de déclaration à la presse. “J’ai trop parlé”, dit-il. Son épouse tout sourire le félicite et lui fait la bise. “Je suis fière de mon époux, son budget est très réussi”. Le Premier ministre et d’autres membres du gouvernement se pressent autour de lui pour le féliciter également. C’est la star du jour et tous les parlementaires de la majorité sont unanimes: le budget de Pravind Jugnauth axé sur le social est un succès. “C’est un budget électoraliste en prévision des législatives de l’année prochaine”, déclare le Dr Mamade Khodabacus.
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Les principales mesures d’un Budget de Rs 45 milliards
• Les gros revenus seront davantage taxés. Auparavant, 15 % de taxe étaient perçus sur les premières Rs 25 000 de revenus imposables et 25 % sur le reste. Le gouvernement a introduit quatre différents paliers : les premières Rs 25 000 imposables seront taxées 10 %, le deuxième barême concerne une deuxième tranche de Rs 25 000 imposable à 20 %, le troisième niveau taxable concerne les revenus imposables de Rs 450 000 et le derner niveau taxable à 30 % concerne les revenus imposables au-delà les Rs 450 000. cette mesure touche directement un millier de personnes qui ont les plus gros salaires à Maurice.
• Les déductions personnelles sur les revenus passent de Rs 75 000 à Rs 80 000 et celles pour le conjoint dépendant de Rs 60 000 à Rs 65 000. Pour les enfants dépendant des parents (préscolaire, primaire, secondaire et universitaire), les déductions se feront ainsi : une basic dependent child deduction et une school fees deduction pour chaque enfant, le contribuable bénéficiera de Rs 30 000 au lieu de Rs 25 000, Rs 40 000 au lieu de Rs 33 000 et Rs 110 000 au lieu de Rs 50 000.
• L’Employees Welfare Fund est appelé à jouer un rôle capital pour la démocratisation de la terre. Ainsi, avec un investissement de Rs 350 millions dans le ‘Real Estate Investment Trust’ (REIT)à travers le National Savings Fund (NSF), il sera permis à ceux qui se trouvent sur la liste du NSF d’avoir une action du REIT, action qui vaut Rs 1 000. Cela fera d’eux les propriétaires du Trust. L’argent ainsi récolté permettra au REIT de faire l’acquisition de terres dont une partie, soit 500 hectares, sera mise à la disposition du public à un prix nominal dans des régions telles Midlands, Rose-Belle, Rivière-du-Rempart et Trou d’Eau Douce.
• Pension de vieillesse : Rs 1900 aux personnes de 60/70 ans au lieu de Rs 1790, celles âgées entre 70 et 90 ans toucheront Rs 2000 Ceux ayant plus de 90 ans toucheront Rs 6 850 et les centenaires Rs 7 795. Il n’y aura plus de distribution de molletons, les bénéficiaires auront le change en argent.
• Les barres de fer de 6 mm connaissent une baisse de 15 %. Le droit de douane de 18 % est aboli.
• La taxe de 5 % sur les produits pharmaceutiques est abolie alors que les profits des importateurs et intermédiaires passent de 45 % à 35 %. De ce fait, les produits pharmaceutiques devraient connaître une baisse de 13,5 %.
• La taxe est abolie sur les crayons, ardoises, tableaux, plumes, etc. Le droit de douane de 15 % est aussi aboli sur les biberons, tétines, sucettes, thermos, stérilisateurs, bavettes, balançoires, etc.
• Recrutement de 700 policiers, la construction d’une aile à la prison de Petit Verger, et la construction de trois nouvelles casernes pour les pompiers.
• Rs 50 000 au lieu de Rs 40 000 offertes à ceux au bas de l’échelle voulant construire une maison.
• Sale by Levy : un ancien juge se penchera sur ce dossier pour mieux protéger les citoyens et la Notary Act sera amendée pour prévoir des actions disciplinaires et même la radiation des notaires soupçonnés ou trouvés coupables de mauvaise conduite.
• Les droits d’accises sur les cigarettes locales ont augmenté et les cigarettes en paquet de 20 sont Rs 2 plus chères, alors que celles importées connaîtront la même hausse.
