Jessree a avoué dans sa déposition à la police qu’elle se prostituait depuis février dernier.
L’enfer de la prostitution a fait une nouvelle victime. Depuis le mois de février dernier, selon Jessree, elle est forcée par son petit ami, Prithesh, à avoir des relations sexuelles avec des inconnus en échange de Rs 100.
Samedi 1er mai dernier, à environ 14h00 dans une maison abandonnée à St-Hubert. Des policiers du poste de la localité pénètrent dans le taudis. Sur le sol maculé de boue, allongée sur des sièges usés de voiture placés les uns à côté des autres en guise de matelas de fortune, une adolescente est à moitié dévêtue. À ses côtés, Ramesh et Ganiath, deux jeunes hommes de la localité tout aussi légèrement vêtus. Sur le rebord de la fenêtre, une bouteille de bière vide.
Pour les policiers, l’appel anonyme leur indiquant qu’une mineure se prostitue dans cette maison non loin de la route Royale n’était pas un canular. Ils embarquent les occupants. Direction : le poste où doivent se dérouler leurs interrogatoires. Jessree est la première à y passer. Ses aveux sont troublants. Elle a été “vendue” à ces deux hommes pour Rs 200 (soit Rs 100 par client).
Dans sa déposition à la police, elle avoue qu’elle a accepté de se prostituer par crainte d’être battue : “Prithesh a menacé de me battre si je refusais de le faire”.
Quant aux deux clients, ils ont été arrêtés et relâchés mercredi dernier après avoir fourni chacun une caution de Rs 7000. Ils ont retenu les services de Ritesh Samputh.
Sida ? connaît pas!
Depuis combien de temps fait-elle ce métier? Cela fait trois mois que Jessree se prostitue, soit depuis février dernier. Toutefois, elle ignore la date et le jour où elle a commencé : “Cela fait un an que je le connais (Prithesh,ndlr), il vend des oeufs dans la localité et il est un ami de mes proches. Cependant, au mois de février, je suis sortie avec lui. Le même jour, il m’a obligée à coucher avec sept de ses camarades”.
Les faits se sont passés à ‘The Vale’. “Il était venu me voir dans mon quartier. Après m’avoir forcée à grimper dans son véhicule, un van, il m’a emmenée à ‘The Vale’. Sur place, il y avait six hommes (parmi eux, il y avait Prakesh, le frère de Prithesh, ndlr) qui nous attendaient, Prithesh m’a expliqué que je devais coucher avec eux parce qu’ils lui avaient remis de l’argent. Comme j’ai refusé, il a menacé de me passer à tabac”, se souvient Jessree. Sans broncher, elle s’est exécutée.
Au cours de son récit, elle avoue que ce jour-là, elle a dû également avoir des relations sexuelles avec Prithesh. À la question de savoir si elle utilisait un préservatif pour se protéger du virus du sida, Jessree, qui a arrêté l’école à l’âge de 10 ans, répond : “Avant que n’éclate l’affaire, je ne savais pas ce que c’était que le sida, ni un préservatif non plus. Ce sont les officiers du ministère de la Femme qui m’ont fait un cours sur ce sujet”.
Rs 1000 en récompense
Deux semaines après, elle fut rémunérée pour ses “services”. Ayant perdu la robe qu’elle avait empruntée à sa voisine, Jessree a demandé à Prithesh de lui remettre une partie de l’argent de la prostitution. “Je devais rembourser le coût de cette robe; j’ai demandé de l’argent à Prithesh et il m’a remis Rs 1000”, dit-elle.
La police, à jeudi dernier, était toujours à la recherche de Prithesh, le présumé proxénète, de Prakesh, le frère de celui-ci, ainsi que des six autres suspects impliqués dans cette affaire.
La misère est le quotidien de Jessree. Pour se faire quelques sous, elle travaille comme bonne à tout faire aussitôt que l’occasion se présente. Son père a quitté le toit familial alors qu’elle était encore petite. Sa mère, elle, travaille comme ouvrière dans une conserverie de poisson. Les deux ont refait leur vie, chacun de son côté, et Jessree vit chez Padmini, sa mère.
Cette dernière, lorsque nous l’avons interrogée, nous a dit : “J’ai eu un choc quand j’ai appris cette nouvelle. La veille, ma fille et moi, nous nous sommes rendues à un enterrement dans la localité. Dans l’après-midi, je me suis rendue à mon travail et c’est à mon retour que les policiers sont venus m’annoncer que ma fille avait été prise en flagrant délit de prostitution. Jamais, elle ne m’avait confié qu’elle s’adonnait à la prostitution. Je ne sais pas ce qui lui est passé par la tête pour faire une telle chose”.
Le cas de Jessree est venu soulever la question de l’étendue du fléau de la prostitution infantile à Maurice. En 2002, un rapport sur la ‘Commercial Sexual Exploitation of Children in Mauritius’ (CSEC) faisait état de plus de 2600 enfants prostitués dans notre île. Si rien n’est fait, ce chiffre ira en augmentant.
ndlr : (des prénoms fictifs ont été utilisés).