Le ministre des Finances, Pravind Jugnauth, discutant avec le président de la NTUC, Radakrishna Sadien à l’issue de la rencontre.
C’est chaque année la même chanson! Les négociations tripartites en vue de la compensation salariale ressemblent à un disque archi joué. D’un côté, le gouvernement et les employeurs brandissent l’éternel argument, à savoir que l’économie est en péril. De l’autre les syndicats maintiennent que les employeurs ont de quoi payer. Bref, le travailleur ne doit pas se faire trop d’illusions car il n’aura que le montant dont décidera le gouvernement au final.
La formule pour la compensation salariale sera connue jeudi prochain, 13 mai, lors du deuxième round des négociations tripartites. Ils seront tous là : le gouvernement représenté par le ministre des Finances, Pravind Jugnauth; les employeurs par la ‘Mauritius Employers Federation’ (MEF) et les travailleurs par les trois fédérations syndicales : la ‘Mauritius Trade Union Congress’ (MTUC), le ‘National Trade Unions Confederation’ (NTUC) et le ‘Mauritius Labour Congress’ (MLC).
C’est sans doute à cette occasion que les syndicalistes vont faire entendre leurs protestations. Car, la compensation salariale annuelle - comme le taux d’inflation sur lequel elle est calculée - ne reflète jamais, selon eux, la perte du pouvoir d’achat. D’ailleurs, le gouvernement et le secteur privé ont déjà envoyé des signaux assez faciles à interpréter.
“La situation économique est très difficile mais on espère trouver un consensus. Il faut penser à l’intérêt national et non aux gains personnels”, a déclaré Pravind Jugnauth à l’issue du premier round des négocations tripartites jeudi dernier. “La productivité est très basse et la situation est difficile dans le secteur du textile et l’industrie sucrière. Il y a des nuages qui s’amoncellent dans d’autres secteurs”, a ajouté Gerard Garrioch, président de la MEF.
Pour les syndicalistes, le message est clair. “Les employés essaient, comme tous les ans, de nous donner l’impression que la situation économique est difficile. Mais nous, syndicats, nous ne trouvons pas la situation si difficile”, affirme Radakrishna Sadien, président de la MTUC. Pour lui et ses compères syndicalistes, la restructuration dans l’industrie sucrière et le nombre d’hôtels et de touristes qui n’arrête pas d’augmenter démontrent que l’économie ne va pas si mal. “Cette année, l’industrie sucrière connaîtra une de ses meilleures coupes et le prix du sucre est à plus de Rs 15 000 la tonne. Le nombre de touristes qui viennent en vacances à Maurice a dépassé 700 000”, renchérit Jugdish Lollbeeharry, président du MLC.
Mais la différence est ...
C’est la même chanson, mais la différence est, pour les syndicalistes, le fait que les représentants des employeurs ont accepté qu’il y ait une ‘full compensation’ pour ceux au bas de l’échelle. “Du côté du MLC, nous maintenons qu’il faut Rs 600 de compensation pour ceux touchant jusqu’à Rs 10 000”, clame Jugdish Lollbeeharry. Pour la MTUC, cette promesse des employeurs est floue. “Il faut d’abord définir ce que veut dire ‘au bas de l’échelle’”, déclare Radakrishna Sadien.
En définitive, les syndicalistes veulent que le gouvernement pense en termes de justice sociale en allouant la compensation salariale. “Pour les travailleurs au bas de l’échelle mais aussi pour ceux de la classe moyenne. Ce sont toujours ces derniers qui se serrent la ceinture”, soutient Tulsyraj Benydin, président de la NTUC.
Du côté des employeurs, on refuse de définir le salaire de ceux au bas de l’échelle et au haut de l’échelle. C’est au gouvernement d’en décider, disent-ils. Mais attention, ‘full compensation’ à ceux au bas de l’échelle mais ... “Il faudra que les autres acceptent de ne pas avoir de compensation salariale pour que nous puissions alléger le fardeau de ceux au bas de l’échelle”, soutient Gerard Garrioch. Voila qui ne va pas faire plaisir à la classe moyenne. Ce n’est pas M. Benydin qui nous dira le contraire.
Pour l’heure, les fédérations syndicales et la MEF ont fait leurs propositions. Quelques-unes -, comme, par exemple, la tenue des réunions tripartites plus régulières - sont unanimement acceptées. D’autres, comme celle de la MEF d’allouer 50% de la compensation en se basant sur le taux d’inflation et le reste sur d’autres critères ont déclenché les foudres des syndicalistes. Ces derniers veulent le maintien du paiement de la compensation sur la base du taux d’inflation. Même si le taux officiel ne réflète pas, selon eux, la perte réelle du pouvoir d’achat des Mauriciens.
Trêve de divergences. Le taux d’inflation sur lequel est calculé la compensation sera connu dans les jours à venir. Mais les spécialistes soutiennent qu’il sera aux alentours de 4%, comme il l’est actuellement. Quant à savoir si elle pourra compenser la perte du pouvoir d’achat des Mauriciens miné par les récentes et multiples hausses des prix, rendez-vous la semaine prochaine. Si le premier round a été plutôt ‘soft’, selon les partenaires sociaux présents, le second sera peut-être plus agité.