Rishiraj n’a plus une vie normale. Il reste désormais cloué au lit.
Il n’est plus qu’un légume. Une balle tirée par un policier de l’ADSU et logée dans sa colonne vertébrale, a changé le cours de sa vie. Rishiraj Dookhia, présumé ‘dealer’ de drogue, ne marchera plus. Devenu paraplégique, il pleure sur son sort et avoue:”J’aurais préféré mourir plutôt que d’être dans cet état”.
Rishiraj a sombré dans le désespoir. Il y a un mois, ce jeune célibataire - désormais alité à vie - croquait la vie à belles dents. Il y a un mois, il sortait avec des amis. Bon joueur de football, il était le défenseur latéral gauche d’une équipe de sa localité; il ne s’inquiétait pas de ce qui l’attendait plus devant.
Il n’est plus le même jeune homme. Sa vie a pris une tout autre tournure depuis le 17 avril dernier, jour du drame qui a fait de lui un infirme. La police affirme que Rishiraj est un présumé ‘dealer’ de drogue.
C’est au cours d’une opération de l’Anti-Drug and Smuggling Unit’ (ADSU) que Rishiraj a reçu une balle dans le dos. L’ADSU voulait l’arrêter. Depuis, il est cloué au lit. Il ne contrôle plus la partie inférieure de son corps. À 22 ans, il est comme un bébé. Il souffre d’incontinence: “Ma vie est finie. Je n’arrive plus à savoir quand je dois faire mes besoins. Je porte en permanence des couches. Le plus dur pour moi, c’est de ne plus pouvoir marcher”.
Il n’a qu’un seul regret : celui de ne pas être enterré six pieds sous terre au lieu d’être forcé à vivre aux dépens des autres.
Analphabète, Rishiraj occupe ses journées à regarder la télévision. De temps en temps, sa belle-soeur obtient en emprunt une chaise roulante qui lui permet de sortir prendre un peu de soleil.
C’est Anmol Lutchmun, un de ses demi-frères - les parents de Rishiraj Dookhea se sont séparés alors que ce dernier n’avait que 7 ans et son père a eu, en secondes noces, d’autres enfants dont Anmol - qui a pris Rishi sous ses ailes dans sa modeste maison de deux pièces en tôle et en bois dans lesquelles dorment sept personnes , depuis que ce dernier est sorti de l’hôpital, il y a de cela trois semaines. “Cet accident est inadmissible. Il faut que justice soit rendue à mon demi-frère”, nous dit Anmol.
Rishiraj n’a jamais eu de lieu de résidence fixe. Il attribue cela à la malchance. : “Mon enfance a été un cauchemar après la mort de ma mère. À présent que je venais de débuter ma vie d’adulte, la malchance m’a encore rattrapé. Je suis devenu un handicapé. À 22 ans, je n’ai pas eu le temps d’accomplir grand-chose”.
“C’était comme une explosion de pétard”
Anmol et son frère ne comptent pas baisser les bras. Ils veulent que les coupables soient punis. “Nous allons poursuivre la police pour ce que nous considérons comme une bavure de sa part”. Et à Rishiraj de poursuivre: “Je n’étais en possession d’aucune drogue. À aucun moment, les policiers ne m’ont demandé de m’arrêter pendant que je courais”.
Les souvenirs sont encore vivaces dans la tête de Rishiraj. Il se rappelle ce jour où sa vie a basculé. Sur la base de certains renseignements, les membres de l‘ADSU, se sont rendus à la Cité la Ferme pour arrêter Rishiraj. “Je m’attelais à mes occupations quand j’ai vu deux hommes en short courir dans ma direction. L’un d’eux avait une arme entre les mains. Je croyais qu’ils étaient des voleurs et qu’ils voulaient me dépouiller de mon argent je me suis, donc, mis à courir”, raconte Rishiraj, l’émotion dans la voix.
Toujours selon lui, alors qu’il poussait une porte pour chercher du secours chez l’un de ses voisins, il a entendu un bruit sourd: “C’était comme une explosion de pétard. Tout de suite après, j’ai ressenti une brûlure tout de long de mon corps; après, ce fut le néant. Je suis tombé sans connaissance”. D’une source policière, nous avons appris qu’un policier n’a pas le droit de tirer sur un suspect dans le dos pendant que celui-ci prend la fuite. “Un policier est autorisé à tirer sur un suspect uniquement s’il sent que sa vie est en danger”, nous confie cette source.
Selon l’avocat de Rishiraj, Me Ashley Hurrunghee, le jeune homme sera peut-être appelé à participer à une reconstitution des faits bientôt pour essayer de prouver d’autres éléments.
“Aidez-moi!”. C’est le cri du coeur de Rishiraj: “De fausses allégations pèsent sur moi. Je demande à la police de rayer toutes les charges qu’elle retient contre moi. J’implore aussi l’aide des Mauriciens pour qu’ils m’aident financièrement”.
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Un paraplégique selon un neurologue
Selon le Dr Ramesh Modhun, neurologue, une personne devient paraplégique quand elle est paralysée des membres inférieurs : “La paraplégie, c’est la paralysie des membres inférieurs : c’est-à-dire que la personne perd la fonction de ses membres et, donc, elle ne peut pas marcher. C’est une lésion de la moelle épinière - partie du système nerveux central située dans la colonne vertébrale, jouant, d’une part, un rôle de centre nerveux responsable de certains réflexes et, d’autre part, un rôle de conduction des messages jusqu’au cerveau pour que les membres réagissent - qui interrompt les signaux électriques (messages qui vont jusqu’au cerveau et qui, par la suite, causent les réflexes et les mouvements des membres du corps) du cerveau aux muscles”. S’occuper d’un paraplégique coûte généralement cher. Le célèbre acteur américain Christopher Reeves, qui a incarné Superman au cinéma, dépense près de 600 000 francs suisses par an en soins divers. Ce dernier, sérieusement paralysé depuis 1995 à la suite d’une chute de cheval, aura bientôt cinquante ans.
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Nombre de paraplégiques à Maurice: Pas de chiffre officiel
Selon le ministère de la Santé, il n’y a pas de chiffre officiel du nombre de paraplégiques à Maurice; il n’y a pas, non plus, des données qui indiqueraient le nombre de cas d’accident où des personnes sont devenues paraplégiques. “Suite à votre fax, il y a un officier qui est en train de compiler des dossiers pour savoir combien de personnes ont été enregistrées dans les hôpitaux de l’île et qui souffrent de paraplégie”, nous a informé une source du ministère de la Santé.
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Les cas où les policiers ont fait feu
En 1982, la police tira sur Clifford Esther, alors âgé de 22 ans. Il était soupçonné d’être impliqué dans le braquage de la succursale de la State Bank à Curepipe qui avait fait un mort: un policier, ndlr. Un policier lui tira une balle dans la bouche. La balle lui transperça le crâne. Il survécut après avoir passé environ deux mois dans le coma. Il a perdu l’usage de son bras droit et de son oeil gauche. En 1982 toujours, la police choqua de nouveau avec ses coups de feu. Cette fois-ci, elle fit deux victimes: Sylvio Suntoo (28 ans) et son épouse Patricia (16 ans). Cette dernière était enceinte. Dans cette affaire, la police avait évoqué la légitime défense. Parmi les autres cas où la police a fait usage d’armes à feu: la mort de Berger Agathe, de Rajen Sabapathee et de Dan Ramessur, entre autres.
Par Christophe Karghoo et Nadine Bernard