On veut démocratiser la consommation du cerf
La vente de la viande de cerf dans des vans ou sur des étals de fortune a du plomb dans le flanc. Avec la mise en place cette année de boutiques mobiles et non-mobiles à travers tout le pays, la viande de cerf veut, par exemple, remplacer le poulet dans l’assiette des Mauriciens.
Afin de conscientiser davantage la population aux nombreuses qualités de la viande de cerf, une campagne de pub a été lancée dans la presse, agrémentée de recettes, tout en vantant les valeurs nutritives de cette viande dite ‘sauvage’, réputée pourtant pour sa faible teneur en cholestérol.
La Mauritius Meat Producers Association (MMPA) veut frapper fort cette saison et l’introduction de ces boutiques mobiles et non-mobiles est la locomotive qui représente cette volonté affichée de faire aimer la viande de cerf. “Tout un travail en amont a déjà été fait afin de vulgariser davantage la viande de cerf et la rendre accessible à un plus grand public en s’assurant de la salubrité et de la qualité d’un produit frais très prisé par beaucoup de Mauriciens”, nous confie Cyril Monty, secrétaire de cette organisation.
La semaine dernière, un mémoire a été soumis au ministre Nando Bodha, dans lequel l’accent est mis sur la salubrité, les normes phytosanitaires et la traçabilité du produit qui sera offert dans les ‘mobile and non-mobile shops’.
La saison de chasse s’ouvre le 1er juin et prend fin le 30 septembre de cette année. Il faut s’attendre à l’abattage de quelque 11 000 têtes de cerf, représentant 400 tonnes de viande/carcasses qui seront vendues au public. Les prix varient selon les choix : filet (Rs 90 le demi-kilo), épaule (Rs 70), côtelettes (Rs75) et côte (Rs55), soit le même prix que celui pratiqué l’année dernière.
“Plus tendre que le poulet”
Jusqu’ici, la viande était vendue dans les principaux marchés des villes et dans certaines grosses agglomérations rurales à travers des bouchers. La MMPA veut professionnaliser le secteur des cervidés en adoptant un concept qui valorise cette viande réputée “plus tendre que le poulet sans peau”, selon Cyril Monty. À cet effet, la MMPA a demandé des facilités de prêts auprès de la Banque de Développement à un taux bonifié.
Ainsi, la MMPA a commandité une étude de faisabilité en vue de la mise sur pied d’une centrale de marketing et d’une unité de transformation de la viande de cerf en burgers, saucisses et autres produits dérivés, sous vide. Cette étude, de même qu’une autre sur le palmiste et la pomme de terre, menée par Appavou Associates, au coût de Rs 1,7 million, a été partiellement financée par l’Union européenne.
La MMPA veut que non seulement les habitants des villes, mais aussi ceux des villages puissent goûter au bon plaisir que procure un civet de cerf ou un curry de cerf aux embrevades. “On a fait une requête auprès des ministères de la Santé et de l’Agriculture afin qu’on arrive à mettre sur pied, dès cette saison, des ‘mobile and non-mobile meat shops’ visant à rendre la viande de cerf accessible à tous. Cette viande, selon les statistiques, est la plus populaire de toutes et est appréciée parmi toutes les classes sociales de la population”, souligne Cyril Monty.
-----------------------------
En chiffres
Un cheptel de 70 000 têtes
Le cheptel mauricien est constitué de quelque 70 000 têtes de cerf élevées sur 25 000 hectares, dont 23 hectares pour un élevage intensif. Ces cerfs sont répartis en 50 chasses dont les 70 propriétaires sont tous membres de la MMPA.
13 000 naissances par an
Le cheptel grandit de 20% chaque année. Ainsi, si les faons viennent grossir la famille des cerfs, par contre un certain nombre d’adultes sont tués durant la saison de chasse. Histoire de faire de la place.
Le cerf introduit en 1639
L’arrivée des cerfs à Maurice eut lieu en même temps que celle de la canne à sucre. Quand les Hollandais ont débarqué dans notre île le 8 novembre 1639, ils ont amené de Java la canne à sucre et sur le même bateau, il y avait aussi des cerfs. Histoire de s’assurer de la viande fraîche. L’Histoire retiendra que la canne s’est imposée jusqu’à aujourd’hui; le ruminant, même dans des conditions difficiles de notre île tropicale, survit toujours. Ces mêmes Hollandais, en quittant l’île, ne voulaient pas que les nouveaux occupants puissent bénéficier de cette bonne chair. Ils ont alors lâché leurs chiens dans le but de détruire tout le cheptel. Mais une épidémie de ‘distemper’ a eu raison de ces chiens, d’où la survie des cerfs dans notre île.
Zéro de consanguinité
Aussi incroyable que cela puisse paraître, les cerfs, selon des études scientifiques, ne sont pas comme les chiens et autres animaux qui se croisent entre eux, qu’ils soient frères et soeurs, ou pères et filles. Les cerfs, malgré leur grand nombre, ne se croisent jamais entre ‘proches’ et n’ont, ainsi, jamais eu de problèmes de consanguinité. Ni de gènes !
Le cerf : 4x4 tout terrain
Il est étonnant de constater que le cerf vit dans des conditions très difficiles à travers l’île : sur le haut plateau où il fait très froid, à l’ouest où le soleil et la sécheresse rendent l’élevage quasi impossible. Cependant, le cerf, lui, vit en harmonie avec Dame Nature. C’est pour cela que dans le monde des cervidés, on surnomme ce ruminant “4x4 tout terrain”.