Pendant que le vaudeville se dispute au sitcom à l’Assemblée nationale; pendant que le Premier ministre fait montre de toute sa hargne pour défendre les droits d’une activiste; pendant que l’histoire de celle qui menaçait de donne enn claque si on la photographiait, se retrouve à la une de tous les journaux et enfièvre l’Assemblée nationale; pendant que Ramgoolam se ridiculise, soupçonnant Bodha de filature interdite et que ce dernier répond qu’il n’avait aucune vue sur la dame activiste (c’est là qu’on tombe carrément dans une comédie burlesque) ; pendant que le chef du gouvernement tente de justifier le transfert punitif de deux inspecteurs de police accusés de n’avoir pas suivi les instructions, comprenez que les deux policiers, selon le Premier ministre, auraient dû saisir les téléphones de Yogida Sawmynaden, soit les objets du fameux délit.
Pendant que Sheila Bappoo – prise d’une soudaine envie de défendre elle aussi la célèbre activiste rouge – court à la rescousse du Premier ministre tout en passant sur le coup bas de Ramgoolam qui s’est permis de jeter, injustement, le nom d’une autre femme, n’ayant rien à voir avec cette affaire, en pâture à l’Assemblée nationale ; pendant le temps que dure ce scénario désespérant et indigne de nos hommes politiques, le petit peuple, lui, s’enlise dans ses vrais problèmes, dans l’indifférence des élus.
De sa vie, de son quotidien, personne n’en a cure. Qu’il soit obligé de se réveiller à l’aube pour remplir ses récipients avant que l’eau n’arrête de couler, ne semble avoir aucune incidence sur ces députés et ministres, plus prompts à s’insulter à l’Assemblée nationale. Que l’écart se creuse davantage entre riches et pauvres, frustrant davantage ceux au bas de l’échelle en cette période festive, ne provoque aucune conférence de presse urgente.
Alors qu’il y a des familles à sauver, à accompagner. Car la pauvreté ne connaît pas la crise. Nous publions en page 12 de ce numéro la triste réalité de la famille Vert. Deux adultes, trois enfants, dont une fille souffrant de trisomie 21. Au-delà de leurs conditions de vie modestes, c’est le parcours scolaire d’un des enfants qui semble aujourd’hui en suspens. Pourtant, il fait la fierté des siens, après avoir réussi son CPE avec 14 honorables unités et obtenu le collège Eden de Rose-Hill. Ainsi, malgré sa précarité, malgré le fait qu’il a dû faire ses devoirs accroupi sur son lit, faute de table ou de bureau confortable, malgré l’absence de leçons particulières, l’adolescent a persévéré et a eu raison «d’aimer l’école» comme il le dit à la journaliste Laura Samoisy.
Sauf que ce n’est pas sûr qu’il se rendra au collège. Le manque de moyens financiers pour acheter uniforme, livres et matériel scolaire pourrait hypothéquer son avenir. Et c’est là qu’on se met à rêver et à espérer… Si seulement ce petit garçon avait les mêmes chances que les autres, si au fond, l’equal opportunity n’était pas uniquement un concept, s’il pouvait partir à l’école chaque matin après avoir eu droit à un petit déjeuner, s’il avait ne serait-ce qu’une table pour faire ses devoirs les après-midi. Si seulement, si seulement à l’Assemblée nationale, on se souciait plutôt des vrais problèmes des vraies gens au lieu de nous entraîner dans des scènes d’un vilain sitcom…