En septembre 2003, Sandhya Bappoo avait été battue sauvagement par son époux. Elle avait dû être hospitalisée pendant 16 jours à la suite de ce passage à tabac. Photos publiées avec l’autorisation des parents de Sandhya pour conscientiser les autorités à la violence domestique.
Sandhya Bappoo, 30 ans, née Ramlogum, est une femme martyre. Violentée par son époux Ravindranath, 34 ans, la jeune femme vit séparée de lui depuis environ dix mois après avoir obtenu un ‘Protection Order’.
Mardi dernier, alors qu’elle se rendait à son travail, elle a été accostée par Ravindranath qui lui a assené des coups de sabre. Blessée grièvement, elle est dans le coma aux soins intensifs de l’hôpital Jeetoo.
“La loi pa assé sévère à Maurice. Ti bisin fer li subir même zafair ki line fer mo tifi”, lance en larmes Sheila Ramlogum, la mère de Sandhya, la victime. Le coeur meurtri de voir sa fille dans un tel état, Sheila regrette que Sandhya, n’ait jamais voulu écouter ses conseils : “Si seulement elle m’avait écoutée quand je lui avais dit de ne pas se marier avec cet homme, elle ne se serait pas retrouvée à l’hôpital, dans un état aussi critique”.
Sandhya a, à maintes reprises, fait les frais des crises de jalousie de son époux.
À l’âge de 13 ans, elle tombe follement amoureuse du présumé agresseur. Après deux ans, elle s’enfuit du toit familial pour aller habiter chez lui malgré la désapprobation de ses parents. “Je ne voulais pas qu’elle se mariât avec lui après que j’eus appris qu’il avait mauvais caractère; mais elle a persisté dans sa décision”, ajoute Sheila, la soixantaine.
Après que Sandhya a atteint sa majorité, les deux amoureux se marient civilement.
Quelques années plus tard, le martyre de Sandhya commence. Elle est battue : “Il a commencé à la frapper. Il ne voulait pas qu’elle vînt nous rendre visite”. C’est l’une des raisons, d’ailleurs, pour laquelle son mari la bat.
Pour Sheila, il n’y a pas de doute : Ravindranath n’a pas digéré la séparation : “De tout temps, il était jaloux de Sandhya. Il ne supportait pas la complicité que Sandhya entretenait avec sa famille. Cette jalousie s’est aggravée quand elle l’a délaissé pour retourner vivre chez nous”.
Selon la mère de la victime, Sandhya est constamment harcelée par son époux avec qui elle est en instance de divorce depuis septembre de l’année dernière. “Comme il connaissait l’heure à laquelle elle se rendait au travail, il venait l’attendre non loin de l’arrêt d’autobus pour la harceler afin qu’elle se remît avec lui”, confie-t-elle.
Outum, le frère de Sandhya, a même dû consigner une déposition à la police il y a quelque temps de cela : “Il n’arrêtait pas de téléphoner à des heures indues. Après la déposition, il s’est calmé”.
Des menaces mises à exécution
En sus du harcèlement, Sandhya, selon sa mère, recevait des menaces de son présumé agresseur. Mais la victime ne se souciait guère des paroles intimidantes de Ravindranath. “Elle disait qu’elle n’allait pas faire de déposition, qu’elle préférait mettre le tout entre les mains de Dieu”, regrette Sheila.
De source policière, nous avons appris qu’une semaine avant cette agression à la rue Enniskillen, Port-Louis, Sandhya avait été approchée par Ravindranath, 34 ans. Celui-ci aurait juré que si elle ne retournait pas avec lui, il utiliserait la force contre elle. “Ravindranath voulait encore une fois qu’ils vivent ensemble mais ma fille a refusé. Il lui a alors dit qu’il l’agresserait avant de se suicider”, raconte sa mère.
Il est aux alentours de 07h00 quand Sandhya, employée au département de ‘Marketing’ d’une compagnie port-louisienne, quitte la demeure de ses parents. À peine a-t-elle fait quelques mètres à pied pour se rendre à l’arrêt d’autobus qu’un homme à moto l’accoste et l’agresse avec une arme tranchante. L’agresseur prend la fuite en laissant sa victime qui s’est effondrée dans une allée en cherchant de l’aide.
Quand la police arrive sur place, à la rue Paul Furcy Adèle, Port-Louis, quelques minutes plus tard, elle retrouve l’arme tranchante : un sabre avec du sang sur la lame.
Une description physique de l’agresseur est faite par quelques passants qui ont assisté à l’agression.
Entre-temps, Sandhya a été conduite aux urgences. Son état de santé est critique. Elle a perdu beaucoup de sang et elle a sombré dans le coma. Après avoir subi une intervention chirurgicale, elle est admise aux soins intensifs.
À vendredi dernier, les proches espéraient toujours que Sandhya sortirait du coma. Un sommeil dans lequel elle a sombré après les coups de sabre infligés par Ravindranath sur son dos, sa tête, ses bras. Elle a eu également trois doigts de la main droite partiellement sectionnés mais ils ont pu être suturées. “Les médecins nous ont dit qu’elle ne pourrait plus utiliser ces doigts”, déclare Outum.
Le présumé agresseur a été arrêté le jour même à Cassis. S’il a reconnu être celui qui a tailladé Sandhya, à vendredi dernier, il n’avait pas encore donné les raisons de son acte.
