Pratima est accusée d’avoir tué la petire Emilie dans la nuit du 5 mai. Elle est en ce moment incarcérée au poste de police de l’Escalier.
Quelques jouets et des vêtements de bébé traînent chez lui. Pour Joël Thelva, 38 ans, et sans travail fixe, ce sont de pénibles souvenirs qui lui rappellent la petite Emilie, six mois, tuée mercredi dernier par Pratima Peehary, 27 ans, sa concubine. Il est meurtri. “J’aimais Pratima mais son geste est impardonnable”, dit-il.
Mais pour Kailash Trilochurn, l’avocat de Pratima Peehary, sa cliente est une victime. Dans une déposition consignée samedi dernier au poste de police de Mahébourg, Pratima allègue qu’elle a été brutalisée par des éléments de la CID: “Je vais demander que ma cliente soit libérée car il n’y a aucune preuve que c’est elle qui a tué l’enfant”.
L’avocat dit ne pas pouvoir se prononcer sur l’état d’esprit de sa cliente car elle n’est pas suivie par un médecin. Pratima comparaîtra en Cour lundi prochain.
La petite Emilie qui est morte projetée sur la route, dit-on, par sa mère mercredi dernier, hante toujours Joël qui avait accueilli Pratima chez lui depuis mai 2003. Il essaye de comprendre ce qui s’est réellement passé ce jour-là. Il semble perdu, il s’interroge. “Je n’y crois toujours pas”, dit-il.
À quelques mètres de sa maison, assis sur un rocher, une cigarette à la main, un pansement au pied droit dû à une inflammation (la raison de son hospitalisation le jour même du drame), Joël a le regard vide. Il hésite à nous parler: “C’est trop de mauvais souvenirs. Je m’étais pris d’affection pour ce bébé, même si je sais qu’il n’était pas le mien”. Joël souligne que Pratima est arrivée chez lui enceinte.
“Cet acte monstrueux”
“J’ai rencontré Pratima en octobre 2003 lors d’une virée à Mahébourg. Ce fut le coup de foudre”. Pratima vivait alors avec un autre homme. Joël retombe à nouveau, par hasard, sur Pratima en mai dernier. Il est sous son charme.
Quelques jours plus tard, Pratima s’installe chez lui. Joël vit tout seul dans une dépendance en tôle à côté de la maison de sa mère, Madelaine, aussi bouleversée par le drame qui touche sa famille.
Pour Joël, c’était la première fois qu’il ramenait une femme chez lui après avoir rompu avec une autre femme avec laquelle il avait vécu pendant deux ans. Ils n’ont pas eu d’enfant ensemble.
Des liens se tissaient de plus en plus entre Pratima et Joël au fil des jours et des semaines qu’ils cohabitaient. Aveuglé par ses sentiments, il n’avait selon lui, pas constaté que Pratima était enceinte: “Elle était déjà enceinte de cinq mois. Maintenant je n’ai pas de doute: ce n’est pas mon enfant. Sa grossesse ne se voyait guère mais elle a accouché trop vite, l’enfant ne pouvait pas être de moi. Je lui ai à maintes reprises demandé qui était le père d’Emilie mais elle ne m’a pas donné de réponse”.
Quelques mois après l’arrivée de Pratima chez Joël, elle accouche d’une petite fille que la famille Thelva prénomme très vite Emilie.
C’est à la fois la joie et la méfiance chez les Thelva.
D’un côté, ils accueillent avec beaucoup d’amour l’enfant qu’ils considèrent comme une créature de Dieu. D’un autre côté, Joël refuse de le déclarer.
Très vite les relations entre Joël et Pratima dégénèrent: “Li ti pé excité quand mo ti pé coz ar li. Même kan ti pé dire li fer éne zaffair concernant bane travaux domestiques”. Joël affirme toutefois : “Malgré tous so banne défauts mo ti content li. Tout dimoune éna so défaut”.
Les fenêtres volent en éclats
De fréquentes disputes, des fenêtres qui volent en éclats, l’enfant qui pleure constamment et des hurlements. Joël décide de prendre les choses en main lorsque Pratima, dit-il, commence à cogner l’enfant. Madelaine, la mère de Joël, ne peut résister et nous fait la déclaration suivante : “C’était trop pénible à voir. Elle frappait l’enfant violemment. Un jour j’ai dû aller à la police pour rapporter le cas. Mais à l’arrivée des policiers, elle avait déjà quitté les lieux avec son bébé”.
Toutefois, selon le Dr Satish Boolell,le médecin légiste, le bébé de Pratima n’était pas un enfant maltraité.
Selon Joël et des habitants du village, Pratima errait souvent dans les rues avec son bébé dans les bras. “C’était devenu très fréquent ces derniers temps”, nous dit Madelaine.
C’est ainsi qu’un soir aux alentours de 22h00, Louis Thelva, un cousin de Joël, la voyant loin de chez elle, lui propose de l’héberger pour la nuit. “Au cours de la soirée Pratima m’a fait part de son intention de se séparer de l’enfant car elle disait ne plus pouvoir subvenir à ses besoins”, dit Louis Thelva. Selon celui-ci, cela s’était passé en février lors d’une autre escapade de Pratima de la maison de Joël. “Pratima a exprimé le désir pour que sa fille soit confiée à une famille et je connaissais des personnes prêtes à assumer le rôle de parents”, ajoute Louis.
C’est ainsi que Pratima a confié sa fille au couple Michel qui réside à Surinam.
“C’était une joie d’accueillir Emilie dans notre foyer. Après plusieurs années de mariage, je n’ai pu avoir d’enfant. Emilie nous a apporté du bonheur pendant ces trois semaines qu’elle est restée chez nous”, raconte Karouna la femme d’Hedley Michel, née Nalee.
Le couple Michel avait commencé les démarches pour l’adoption de la petite Emilie. Hedley Michel devait par la suite déclarer l’enfant.
Trois semaines après avoir confié son enfant au couple Michel, Pratima est venue “soutirer” de l’argent à Louis Thelva à qui elle avait confié son désir que sa fille ait une vie meilleure : “Pratima est venue me demander Rs 1500 et je lui ai expliqué que je ne pouvais pas lui donner une telle somme”. C’est à la suite de cette conversation avec Louis Thelva que Pratima a repris son enfant chez les Michel.
“Elle me téléphonait tous les jours pour me demander de l’argent. Lorsqu’elle est venue reprendre l’enfant le 23 février dernier, je le lui ai donné sans faire de problème”, nous dit Karouna . Les Michel avaient rendez-vous le lendemain, soit le 24 février, pour les procédures d’adoption. Mais ils ont dû tout annuler.
Dans sa petite bicoque en tôle à Rivière des Créoles, Keewantee Lutchmun, la mère de Pratima ne se remet pas du fait que sa fille est en cellule policière: “Je ne sais pas qui est le père de sa fille (Keewantee contrairement aux Thelva appelle la petite fille Nishta) mais c’est cette famille de Mahébourg qui a bouleversé sa vie”.
Par Christophe Karghoo et Sadrina Duval