• Les boissons alcolisées connaissent elles aussi une hausse sur le litre concernant le ‘specific duty’. La bière passe de Rs 12.10 à Rs 14, le rhum de Rs 50 à Rs 58, le ‘duty’ sur le vin local passe de Rs 4.40 à Rs 5.25, le ‘duty’ sur la liqueur de Rs 60 à Rs 72 , le ‘duty’ sur les apéritifs passe de Rs 30 à Rs 40 et le ‘cane spirit’ de Rs 120 à Rs 145
• Au renouvellement du bail d’un campement, le propriétaire devra payer une taxe au coût commercial actuel de son terrain
• La Mauritius Post and Cooperative Bank mettra à la disposition des petites et moyennes entreprises (PME) une somme de Rs 200 millions pour des emprunts.
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Réactions
Paul Bérenger, PM : “Je ne ferais aucune déclaration. Aujourd’hui, c’est le jour du ministre des Finances”.
Navin Ramgoolam , leader de l’Opposition : “C’est le commencement de la fin du Welfare State’ ”. Il avance que, même avec des revenus conséquents qu’a apporté la TVA de 15 %, “le ministre des Finances n’a rien fait pour réduire le déficit budgétaire”. Navin Ramgoolam dit ricaner quand Pravind Jugnauth parle de démocratisation. “Le Parti Travailliste va être radical quand on démocratisera l’économie. Pas comme cela a été fait par le ministre des Finances”, dit-il.
Kobita, l’épouse de Pravind Jugnauth. “Je suis fière de Pravind et je pense que son budget est un succès. Mon époux m’avait dit que ce serait un budget pour le peuple et il a tenu parole. En même temps il a agi en ministre des Finances responsable”.
Emmanuel Leung Shing, ministre de la Justice : “Le budget met l’accent sur le facteur humain” et qu’avec Pravind Jugnauth, “les Mauriciens ont eu droit au style d’un Premier ministre en devenir”.
Steven Obeegadoo, ministre de l’éducation: “C’est un budget qui confirme la priorité stratégique accordée à l’éducation par l’État depuis que le gouvernement est au pouvoir”.
Madan Dulloo, leader du MMSM :”C’est un budget assommant. Ce budget est aussi une motion de blâme énorme de Pravind Jugnauth à son prédécesseur”.
Xavier-Luc Duval, leader du PMXD: “ Il n’y aucune mesure dans ce budget qui peut arrêter le déclin économique. Il n’y a rien pour la zone franche. Cela va être la grosse déception pour les opérateurs économiques. C’est un mauvais budget. “.
Nicolas Von Mally, député de Rodrigues: “Ce budget contient beaucoup de mesures qui vont aider les personnes qui se trouvent au bas de l’échelle. C’est une bonne chose”.
Rama Sithanen du PTr : “C’est un budget trompe-l’oeil. Le présent gouvernement n’a pas répondu aux attentes des Mauriciens. Rien n’a été fait pour réduire la dette publique, le chômage et la relance de l’investissement”.
Ariff Currimjee du JEC : “Le budget ne contient pas suffisamment d’incitations pour dynamiser les secteurs traditionnels tels que l’emploi et l’investissement”. Ariff Currimjee regrette également qu’une taxe soit imposée sur les compagnies. Il salue “les efforts qu’il y a eus en faveur des petites et moyennes entreprises (PME)” ainsi que “l’élément social très fort contenu dans le budget”.
Dario Thérèse, FPU: “Il y a un laisser-faire dans ce présent budget”. Cette centrale syndicale trouve aussi que, sous certains aspects, ce budget n’est “qu’une rhétorique vide de sens”.
Rashid Imrith, FSSC: “Les différentes mesures plus ou moins sociales prises n’apporteront aucun avantage à court terme et la vie des Mauriciens en général ne connaîtra pas d’évolution notable pour le moment”.
Radakrishna Sadien, GSA. Il fustige le fait que les salariés touchant plus de Rs 20 000 ne bénéficieront plus de la Basic Retirement Pension. “C’est assez grave car cela peut amener un démantelement de l’État providence” , dit-il.
Haniff Peerun, GUTU: “La décision de ne plus subventionner 50% des frais d’examens pour les élèves du SC et du HSC dans le cas des enfants dont les parents touchent plus de Rs 30 000 est inacceptable car c’est un acquis qui devrait rester intouchable”.
Swalay Rojee, DHTU: “Le budget favorise la démocratisation de l’investissement. Ce budget à caractère très social vise à aider les plus démunis de la société”.
Mosadeq Sahebdin, ICP: “Le discours indique un certain engagement du gouvernement en faveur des consommateurs. La mise en application de la Competition Act est une avancée dans la protection des consommateurs. Toutefois, nous estimons que l’extension des heures d’ouverture des boutiques est insuffisante pour permettre aux boutiquiers de concurrencer les supermarchés”.
Par Michaëlla Coosnapen et Christophe Karghoo