Une lettre adressée au ‘Directeur des Poursuites Publiques’ (DPP) a été retrouvée sur Sandya. Dans cette correspondance, il est demandé au DPP d’abandonner les charges contre Ravindranath. La lettre serait signée de Sandhya. “Je ne sais pas comment cette lettre a pu se trouver sur elle. Ma soeur n’avait nullement l’intention de retirer sa plainte pour brutalités contre Ravindranath en Cour”, soutient Outum.
Il tente de l’étrangler
Ce n’est pas la première tentative d’assassinat sur la personne de Sandhya. Cette fois-ci, elle a eu, toutefois, moins de chance.
En septembre 2003, son époux Ravindranath l’avait battue avec une telle violence qu’elle avait dû être hospitalisée pendant seize jours. “Il l’avait cognée à plusieurs reprises contre les parois. Ensuite, il avait pris le fil du téléphone et a tenté de l’étrangler avec”, raconte Outum.
Des photos des blessures avaient été faites, puis déposées en Cour pour soutenir la demande de divorce.
Après avoir donné sa déposition à la police, Ravindranath avait été libéré sous caution.
Un an avant ce passage à tabac, Sandhya avait servi de ‘punching ball’ au suspect après qu’elle se fût rendue au mariage de son frère Outum : “Il avait accepté, mais durant les festivités, Ravindranath l’a appelée pour lui demander de retourner. Il l’a frappée ce jour-là pour cette raison”.
Plus jamais ça. Pour parer à toute éventuelle démonstration de violence sur sa personne, Sandhya, tramautisée, avait même eu recours à un ‘Protection Order’ interdisant à son époux d’user de violence contre elle.
Nous avons tenté de recueillir le témoignage du père de Ravindranath mais le vieil homme s’est abstenu de tout commentaire, affirmant que son homme de loi lui a interdit de le faire.
Si les proches de Sandhya décrivent le présumé agresseur comme un “monstre”, les collègues de celui-ci, “encore sous le choc”, le dépeignent comme un homme “tranquille et toujours prêt à rendre service”.
Cela fait dix ans qu’il est employé comme ‘messenger’. Après sa première agression sur son épouse, ses collègues ont essayé de le dissuader de continuer. “J’ai tenté de le raisonner. Je lui ai dit que si son mariage battait de l’aile, il vaudrait mieux que lui et sa femme se séparent”, nous dit l’un d’entre eux.
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Deux ans de prison au mari violent
Selon la ‘Domestic Violence Act, un époux qui a été trouvé coupable d’avoir violé un ‘Protection Order’ - ordre de la Cour lui interdisant toute forme de violence sur sa femme - est possible de deux ans d’emprisonnement et de Rs 2000 d’amende. Selon Radha Gungaloo, il est infiniment rare qu’un homme soit condamné à la prison pour ce délit : “Ils sont généralement mis à l’amende”. Fait étonnant : une femme de 38 ans a été agressée à l’arme blanche par son époux le 13 avril 2004 à Quatre Bornes. La victime, qui bénéficiait d’un ‘Protection Order’ depuis le 2 mai 2003, tentait d’empêcher son mari de l’agresser avec une arme quand elle s’est fait partiellement sectionner trois doigts de la main. Après trois opérations, ses chances d’utiliser cette main reste minimes. Quant à l’agresseur, il n’a pas encore, selon Ambal Jeanna, été inquiété par la police. La raison : la déposition de la victime est introuvable. “Radha Gungaloo a envoyé une lettre officielle à la police pour connaître l’évolution de cette affaire, mais rien jusqu’à ce jour”, remarque-t-elle.
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Radha Gunagloo fustige le ministre de la Femme
“Je ne vois pas comment le ministère de la Femme peut prouver qu’il peut mener le combat contre la violence domestique seul. Je tiens à souligner que le ministère a pris la question du combat bien après nous. C’est de l’arrogance antidémocratique”, soutient Radha Gungaloo, présidente et conseillère légale de S.O.S. Femmes, en réaction au cas de Sandhya Bappoo. Selon cette légiste, pour prévenir de telles démonstrations d’agressivité sur la femme, “il faudrait qu’il y ait une collaboration entre le ministère de la Femme et les ONGs sérieuses pour mener une campagne continue contre ce problème”. Ambal Jeanne, directrice du centre S.O.S. femmes, dit pour sa part : “Il ne faut pas se concentrer uniquement sur la préservation de la famille; il faut, en outre, mettre plus d’accent sur la violence domestique”.
Soulignons que cette organisation non-gouvernementale existe depuis 1989, est engagée dans la lutte contre les femmes battues. En 2003, 806 femmes violentées ont trouvé refuge au centre S.O.S. Femmes. Comparativement à 2002, ce chiffre a augmenté de 163 cas.Nous avons sollicité une déclaration officielle du ministre de la Femme à travers une liste de questions que nous lui avons fait parvenir jeudi, concernant l’agression de Sandhya. À vendredi après-mdi, (nous avions précisé à Arianne Navarre -Marie que notre deadline arrivait à échéance vendredi midi) à l’heure où nous mettions sous presse, nous n’avions pas encore reçu nos réponses.
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Lindsey Collen : “C’est très choquant”
La secrétaire du ‘Muvman Liberasyon Fam’, Lindsey Collen, avoue que “le cas de Sandhya démontre que les autorités concernées tardent à agir concernant le problème de violence domestique. Le drame vécu par cette jeune femme est une chronique d’une violence annoncée. Elle s’est séparée de son époux parce qu’elle a failli perdre sa vie une première fois, et voilà qu’elle est agressée plus violemment cette fois-ci”.